Le temps de laisser la note prendre son vol ? De résonner. Ou de laisser le piano faire son boulot…..C’est un peu à tout ça que nous convie Eduardo Farias qui présente Perspectives, son tout premier album, sorti il y a quelques jours chez Space Time Records.
Pour autant ce pianiste brésilien n’ est pas tout à fait un inconnu, ayant avant tout arpenté l’hexagone aux côtés de Baptiste Herbin qu’il escortait dans les albums Dreams & Connections et Vista Chinese. Histoire de remettre l’album en perspectives (les siennes cette fois), le label nous rappelle que Eduardo Farias apparaît, l’air de rien, dans une trentaine d’albums.
Mais retour à cet album, dense, où il signe la majorité des compositions, et qui implique quelques jolis partenaires, Darryl Hall à la double basse, Baptiste Herbin, bien sûr, au sax sur trois morceaux et Greg Hutchinson aux drums. On aurait pu tomber plus mal ou à côté.
Ce qui frappe dans cet album aux aspects musique de chambre, c’est à la fois cette retenue acoustique qui fait immédiatement tendre l’oreille, les influences qui sous-tendent, inspirent ou guident le pianiste et ses interprétations. Lui-même, en se présentant, rappelle que ses premiers modèles sont brésiliens : César Calargo Mariano, Hermeto Pascoal, Egberto Gismonti ou Luis Avellar (on vous laisse vérifier) et plus près de nous Brad Mehldau ou Tigran Hamasyan. Et, en préambule, il nous donne une partie de la réponse : « Je cherche à atteindre le point de convergence de ces esthétiques et à expérimenter un nouveau concept harmonique ». Pourquoi pas mais encore ?
Baptise Herbin : le sax en toute parcimonie
La précision n’est pas superflue pour comprendre pourquoi le jeu du pianiste retient l’attention : même s’il se laisse aller parfois à la peur du vide, il fait sienne une palette d’harmonies qui semble infinie : comme une progressive mise en tension du thème qu’il aborde avec précision, où chaque note et accord vont compter pour nous emmener sûrement là où il veut. A l’abord, c’est d’une simplicité extrême, appliquée, d’une retenue qui séduit, comme s’il s’agissait avant tout de tisser une toile inédite immédiatement palpable, de concert avec la basse rassurante de Darryl Hall.
C’est là que l’on en arrive à Scène on Seine, thème de Xavier Felgeyrolles, par ailleurs producteur de l’album, dont on connaît les attirances en matière de jazz (voir le festival Jazz en Tête de Clermont-Ferrand dont il est le fondateur). Baptiste Herbin délivre ici près de ses compères cinq minutes d’une musique exigente, où le temps d’une balade, le quartet se met à l’unisson pour réinventer le genre dans la plus grande douceur. On déguste.
* Edouard Farias : « Perspectives ». Chez Space Times Record. Douardo Farias (p), Darryl Hall (double bass), Greg Hutchinson, dr), Baptiste Herbin (sax)