La soirée ne peut qu’intriguer : un joli duo féminin pour démarrer, Leïla Olivesi et Ellinoa le temps d’un voyage à leur façon. Et pour suivre, un quartet danois totalement masculin, l’un des plus renommés de la scène de Copenhague et totalement acquis à la cause du sax ténor; le Jan Harbeck Quartet.
Entorse ? Pied-de-nez ? Provocation ? On ne sait. Mais le concert de mardi soir sous la nuit étoilée de Mollans-sur-Ouvèze n’aura rien de banal. D’abord parce que, alors que Parfum de Jazz n’avait au départ prévu qu’un seul concert ce soir-là, il a depuis rectifié le tir en annonçant la mise en place d’une première partie.
On n’était pas au bout de nos bonnes surprises : magie de subventions promises et enfin arrivées, l’équipe du festival a pu dédoubler chacune des cinq soirées prévues à partir de ce soir lundi jusqu’à vendredi. C’est ainsi que lundi, Mollans-sur-Ouvèze a eu le plaisir d’accueillir Grazzia Giu escortée du pianiste Nico Morelli et c’est ainsi que ce soir la soirée démarrera avec un autre duo peu banal, celui de la pianiste Leïla Olivesi et de la chanteuse Ellinoa.
Le quartet autant masculin que danois de Jan Harbeck
Mais une autre surprise attend ce soir les habitués de Parfum de Jazz et de la ligne « éditoriale » fixée depuis plusieurs éditions par Alain Brunet, directeur artistique du festival. Alors que Parfum de Jazz ne cesse de partir à la rencontre ou à la découverte des « Ladies du Jazz », quitte à accepter quelques arrangements masculins, cette fois aucune ambiguïté : le quartet danois de Jan Harbeck réunit depuis sa création en 2007, trois musiciens masculins. Les mêmes. Bel exemple d’ailleurs de fidélité : la formation fête ses 16 ans et deux des trois acolytes de Jan Harbeck seront présents sur scène ce soir : le pianiste Henrik Gunde et le batteur Anders Holm, la contrebasse étant tenue, elle, par Jeppe Skovbakke.
J’en appelle à Dexter Gordon, Don Byas et Paul Gonsalves
Figure de la scène danoise, le saxophoniste annonce d’entrée la couleur : son attirance pour une musique basée sur un son de ténor envoûtant, où l’on pourrait s’amuser à bâtir une quasi généalogie. En tout cas une filiation avec les plus grands de l’instrument, le plus souvent Américains, tel Dexter Gordon. Même si ça n’a qu’une valeur anecdotique, Jan Harbeck rappelle souvent son attachement à l’instrument avec lequel il arpente les scènes ou les clubs, un saxophone « Balanced Action » 1939, de marque Selmer, et sur lequel joua entre autres Stan Getz.
Enregistrer un album entier en acoustique dans la quiétude d’une église
Balanced ? C’est aussi et surtout le titre de son dernier album, enregistré nous dit-on en acoustique dans l’intimité et le silence d’une église. Au sommaire, essentiellement des compositions du saxophoniste, dans lesquelles on s’amusera à repérer en effet des influences ou des clin d’oeils vers quelques grands de l’instrument, dont l’attachant Paul Gonsalves. Mais l’essentiel est tout de même dans ce quartet lui-même et sa façon de se lancer thème après thème en renouvelant le genre, en proposant ses propres harmonies, le tout avec, au centre, un saxophone suave, tour à tour caressant, rageur ou réfléchi.
Un moment rare : le duo Ellinoa et Leïla Olivesi
On en oublierait presque cette première partie qui accueille donc Ellinoa et Leïla Olivesi. Un moment rare que cette rencontre entre deux musiciennes réputées pour leurs incursions musicales personnelles, exigeantes, parfois déroutantes, mais hors de toute banalité. Ellinoa ? Les méandres d’une voix inattendue qui multiplie les expériences comme s’il s’agissait toujours et encore de défricher. Ici en duo. Là en quasi grand orchestre. Inventant un monde, se risquant dans l’inconnu. Sérieux, pas sérieux mais toujours aux aguets. Il en est un peu de même avec la pianiste et compositrice Leïla Olivesi qui a déjà signé six albums en son nom, et collaboré à de nombreux autres. Elle est suffisamment captivée par Duke Ellington pour avoir étudié longuement son approche du piano, ce qui ne saurait se faire sans plonger totalement dans le personnage, le musicien, l’art du big band et la magie d’ arrangements sur lesquels des générations ne cessent de transpirer.
Tout cela à garder en tête le temps de ce set inespéré mais qui résume si bien les mille trouvailles dont est capable Parfum de Jazz.
*Concert mardi 15 août à 20h30 au théâtre de Verdure de Mollans-sur-Ouvèze
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