Jazz In Lyon

Festival Parfum de Jazz : Jan Harbeck fait mouche sans dévier d’un pouce

On craignait du revival. On fut vite rassuré par ce saxophoniste expérimenté à la passion communicative. A ses côtés, le pianiste Henrik Gunde illumine en permanence le propos. Au final, le set de ce quartet danois invité dans un monde de Ladies s’est conclu haut-la -main sur un plébiscite unanime

 

 

On n’a pas la réponse. La question est donc superflue. Toujours est-il qu’au coeur de cette 24ème édition de Parfum de Jazz, importante à plus d’un titre, c’est bien un quartet masculin only, ici barbu, là chaussures cirées, qui s’est installé, rayonnant, sur la scène du théâtre de Verdure de Mollans-sur-Ouvèze. Peut-être juste un problème de traduction au moment de signer le contrat ? « Jan Harbeck Quartet » vous dîtes ? . Qu’importe, ce qui est dit est dit.

Mais ce qui déroute peut-être encore plus que la présence de ces quatre (très sympathiques) garçons débarqués dans un festival qui a fait sa réputation mondiale avec les « Ladies du Jazz », c’est le nerf musical qui anime Jan Harbeck et dont, juré-craché, il n’est pas prêt de dévier. Une musique directement puisée à la source du bop, avec ses éclats, ses soupirs retenus, ses longues tirades où l’on repousse la dernière note, cette façon de déambuler à l’infini sur ce saxophone rutilant qui est, d’entrée, le héros du soir : Un ténor « balanced » adoubé par Stan Getz lui-même lors d’un passage à Copenhague. 

Jan Harbeck : un côté Tintin ou d’éternel jeune homme

Pour parfaire le paradoxe, et parce qu’on a tout le temps, l’entrée en scène de Jan Harbeck -un côté Tintin ou d’éternel jeune homme- est de celles qu’on n’oublie pas. C’est dans un costume bleu impeccable, tiré à 88 épingles, qu’il pénètre, devant son contrebassiste qui ne sépare pas de son instrument. Un costume bleu, de ce bleu pétaradant dont raffolent aujourd’hui nos élus, le gris ne faisant plus recette. Mais ça lui va bien. 

 

Henrik Gunde, pianiste complice de la première heure

On démarre immédiatement. En annonçant la couleur. Allant au plus profond du saxophone pour en extirper un son venu d’ailleurs, comme l’entrée dans un monde devenu accessible. Au sommaire de ce set, le dernier album enregistré l’an passé, ce « Balanced », nom d’un des thèmes composé comme l’ensemble des morceaux par le saxophoniste lui-même. La magie opère quasi immédiatement : ces emballements collectifs d’une mesure à l’autre, ces ballades au ralenti où le saxophone virevolte, use de toute sa palette pour venir au bout de sa tirade. A côté, pas du tout en costume lui, Henrik Gunde, le pianiste complice de la première heure, admirable dans sa façon de soutenir en ne cessant de prendre les devants ou de traîner, apportant d’un accord minuscule, une magie du groove irrésistible, un trait de lumière. (Et lorsqu’il ne joue pas avec Jan Harbeck, où est-il ?….). Au fil du thème, ce pianiste irréel, dont la douceur contraste un tantinet avec le gabarit, restructure les choses à sa façon, espiègle, moqueur même, mais attentionné de bout en bout. Le bassiste (Jeppe Skovbakke) même s’il n’est pas le titulaire ne faiblira pas côté discipline, maître du tempo et de l’intensité qui se dégage. 

Le regard de Patrick Martineau, photographe : Henrik Gunde, durant le concert

Le talent de Jan Harbeck est surtout son constant renouvellement : d’un thème à l’autre, il décide de réinventer son swing, ses digressions, toujours avec la même application. On guette ses retours, la nouvelle direction choisie, le tout ayant pour effet de renforcer la cohésion du petit groupe. Surtout qu’on peut compter sur un Anders Holm aux drums rigoureux et à l’énergique fraîcheur qui adore aller taquiner les trois autres piliers de ce quartet.  

Bref, fin, rappel et public ravi. 

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