La pétillante Stéphanie Morales est une chanteuse au parcours très singulier que j’ai eu le plaisir de côtoyer lorsque je travaillais à l’Opéra National de Lyon. Stéphanie avait intégré successivement l’Atelier Lyrique puis la Troupe de l’Opéra et chantait régulièrement sur plusieurs productions.
Depuis, on la connait aussi pour la création du jazz ensemble Broadway Station et la direction artistique de Vocaléna, une association où elle dirige des spectacles mêlant artistes professionnels et amateurs et où elle enseigne le chant.
AS : Stéphanie, peux-tu exposer ton parcours ?
SM : J’ai toujours chanté, dès l’enfance, tout le temps, de tout. J’étais des oreilles, j’imitais les voix, je reproduisais des bruits ou des chansons. A cette époque, je pratiquais déjà la danse et le théâtre. Puis à 17 ans, j’ai intégré la classe de chant du Conservatoire d’Aix en Provence. Mais c’est en 1984 que j’ai eu un coup de cœur pour le répertoire lyrique en découvrant le film « Amadeus ». Très grosse émotion. Cela m’a bouleversé à tel point que j’ai eu envie d’aller sur les traces de Mozart. Ainsi je suis partie me former à la Wiener Musikhochschule (Université de musique et des arts de la scène de Vienne – Autriche) où j’ai étudié pendant quatre années. C’est là que j’ai eu la chance d’étudier auprès de l’immense cantatrice, la soprano colorature Rita Streich et je fus sa dernière élève !
En plus de mon cursus de chant lyrique, j’ai intégré la classe de comédie musicale qui comprenait aussi la danse et le théâtre.
De retour en France, j’ai été prise au CNSM de Paris et au Centre de Musique Baroque de Versailles. A 25 ans, je rentre à l’Atelier Lyrique de l’Opéra National de Lyon et j’intègre la troupe de l’Opéra en tant que soliste. Crée par Eric Tappy puis dirigé par Claire Gibault cette structure d’enseignement supérieur formait les jeunes professionnels tout en les intégrant progressivement aux productions de l’Opéra. En tant que membre de la troupe, j’ai notamment interprété des rôles mozartiens (Papagena, Despina) mais aussi Eurydice (Orphée aux enfers) en alternance avec Natalie Dessay et sous la direction scénique de Laurent Pelly.
Je suis partie de la troupe car la fin de mon contrat coïncidait avec la venue d’une autre direction. Cela n’a pas été très facile de quitter une aussi prestigieuse maison après huit années si riches d’expériences
AS : Et après cette période que s’est-il passé ?
SM J’ai chanté dans d’autres théâtres en France et à l’étranger : des opéras et des opérettes, dont « Les Folies d’Offenbach » mis en scène par Jean Lacornerie. J’ai toujours été très intéressée par la collaboration avec des metteurs en scène issus du théâtre mais aussi les chorégraphes. A cette époque, j’ai collaboré avec des compagnies comme celle de Françoise Maimone et puis j’ai renoué avec la comédie musicale dans « Fifty Million Frenchmen » de Cole Porter au côté de Kim Criswell et accompagnée par un bel orchestre de 50 musiciens ! Retour à mes premières amours : comédie, danse et chant. D’où l’envie de créer mon propre ensemble.
AS Comment est né l’ensemble Broadway Station?
SM Le projet s’est monté en 2012 et n’a pas cessé d’évoluer. Avec la complicité de mon ami, le crooner Frédéric Gignoux, nous avons proposé au directeur de la Compagnie Cala, Fabien Attias, un programme inédit autour des immenses interprètes que furent Frank Sinatra et Barbra Streisand. Nous avons présenté le spectacle « Les années Streisand -Sinatra » salle Molière en 2013, qui a reçu un très bon accueil du public. Le groupe Broadway Station est ainsi né.
A partir de 2015 d’autres musiciens ont rejoint l’équipe : Joachim Expert (arrangeur et pianiste) et Jean-Louis Almosnino (guitariste), Brice Berrerd (contrebassiste) et Marc Michel (batteur) et nous avons joué à Lyon dans des lieux dédiés aux jazz comme le Hot Club et la Clef de Voûte mais aussi au Palais de la Mutualité, au Péristyle de l’Opéra et dans divers Festivals.
En 2017, la rencontre avec le metteur en scène André Fornier a été décisive. Emballé par Broadway Station, cet homme de théâtre, mais aussi homme de cœur, nous a proposé d’écrire une version scénarisée du projet : la rencontre imaginaire entre Streisand et Sinatra dans un bar à New-York.
Crée dans le cadre d’une résidence artistique à l’Amphi de l’Opéra et au Festival Les Voix du Prieuré, « So Streisand, So Sinatra » a pris une toute sa dimension et c’est la version que nous proposons encore aujourd’hui, ainsi que « Imagine, Tribute to Barbra Streisand » crée en 2019 au Karavan Théâtre de Chassieu.
Le répertoire de ces deux artistes est infini et nous y avons glissé les titres incontournables attendus du grand public.
Les gens n’attendent que ça, oublier les soucis le temps d’un concert ! Pari tenu, car nous les voyons repartir le sourire aux lèvres, fredonnant un standard et des étoiles plein les yeux ! Et moi je n’attends que ça, chanter pour eux, accompagnée par mes incroyables musiciens, faire le clown sur scène, faire chanter le public, bref créer des moments de magie et de communion avec le public…
J’ai la chance de travailler avec les meilleurs jazzmen de la région. Ils sont adorables, talentueux, rapides et je ne pourrais plus travailler autrement.
En avril dernier nous avons fêté les 10 ans du groupe au Hot Club et avons fait salle comble. Ce fut une soirée magique et inoubliable… j’ai même chanté en espagnol !
Ça me donne vraiment envie d’aller explorer d’autres répertoires.
Broadway Station – Hot Club de Lyon
AS Justement comment trouves-tu les spectacles ?
SM : Nous aimerions trouver un agent pour nos spectacles ! C’est une charge énorme de gérer l’artistique, la communication et la diffusion ! La concurrence est rude, les musiciens se battent pour avoir des lieux où jouer.
Il n’y a pas assez de salles, de plus les dossiers de demandes de subventions sont très difficiles à monter.
AS Des projets ?
SM Bien sûr ! Un programme en cours pour Broadway Station sous le signe de la bonne humeur auquel nous ne manquerons pas de vous inviter !
Mais c’est aussi une période sous le signe de la transmission et du collectif :
Dernièrement j’ai participé à « Mission Opéra France », l’objectif étant de faire découvrir ce répertoire aux lycéens. Je travaillais en binôme avec une pianiste et encadrée par des enseignants formidables. Quelque chose me dit que me former à la direction de chœur sera mon prochain challenge !
Actuellement j’enseigne le chant dans le cadre de l’association Vocaléna, je mène aussi différents ateliers vocaux et je prépare un projet pédagogique contre le harcèlement en milieu scolaire, autour de la comédie musicale « Dear Evan Hansen ».
La musique est vivante et vibrante pour qui veut bien s’en emparer. Chanter est un voyage pour aller à la rencontre de soi et des autres, profitons-en !
Comme beaucoup d’artistes, continuer à me former est essentiel pour moi. C’est pourquoi, je me perfectionne dans l’improvisation du jazz vocal car « l’improvisation ça ne s’improvise pas ». Je pense qu’il faudrait encourager les conservatoires à intégrer davantage l’improvisation dans les cursus. C’est une manière tellement vivante et spontanée de s’approprier la musique, qu’il ne faut pas la négliger. Pour ma part je suis partie du plus écrit à cette forme de liberté avec un immense plaisir !
Volcania – Temple du change
AS Quelques mots pour conclure ?
SM Ce sont mes professeurs, les maitres et des rencontres inspirantes qui ont façonnés l’artiste que je suis aujourd’hui. Je ne doute pas que d’autres m’emmèneront vers d’autres horizons. Car en musique il y a tant de terres à explorer et de couleurs qu’on n’a pas assez de toute une vie pour les chanter ! J’ai eu la chance de trouver ma voie dans cette existence et peut-être qu’à présent je vais pouvoir aider d’autres à trouver leur voix !
Merci Stéphanie de t’être livrée avec autant de sincérité, sincérité que l’on retrouve dans tes spectacles. Et bravo pour ce parcours plein de vie et de voix…