Neuf sets pour conclure, en trois jours, cette nouvelle édition du Péristyle. En quoi différait-elle de ce que vous aviez proposé il y a deux ans ?
Durant les trois soirs, on a mélangé des morceaux de chaque groupe, Quartet, Pulsar et Orphéon. On a joué six à sept morceaux du Quartet. Ce qui a beaucoup plu au public, on l’a vu dans les ventes de CD qui suivaient les sets sachant qu’on n’en a jamais vendu autant de cette manière. C’était assez inattendu : on pensait qu’on allait surtout vendre des CD de l’Orphéon, or on nous a plutôt demandé des disques du Quartet. Ce qui était nouveau cette fois-ci c’était le sextet. Et on pouvait se demander comment ça allait sonner avec Rémy Poulakis, la mandoline de Stéphane Cézar et les percussions d’Anthony Gatta. Ca nous faisait un peu peur ça me faisait peur : Stéphane Cezar et Anthony Gatta étaient invités mais nous n’avons pu faire ensemble qu’une seule répétition et nous n’avons donc joué qu’une fois chaque morceau avant de le jouer sur scène.
L’arrivée de la mandoline dans la famille Imperial, c’était nouveau ?
Stéphane je le connais depuis longtemps. Mais on n’avait jamais joué avec une mandoline. Or ce qui frappe c’est à quel point il s’est intégré à cet univers. C’est un musicien sensible, fin, intelligent et c’est tout le talent de musiciens qui arrivent à se placer au milieu d’un groupe de manière hyper pertinente. C’est plus propre aux musiques de jazz. Stéphane et Anthony se sont dits qu’ils faisaient partie de ce groupe.
Vous étiez pourtant déjà passé au Péristyle ?
Oui, on était venu il y a deux ans et là aussi on avait clôturé la saison. Comme nous le demandait François Postaire, on avait proposé quelque chose qui débordait de notre formation et on était venu avec l’Imperial Orpheon et avec trois invités. L’Imperial c’est une aventure humaine avant tout.
Jouer ainsi neuf sets durant trois soirs c’est tout de même peu banal ?
Ca n’arrive pas souvent en effet de pouvoir jouer trois sets trois soirs de suite, même si c’est propre au jazz et même si courant aux Etats-Unis. En France c’est super rare. Toutefois, avec l’Imperial, ça nous arrive de temps en temps parce qu’une des façons de nous défendre c’est d’être actifs dans plein de réseaux différents. C’est ce qui avait fait qu’à Alès, on avait bénéficié en janvier 2015 d’une carte blanche quatre soirs de suite. Et on eu du monde les quatre soirs. On le doit à Denis Lafaurie qui est depuis très longtemps à la tête de ce théâtre et qui ne cesse de militer pour décloisonner. Le théâtre est en plein cœur d’Alès et rayonne non seulement sur la ville mais sur tout le bassin alésien. C’est ce qui fait qu’on a fait plein de concerts dans les villages des alentours.
Quels rapports entre le Quartet, l’Orphéon et le Pulsar ?
La formation principale est l’Imperial Quartet. C’est le premier né en janvier 2009. On s’était rencontré Antonin Leymarie et Joachim Florent et on voulait monter une formation réduite. On était étudiant à la même époque. La création a eu lieu en janvier 2010 à la Fraternelle chez Alain Brustel, à Saint-Claude dans le Jura. On y avait déjà joué cinq ou six fois. On a fait là la première date et depuis on a continué. Après on a eu l’opportunité d’accompagner un cabaret/cirque et on a appelé Rémy Poulakis et dans la foulée on a créé un bal et ça a donné l’Orphéon en 2010. Et puis, on a eu une résidence en Languedoc, à Sète, via Jazz Languedoc Roussillon. On a voulu y associer des rythmes mandingues et ça nous a amené à l’Imperial Pulsar. Enfin, l’an dernier on a rencontré des musiciens maliens à Bamako, et de là cette espèce de septet avec deux guitares (Ibrahima Diabaté et Mamadou Koita), deux sax, deux percussions, une basse plus une danseuse. Nous jouons ce projet du 30 septembre au 2 octobre au Cratère à Alès. On attend les Maliens à Alès pour enregistrer. On est artistes associés à Alès. C’est une scène intéressante ; vrai succès. On fait l’ouverture dans la salle de 800 places. Le 1er octobre on joue dans la Drôme, près de Marsanne et le 2 octobre à Pantin. Mais auparavant, du 26 au 30, on enregistre donc le projet sur le grand plateau scène nationale avec captation live du concert.
Comment en êtes-vous arrivé à créer cette famille ?
En fait, il y a pas mal de bricolage et c’est complètement ce qui nous a nourris. Tous les deux nous avons un parcours musical qu’on a bâti en parallèle. Nous ne sommes pas des enfants de musiciens et nous nous sommes fabriqués une culture qui nous touchait en piochant très naïvement dans les bacs de disques et en se laissant porter par nos émotions. Pour dire les choses, on n’a pas connu le jazz dans notre enfance. Je (Damien) suis allé vers les choses qui me touchaient : le free jazz, les musiques libres, Charlie Haden, Gato Barbieri, en même temps qu’on était touché par des gens comme Ornette Coleman, Jean-Marc Padovani ou Laurent Dehors. Du coup on a tout pris au moment où on était prêt à gagner notre vie, ce qui est passé par de la musique de rue : avec Gérald on a en effet trouvé notre premier contrat en jouant dans la rue. C’était rue de la République à Lyon avec nos deux sax. On avait 19 ans. On se souvient encore de ce moment où l’on est passé à « l’action ».
Aujourd’hui, comment vous organisez-vous ?
L’un est à Saint-Etienne, un autre à Charlieu, le troisième à Montpellier et le dernier à Nantes. Avec Gérald, ce qu’on construit depuis 15 ans ce n’est pas facile mais c’est extrêmement précieux. C’est incroyable d’avoir une collaboration avec quelqu’un avec qui on s’est formé. Au conservatoire de Valence et après à Lyon. Là on a aussi beaucoup écouté, rencontré. On a rencontré assez vite les gens de l’ARFI. Moi-même j’ai fait plein de piges à l’ARFI. Et il y a surtout une motivation sincère d’être ensemble : c’est notre « truc », on y met de l’énergie, on y prend du plaisir. C’est l’occasion de pousser l’excellence à condition de l’alimenter en idées artistiques.
Dans une période qui n’est pas spécialement marquée par une folle gaieté, comment en vient-on à élaborer une musique avant tout festive, joyeuse ?
C’est peut-être notamment ce qu’on vit tous actuellement, étant tous de la même génération. On a tous des enfants, âgés de quelques mois à sept ans. Du coup, forcément, on n’est pas trop tristes. Ce sont des périodes remplies de force, de naïveté. Même si on ne le dit pas forcément, c’est instinctif, on est animé par ça.
Dans les musiciens et les musiques qui vous ont marqués, lesquels se détachent le plus ?
On est proche des musiques de rythme. Parmi elles, sans doute nous a surtout marqué celle d’Hermeto Pascual qu’on a découvert par l’intermédiaire d’Etienne Roche qui a monté un orchestre devenu le Grand bal des Cousins (passé au Toï Toï Le Zinc récemment). J’avais déjà écouté Franck Zappa et divers types farfelus. Avec Hermeto Pascual, j’ai découvert le Brésil et découvert des musiques traditionnelles par des gens qui les détournaient.
Ce qu’on fait nous aujourd’hui à la Compagnie Imperial ça vient de là. On prend un truc, on lui tord le cou sans trop de problèmes car on le fait avec sincérité. On prend quelque chose qui appartient à un patrimoine de n’importe où et on essaie d’en faire un truc singulier. On a un peu fait comme si on se fichait de tout.
Dans l’histoire de l’Imperial, quel rôle a joué Yves Bleton et cet Agapes, l’association qu’il avait créée et qui lui tenait tellement à cœur ?
Eux et nous on était tout le temps ensemble. C’était l’association qui proposait des concerts de jazz qui nous intéressaient. Le Hot Club ne retenait pas notre attention alors qu’Agapes et Yves programmaient le jazz actuel. Nous sommes tout de suite allés là. Yves et Catherine Carette ont vu qu’on faisait des trucs alors qu’on avait 20 ans. Ca s’est fait comme ça au culot. Une fois j’ai demandé à Yves qui organisait aussi un festival à Morgon, dans le Beaujolais, si on pouvait y aller. Ca a été un des premiers groupes qu’on a eus et Yves a été l’un des premiers à nous faire jouer. Yves, Catherine et Agapes, je les ai toujours considérés comme des acteurs hyper importants.