Archie Shepp, Anouar Brahem, Youn Sun Nah, Madeleine Peyroux et Brad Mehldau : une programmation jazz qui n’est pas très originale, penserez-vous, peut-être. Organisées par l’Auditorium de Lyon, en partenariat avec Jazz à Vienne, ces soirées annoncées pour la saison 2018/2019 à venir sont cependant aptes, vu la notoriété des artistes choisis, à remplir les 2 200 places de la maison de toutes les musiques, slogan que l’Auditorium agite à satiété. Mais surtout, chacun de ces artistes vient, soit de sortir un nouvel opus, soit se produira dans une formation unique ce soir là, avec une forte contribution de l’orchestre de l’ONL.
C’est Archie Shepp qui, le vendredi 12 octobre ouvrira le bal. Au côté de Cecil Taylor, au sein du New York Contempory Five ou avec ses partenaires d’Impulse, Archie Shepp a écrit un gros morceau de l’histoire du jazz en s’inscrivant très tôt dans l’avant-garde, prêtant sa voix et son saxophone aux révoltes musicales du free jazz, comme aux contestations et résistances afro-américaines.
Devenu à la fois une mémoire et un lendemain du jazz, il mêle sa culture des standards – du blues ou du spiritual – aux créations plus personnelles.
Il sera accompagné à Lyon, du contrabassiste Darryl Hall et du batteur Steve McCraven qui vit entre la France et les États-Unis, mais aussi des Français : Carl-Henri Morisset au piano ; ainsi que de la célèbre chanteuse, Marion Rampal. L’occasion de découvrir la voix envoûtante de la songwriter une soirée du fait de cette formation devrait se révéler passionnante.
Le dernier opus de Madeleine Peyroux
Le saxophoniste Archie sera suivi le 9 novembre de la chanteuse Madeleine Peyroux.
Vingt-deux ans après son premier disque, Dreamland, la chanteuse continue ses explorations musicales dans son style bien à elle : un mélange entre funk, blues et jazz où sa voix chaude et un peu rauque – que l’on a pu comparer à celle de Billie Holiday – et sa guitare font merveille.
Après deux ans de tournée, elle a enregistré un nouvel album, cette fois-ci en quintette : Anthem, qui doit paraître prochainement, le 31 août 2018. Par le titre (l’anthem est l’hymne religieuse du rite anglican), il s’inscrit dans la continuité un peu mystique du précédent volume, dont Madeleine Peyroux disait : «La musique est notre vie spirituelle. Ces morceaux sont donc pour moi comme des hymnes, des hymnes profanes – des chants qui sont très particuliers, personnels, introvertis.»
La tournée de lancement de ce nouveau disque passe par l’Auditorium de Lyon, une étape très attendue
Jazz oriental : Dave au côté d’Anouar…
Le troisième concert de la saison, le lundi 18 mars, sera consacré au jazz oriental avec Anouar Brahem à l’oud.
Une soirée consacrée aux pièces de son dernier opus : Blue Maqams qui apparaît par bien des aspects comme le disque des célébrations pour Anouar Brahem.
Enregistré aux studios Avatar de New York en mai 2017, il présente le grand maître tunisien de l’oud associé à trois brillants improvisateurs : les «maqams» évoqués par le titre de l’album.
Ceux-ci se réfèrent au système modal de la musique arabe traditionnelle – une sorte d’équivalent aux «genres de bleu» [kind of blue] qu’affectionnent les musiciens de jazz.
Ce concert sera également l’occasion des retrouvailles entre Anouar Brahem et Dave Holland qui sera à ses côtés. Leur première rencontre remonte à vingt ans avec l’enregistrement du disque Thimar, plébiscité par le public et la critique.
Le pianiste britannique Django Bates sera également de la partie.
Brad accompagné par l’ONL
Le même mois, le lundi 26 mars, pour la première fois, Brad Mehldau sera accompagné par les musiciens de l’Ochestre National de Lyon, placé sous la direction de Clark Rundell. Pour une partie du moins de ce concert, puisque le pianiste jouera également longuement ce soir là en solo.
En interprétant des improvisations en solo et son premier Concerto pour piano et orchestre avec l’Orchestre national de Lyon, Brad Mehldau parachève le pont invisible qu’il érige entre jazz et musique classique.
Jazzman raffiné et lyrique, jouissant d’une popularité rare, le pianiste américain sait puiser partout où il peut, la source mélodique de ses improvisations.
Sous ses doigts, Cole Porter, les Beatles ou Radiohead ont été élevés au rang de standards !
Lui aussi vient de sortir un nouvel album : en 2018, c’est à Bach qu’il a consacré son dernier disque.
Ce diptyque solo et orchestral dans le cadre de l’Auditorium sera une chance unique d’appréhender un artiste pluriel : instrumentiste, improvisateur et compositeur..Chaud !
Youn Sun Nah : She move’s On
C’est la chanteuse coréenne qui terminera cette facette jazzy du programme de l’Auditorium, le lundi 13 mai. On l’a beaucoup vue et entendue ces dernières années. Après un break où elle s’est ressourcée en Corée, elle nous revient, elle aussi, avec un dernier opus, enregistré en 2017 : « She Moves On », paru sous le label ACT.
« Un album entièrement nouveau d’inspiration, plus pop rock que purement jazz, mais toujours avec cette voix au timbre miraculeux de tendresse, de vérité existentielle, de virtuosité », a commenté Télérama.
La très francophile chanteuse coréenne se présentera en fort bonne compagnie sur la scène lyonnaise : avec le claviériste allemand Frank Woeste, maître des sonorités étranges du Fender Rhodes et de l’orgue Hammond ; ainsi que trois grands de la scène new-yorkaise : le bassiste Brad Christopher Jones, le batteur Dan Rieser et le guitariste Tomek Miernowski.
L’occasion d’appréhender une nouvelle facette de la chanteuse qui devrait nous proposer cette fois un concert tranchant avec les précédents. Et c’est tant mieux !
L’ONL s’empare de la musique Kletzmer
Ce n’est pas du jazz stricto sensu, mais comme le Jazz, c’est une musique de l’âme. On peut rajouter à ces cinq soirées, une sixième : celle qui sera consacrée le dimanche 16 décembre à la musique Kletzmer.
La musique klezmer, c’est celle des fêtes juives, un art véritablement populaire. Comme le Jazz, c’est une musique de l’âme, une soul music.
Ce seront les musiciens de l’Orchestre national de Lyon qui s’empareront de cette musique en compagnie de Rafael Goldwaser, le fondateur à Strasbourg du Théâtre en l’air, un haut lieu de la culture yiddish.
Un concert qui sera à la croisée entre l’instrumental (kli) et le chant (zemer). Il sera sans doute difficile de rester immobile dans son fauteuil, ce soir là…