L’international Jazz ladies Festival, “Parfum de Jazz” qui s’est déroulé du 8 au 21 août en Drôme Provençale vient de se terminer. Un Festival comme tous les autres marqué par la pandémie et des difficultés de tous ordres. Pourtant, à l’heure du bilan, Alain Brunet, son président reste serein. L’édition a été riche de belles découvertes et le public, même en moins grand nombre a répondu à l’appel. Cette édition 2021 conforte en tout cas Alain Brunet dans le choix effectué il y a trois ans, de consacrer désormais exclusivement l’événement aux femmes du jazz. Entretien.
Vous dites souvent que le jazz n’est plus une musique populaire. C’est vrai. Mais on constate que le public a, durant tout le Festival Parfum de Jazz rempli les salles de plein air. Il semble qu’ici dans la Drôme, le Jazz ait fait de la résistance, non ..?
Alain Brunet-C’est vrai que lors de la plupart des concerts, le public a répondu à l’appel. Il ne faut cependant pas se faire d’illusions, nous avons dans l’ensemble des petites jauges et nous avons perdu cette année du fait du Covid-19, du pass sanitaire, de la peur de certains d’être contaminés, de 20 à 30 % de notre public, par rapport au dernier Festival en 2019, il est vrai que ce dernier avait drainé beaucoup de monde grâce notamment à Cecil McLorin et à la dernière soirée consacrée à Michel Legrand.
Il y a eu clairement cette année un effet Covid.
Nous avons comblé ces chaises qui auraient pu rester vides, en forçant quelque peu cette année sur les invitations. Il reste que par rapport à de nombreux autres Festivals nous n’avons pas à rougir cette année.
Quelles ont été les autres conséquences de la pandémie sur la manifestation ?
A la demande de certaines municipalités, nous avons dû annuler une partie des concerts gratuits, “Jazz au Village” qui visent à populariser la musique de Jazz.
Nous avons eu aussi quelques belles frayeurs. Nous avons dénombré 25 jeunes musiciens qui n’avaient pas de pass sanitaire durant le festival. Nous étions outillés en nous entourant d’un interne pour effectuer des tests valables 72 heures. Mais le cas s’est posé lorsqu’à moins d’une heure d’un concert, trois musiciens nous ont avoué n’avoir pas de pass sanitaire. Une situation difficile à gérer…
Cette baisse de la fréquentation de 20 à 30 % risque-t-elle d’obérer la pérennité du Festival ?
C’est vrai, nous allons perdre de 25 à 30 % de recettes de billetterie, mais nous n’allons pas en mourir. En effet, grâce aux collectivités et aux entreprises mécènes qui nous accompagnent, nos finances vont rester saines, d’autant que nous sommes éligibles aux aides que le ministère de la Culture a mis en place pour accompagner le difficile chemin des festivals cet été.
Il y a trois ans, le Festival prenait le virage en direction des ladies du Jazz. Estimez-vous au regard de l’édition 2021 que ce concept reste pertinent ?
A la veille du 20ème anniversaire, il y a trois ans, nous avons effectivement voulu marquer le coup en dédiant le festival aux ladies du Jazz. Et vu le succès, nous avons continué sur notre lancée. Manifestement, le public a adoubé le concept et il n’y a pas de raison de ne pas persévérer dans cette direction.
Un philosophe et homme de radio français, Michel Cazenave a estimé dans son œuvre que la notion de sacré passait par les femmes ou par la part féminine des hommes. Or, le jazz, c’est aussi et surtout la soul, l’âme. On l’a fort bien ressenti d’ailleurs lors du concert de Naïssam Jalal. Est-ce qu’effectivement les femmes apportent un supplément d’âme au jazz ? Bref, qu’apportent-elles de plus pour qu’un Festival leur soit essentiellement consacré ?
On peut effectivement peut-être appeler cela un supplément d’âme.
Les musiciennes de jazz jouent différemment que les hommes. Elles pratiquent un espace temps différent. Elles font moins preuve de recherche de virtuosité à tout prix. Il y a moins la forte volonté de montrer. Elles visent d’abord et avant tout à ciseler des mélodies et à bien les exprimer.
On a pu le constater fortement par exemple chez Camille Maussion, la saxophoniste de Nefertiti qui a exprimé un fort joli son, mais sans vibrato, sans virtuosité. On l’a retrouvé aussi chez Champian Fulton dans son jeu de piano.
Aragon disait que la femme est l’avenir de l’homme, comme l’a chanté Jean Ferrat. Les femmes sont-elles aussi l’avenir du jazz ?
Le phénomène est lancé et est bien parti pour se poursuivre. Il va y avoir très probablement de plus en plus de femmes qui vont jouer du Jazz. Oui, les femmes sont bien l’avenir du Jazz…
Enfin, quid de l’édition 2022 ? Avez-vous déjà une petite idée de sa programmation ?
Non, il est encore trop tôt. Tout ce que je sais à l’heure actuelle que j’aimerais signer avec deux musiciennes : la chanteuse coréenne Youn Sun Nah et la contrebassiste Esperanza Spalding…