Si vous aimez comme moi chercher les petites pépites musicales, vous devez connaître la double satisfaction que j’ai ressentie d’avoir à la fois passé un bon moment et dénicher un bon groupe.
Bey.Ler.Bey c’est Laurent Clouet à la clarinette, Florian Demonsant à l’accordéon et Wassim Halal aux percussions (darbuka, daf et bendir). Un petit format, le trio, mais rien ne manque, loin de là. Ces trois-là assurent leur rôle (mélodie, harmonie et rythme) et se les échangent, les font tourner. Ils brouillent les pistes et donnent ainsi l’impression d’être bien plus que trois sur scène.
Clarinette et accordéon fusionnent, se dissocient et se répondent. Les percussions par leurs longues résonances produisent des basses qui se confondent avec celles de l’accordéon. On dirait les musiciens soudés les uns aux autres.
L’orient express va partir
Côtés styles, c’est également un tout cohérent, fusionnel. La musique est d’inspiration rom turque mais elle évoque aussi d’autres origines. La clarinette apporte, par exemple, des accents Klezmer. L’accordéon évoque les musiques balkaniques. Percussions et clarinette nous transportent parfois dans un orient plus lointain que la Turquie et le groupe va même jusqu’à s’aventurer en terre rock.
N’étant pas très familier des musiques turques, les références me manquent. La musique de Bey.Ler.Bey m’a cependant fait penser, par moment, à celle du libanais Rabih Abou Khalil, à la musique arabo-andalouse de Renaud Garcia Fons ou à l’album Zâr de Mathieu Donarier (sur lequel il joue avec un ensemble iranien).
Quoi qu’il en soit, nul besoin d’être un spécialiste des musiques turques pour apprécier le groupe. Ensemble, les musiciens prennent le temps de développer des ambiances et de raconter des histoires. Les titres sont longs, mouvementés et tellement riches que l’on aimerait les enregistrer pour les réécouter.
Poursuivre vers l’inéluctable
Les ambiances changent régulièrement mais ensemble elles dessinent un univers cohérent et original. Les différents morceaux ont en commun cette mélancolie typique des musiques orientales qui, comme le Blues, vous prend aux tripes. Un côté mystique est également présent. J’imagine une procession, une marche majestueuse et inéluctable vers un destin funeste. Cette image vient surement des percussions. Celles-ci, accompagnées d’improvisations frénétiques de clarinette et d’accordéon donnent également à la musique un aspect de transe.
Les musiciens, quant à eux, ont en commun une grande maitrise de leur instrument. Très expressif et créatif, Laurent Clouet impressionne également par ses effets, ses notes altérées et son contrôle du registre suraigu. Florian Demonsant, à l’accordéon, joue également sur les textures et les effets. Il sonne parfois comme un orgue, donnant de fugaces couleurs baroques. Wassim Halal, grand maître des percussions, donne à lui seul l’impression d’entendre tout un orchestre. Il apporte un côté bouillonnant et explosif à des morceaux dont il est le moteur infatigable.
Le concert fût bon et leur nouvel album « Mauvaise Langue » l’est tout autant. En live ou en CD, à vous de voir, Bey.Ler.Bey est, en tout cas, un trio que je vous recommande chaudement.