Offrir ou s’offrir un vinyle qui a marqué son temps, de Sun Ra à Benny Carter ? Spécialisée dans les rééditions du catalogue Concorde, Craft Recordings qui dispose d’un répertoire colossal ressort régulièrement des vinyles incontournables.
« Jazz Giant » : Benny Carter enregistre ce disque en1957/58. Particularité : il est entouré d’une cohorte de talents qu’il s’agisse de Ben Webster, de Barney Kessel ou d’André Prévin qui assure l’essentiel de la partie piano même si un autre grand pianiste intervient sur deux/trois morceaux, Jimmy Rowles.
Le disque (évidemment un vinyle) sort en 1958 et n’a depuis, jamais cessé d’être plébiscité.
66 ans après, revoilà le disque à l’identique, en vinyle donc. C’est en effet l’un des albums que vient de rééditer Craft Recordings, la branche catalogue de Concord Music basée à Los Angeles. En la matière, elle n’en est pas à son coup d’essai.
Quand on y regarde, l’entreprise dispose d’un patrimoine colossal, allant de Coltrane à Little Richard, de Miles à John Lee Hooker, couvrant plusieurs labels plus ou moins incontournables dont Riverside, Stax ou Prestige.
En découlent ces sorties de vinyles qui sonnent comme autant de retours aux sources : autant d’albums qui ont marqué leur époque parce qu’ils consacraient un tournant musical, parce qu’ils ouvraient vers d’autres horizons musicaux, parce qu’ils tentaient autre chose, même si, au moment de leur sortie, on n’en avait pas toujours une perception claire.
1962 : Et Sun Ra arriva
Parmi les sorties de décembre 2022, outre Benny Carter, on note surtout la réédition en vinyle 180-grammes, de The Futuristic Sounds de Sun Ra, 60 ans après sa parution (sorti en 1962) mais à partir des bandes d’origine dans une version remasterisée. L’album est-il le dernier d’un Sun Ra qui restait jusque là proche de la tradition et de ses aînés ou le premier de celui qui ne va plus cesser de prendre ses distances avec certaines harmonies ? L’Archestra est né et donne à cet album toute son importance, même si de l’eau a coulé depuis l’apparition tonitruante du free. L’album a sans aucun doute quelque chose de spontané : Sun Ra racontait comment, avec l’octet qu’il avait réuni, il avait réussi la performance de plier l’album en une seule journée de studio (c’était en octobre 1961). On pourra lire à ce sujet les notes de Tom Wilson, producteur de l’album mais également très proche du musicien et qui fut aux premières loges pour étudier et parler de ce monde musical en gestation.
John Lee Hooker : The Healer
Autre album, d’un autre jour, mais qui lui aussi sonne comme une date charnière : l’album The Healer de John Lee Hooker, également incontournable. Enfin, Craft vient également de sortir Haunted High, de Jazz Dispensary et Radio Music Society de la contrebassiste Esperanza Spalding, évidemment plus proche de nous puisqu’enregistré en 2012.
Il n’est pas sûr que le meilleur soit pour la fin mais via la parution de l’album Genie of the Keys, on découvre le phénomène que représenta un temps Korla Pandit, citoyen américain né il y a un siècle et décédé en 1998, mais qui se fit passer pour un pur indien débarqué un beau jour à Los Angeles. Plus beau qu’un vrai, entre ses turbans impeccables, le sourire perpétuel , l’oeil charbonneux, en main droite l’orgue hammond, en main gauche, un piano acoustique ; on oscille entre sons éthérés et ceux proches des offices religieux dominicaux. Mais, ne pas oublier que Korla Pandit eut à cette époque un succès étonnant : à travers une émission de télé qu’il animait, sa musique était en effet devenue au détour des années 50 une quasi-référence pour l’Amérique d’alors.
* Craft Recordings : albums vinyles réédités. (Voir le site de Craft Recordings)