Thierry Serrano s’étant retiré au terme de nombreuses années passées à diriger le festival, vous êtes désormais responsable de la programmation de l’événement. Comment êtes-vous arrivée à la tête d’A Vaulx Jazz ?
Charlène Mercier-En fait, j’avais réalisé plusieurs stages durant mes études et m’étais tout particulièrement investie dans le festival. Jusqu’à l’an dernier, je m’occupais de la première partie d’A Vaulx Jazz, de cet «Hors les Murs » au cours duquel sont organisés beaucoup de concerts et d’évènements, à Vaulx-en-Velin et ailleurs dans l’agglomération.
Après le départ de Thierry, j’ai donc été sollicitée pour prendre la suite et pour m’occuper de la programmation du festival. Et cette année, c’est donc la première fois que je m’occupe du Centre Charlie Chaplin.
Si vous deviez résumer les intentions qui vous animent en matière de pilotage de cette programmation, que diriez-vous ?
Qu’il s’agit d’abord d’agir dans la continuité, de ne pas perdre la ligne du festival qui me plaît, même si l’idée c’est aussi d’insuffler quand même quelque chose. Autrement dit, il ne s’agit pas de révolutionner tout ce qui a été fait. J’ai d’ailleurs en tête suffisamment d’exemples concrets de gens qui ont fait ou tenter de faire des virages à 360°, lesquels n’ont pas marché.
La programmation, est-ce d’organiser dix soirées vers 10 publics différents ?
Non. A part la soirée blues j’ai essayé sur les autres soirées de ne pas scinder les choses. L’idée c’est aussi de pousser le public à aller voir autre chose, de découvrir autre chose. Ainsi la soirée du 16 mars s’annonce comme une soirée hip-hop mais je pense que les amateurs de jazz peuvent s’y retrouver. Ma volonté c’est de ne pas retomber dans les chapelles. Ainsi Initiative H (qui est passé samedi) a joué le même soir que le quartet de Nasheet Waits : c’est bien l’objectif de trouver les groupes qui vont bien ensemble dans une même soirée. Et l’idée de croiser les publics.
Quand on établit une programmation, reçoit-on beaucoup de choses, de propositions, d’idées de projets ?
Oui, ce sont parfois des dizaines de mails qui nous arrivent chaque jour, sans compter les traces discographiques, les vidéos et tout ce que l’on peut imaginer. Je reçois de tout, même parfois n’importe quoi. Hier j’ai reçu une proposition d’un groupe qui souhaitait passer dans l’édition en cours. En fait, dans ces propositions, les professionnels ne se trompent pas. C’est plutôt les émergents qui tâtonnent, qui n’ont pas d’agent et qui envoient des candidatures tous azimuts. Je ne peux que leur conseiller de se renseigner avant.
Pour le reste, il y a des choses qu’on ne verra pas à A Vaulx Jazz, tel un projet de jazz très ou trop rétro. Je ne veux pas d’une musique passéiste ou d’une musique qui ne serait pas cohérente avec ce qu’on fait. Ainsi, tel new-orleans revival, je pense que ça ne colle pas. En revanche, il y a de super Brass band parfois avec un peu de hyper funk, festif à souhait et qui ont leur place ici.
Dans un festival qui s’étale sur une quinzaine, le problème économique et financier est-il le plus important ? La plupart des « affiches » ne sont-elles pas hors de portée de votre budget ?
Non ce n’est pas forcément le plus gros problème. Cette année, j’ai surtout eu des déconvenues sur des tournées : de fin novembre jusqu’à fin décembre, après les attentats, j’ai eu des annulations ou des revirements, surtout avec des artistes américains. Ça ne marchait pas ou les producteurs attendaient de savoir comment ça allait évoluer en France. J’ai tout particulièrement en mémoire le cas d’un artiste qu’on avait programmé pour la soirée blues et qui a annulé à cause des attentats.
Reste qu’aujourd’hui A Vaulx Jazz est le seul événement jazz sur le territoire de l’agglomération lyonnaise et donc, peu ou prou, l’événement jazz de la Métropole ?
Il est certain qu’on a une place à prendre. Est-ce ça change la donne ? Thierry l’avait en tête mais comme vous le savez, pour parvenir à un tel résultat il faut le portage politique. Ce que j’espère, c’est qu’on parviendra en effet à cela au niveau de la Métropole et qu’à cette fin, les élus de la ville monteront au créneau.
Si l’on y regarde de plus près et si, comme le disent certains, Lyon n’est pas une ville de jazz, nous avons d’autant plus une carte à jouer. Surtout que nous avons toujours suivi une logique de coopération avec d’autres. Nous avons toujours tenté de faire des choses à Vaulx-en-Velin mais avons également toujours voulu en sortir. D’où ces concerts Hors les murs et cette volonté de nouer des coopérations avec d‘autres lieux. Ainsi cette année avec le Périscope ou l’Epicerie moderne.
C’est pourquoi, au vu de tout cela, je pense qu’il faut qu’on continue à faire ce qu’on fait. Cette année on a travaillé avec biennales Musiques en scène. Mais à l’avenir j’aimerais bien développer autre chose, faire des choses autres.
Qu’en est-il pour la programmation du 30ème festival ? Avez-vous déjà des idées ?
Bien sûr, mais j’attends encore des confirmations politiques.
Enfin, est-ce qu’il est difficile de faire venir certains publics jusqu’à une scène musicale ?
Non et c’est bien le rôle du Hors les murs de faire venir à la musique tous les publics.
A ce sujet, je pense qu’il y a un fantasme sur les publics, de croire que la musique ne peut pas toucher tous les publics. En fait, on ne peut peut-être pas faire venir des gens qui n’aiment pas la musique, quelle que soit la musique proposée. Mais le Hors les murs peut aider à venir ici car il draine pas mal de gens.
D’ailleurs, on constate année après année qu’on a énormément de gens qui sont investis dans l’organisation du festival. Et à Vaulx encore plus. D’ailleurs, je pense que toutes ces personnes préfèrent être acteurs que spectateurs, que simplement venir.
C’est pourquoi je bataille beaucoup pour qu’on reconnaisse le Hors Les Murs dans une approche globale : les gens sont parfois plus touchés par cette démarche et, en même temps, ils sont un grand soutien du festival.