Sur le papier, le concept apparaissait comme un ozni, un objet jazzique non identifié avec sur scène un trio improbable, un chanteur guitariste de blues, un dessinateur et un comédien. Gloups !
Comment tout ce petit monde allait-il s’harmoniser et provoquer l’émotion sur scène, en l’occurrence le théâtre municipal, la bonbonnière à l’italienne de Vienne. Il y avait de quoi s’interroger : allait-on assister à un spectacle prise de tête ?
Eh bien pas du tout et à l’arrivée une bien belle surprise, comme sait nous offrir le Rhino ce Festival fait main qui a su conserver son côté artisanal et son goût toujours présent de la découverte.
Cette soirée du lundi 8 octobre, en début du Rhino 2018 était en effet organisée par le festival ligérien, en partenariat avec le théâtre municipal viennois et Jazz à Vienne.
Sur scène, bien à gauche, le french bluesman Olivier Gotti, avec sa guitare, posée sur le genoux comme une lapsteel.
Un garçon à la voix voilée à souhait et aux modulations deep south que l’on avait déjà pu apprécier en première partie de Carlos Santana dans le cadre de Jazz à Vienne. Seul sur scène il s’était alors fort bien débrouillé rencontrant un joli succès.
A l’autre bout de la scène, à droite, le comédien Jérôme Imard qui pendant ou après les poignantes envolées du bluesman blanc, raconte la non moins poignante histoire d’un jeune garçon noir du Sud des Etats-Unis qui se sort du racisme et de sa condition par l’écriture ; un récit tiré de textes du premier grand romancier noir, Richard Wright. Une histoire excellemment contée, un récit à la fois d’initiation et d’émancipation qui a valeur universelle.
Enfin physiquement à peine visible, dans une encoignure de la scène, le dessinateur Benjamin Flao dont les dessins en noir et blanc s’imposent avec éclat sur l’écran installé au centre de la scène, amenant avec force le contrepoint visuel au récit et à la musique.
Tout cela s’articule avec bonheur si l’on ose dire s’agissant de la noirceur parfois du propos, nous projetant dans un deep south souvent cru et cruel ; bref, une soirée blues à fleur de peau…
Un seul regret cependant : n’avoir pas suffisamment entendu Olivier Gotti lors de cette soirée, le récit l’emportant un peu trop sur la musique. En espérant le revoir bientôt. Seul, cette fois.