Le saviez-vous, Parfum de Jazz fait son chemin depuis 20 ans en Drôme provençale, entre Rhône-mon-fleuve et les premiers froncements de sourcils des Baronnies. Façon jeu de piste musical, un jour ici, un soir là, qui aime nous rattrape, même si Buis-les-Baronnies a toujours constitué le cœur musical du rendez-vous. Cette année, histoire de mieux fêter sa vingtième année, Parfum de Jazz a souhaité consacrer entièrement son édition au jazz féminin, à un Archie Shepp près. Aussitôt dit, aussitôt fait. Et, loin de limiter son champ de regard à quelques petites ou grandes vocalistes, il a décidé de faire surtout la part belle à quelques instrumentistes majeures de la scène hexagonale ou européenne. Au premier rang desquelles, Céline Bonacina (le 16 août) : un sax baryton convainquant, puissant et tranchant dont les sets se révèlent toujours de purs joyaux. Comment expliquer cette communion toujours plus intime qui se noue entre elle et le spectateur au fil des thèmes ? Il en est de même de Géraldine Laurent (sax alto), attendue le 22 août.
Dès la première apparition, on n’osera pas dire l’âge, ce fut du touché-coulé. Une foi ultime qui déborde à chaque instant et qui impose toujours un peu plus son jeu incisif et délicat. La veille, le festival aura surtout reçu Airelle Besson, trompettiste, privée de Jazz à Vienne aux côtés de Rhoda Scott en juillet on s’en souvient, mais qui sera, ce soir-là, en leader de son propre quartet. Etrange résonance d’une jeune femme qui aime se souvenir de ses premiers pas à l’instrument aux côtés de Roger Guérin, le seul, le vrai ; trois petits tours d’internet suffiront pour s’en convaincre.
Florence Fourcade : il était une fois Stéphane Grappelli
Dans un autre registre, Parfum de Jazz démarre (lundi 13 août) avec Florence Fourcade. La violoniste sera elle aussi à la tête d’un quartet pour interpréter les œuvres et le plaisir de jouer de Stéphane Grappelli. Un digne préambule pour cette édition qui, hors les femmes, ne se fixe pas d’autre idée directrice : Grappelli, éternel baladin, chemise à fleur en bandoulière (« parce qu’on ne peut pas emmener de fleurs avec soi durant les tournées » disait-il) fidèle jusqu’au bout à un swing décapant, joyeux, dansant, convaincant. Outre ces affiches, le festival recevra à son tour Rhoda Scott (le 18). Un événement, même si la dame a fêté le mois dernier à Vienne (en compagnie de quelques milliers de spectateurs et d’un superbe quartet déjà féminin), ses 80 ans. Bon. Entre la difficulté de faire jouer quatre leaders ensemble et les vagues d’orgue hammond un peu systématiques, on aurait aimé, ce soir-là, que la grande organiste se lâche un peu plus. Et on se prend à espérer que la Drôme sera le théâtre de cette émancipation. La veille, Michele Hendricks aura rendu pour sa part hommage à Ella Fitzgerald le temps d’un set très attendu : à ses côtés, Olivier Temime au sax, Arnaud Mattei au piano, Bruno Rousselet à la contrebasse et Philippe Soirat à la batterie. La jeune femme a de qui tenir : elle est d’abord apparue dans l’ombre de Jon son père : combien de concerts du boullantissime et malicieux crooner où Michele donnait la réplique, ou apprenait, dans une ambiance débonnaire à souhait, la meilleure façon d’apprivoiser un public distrait en 8 minutes, montre en main. Marion Rampal, en compagnie d’Archie Shepp Puis ce sera Lisa Simone. Si elle a marché dans les pas de Nina Simone, sa digne mère, la musicienne a depuis largement fait son chemin : pour preuve ce quartet avec lequel elle sera présente (jeudi 23) sur la scène de Pierrelatte.
Mais, cette 20ème édition sera aussi l’occasion de retrouver Julie Saury (en sextet) le temps d’une évocation de Maxim Saury, son père (le 14 août). La jeune femme poursuit en effet l’œuvre du divin clarinettiste aux riches envolées à la batterie, bien entourée (trompette, clarinette, saxophone notamment). Pour clore la chose, deux chanteuses, Camille Berthault et Marion Rampal seront également à la tête de leur propre ensemble : la première avec un trio piano-basse-batterie, idéal pour lui fournir l’écrin nécessaire. La seconde en quintet avec Archie Shepp himself. Sur la scène de Rochegude …..il fallait tout de même oser y penser.
Parfum de jazz ? Ce sera également des dizaines de rencontres, de conférences (sur le jazz féminin bien sûr), des petits concerts improvisés sur des places de village (Jazz au Village), du cinéma (Billie Holiday forever de Frank Cassenti) et d’autres amuse-gueules. Enfin, dans tout ça manquait le maître : ce sera à Sylvia Howard en compagnie de Prince Lawsha d’en appeler à Duke Ellington le temps de quelques standards (mercredi 15). La boucle est presque bouclée.
* Parfum de Jazz, du 12 au 25 août (concert le 12 à partir de 19heures à Saint-Ferréol-Trente-Pas, en compagnie de Jessica Rock Trio et de Grazzia Giu Quartet. Grazzia Giu sera également le lendemain à 11 heures au jardin de l’Hôtel de Ville à Buis pour ouvrir le festival)