Fondateur du festival en 2002, disparu l’hiver dernier, cet artiste à 360° a été il y a quelques jours au coeur d’une soirée-concert mémorable. Plus d’une vingtaine de musiciens – tous âges, tous instruments, tous univers- s’étaient en effet donnés rendez-vous sur l’île pour un «Tribute » évident et complice
Jazz à Porquerolles ? Un de ces petits festivals qui égayent l’Hexagone au mois de juillet mais qui a la particularité de ne pas être accessible au premier venu. Depuis sa fondation en 2002, il se tient en effet sur l’île de Porquerolles, sud-sud de l’Hexagone, petit monde préservé qui offre à ceux qui prennent la peine de le fréquenter, des paysages exceptionnels.
C’est en effet en 2002 que Frank Cassenti, musicien, cinéaste, compositeur, écrivain et autres attirances, ajoute une corde à sa contrebasse, en créant ici ce Jazz à Porquerolles, festival dont il s’occupera jusqu’à sa disparition, en décembre 2023.
Plusieurs soirées étonnantes dont ce « Tribute » marathon
Charles Lloyd en trio, avec Jason Moran et Eric Harland
Naissam Jalal et Marion Rampal sound check
Il y a quelques jours, se tenait l’édition 2024. Du 7 au 10 juillet. Même lieu, même approche de la musique, de la création, de l’improvisation, même si son directeur artistique historique n’est plus là. En échange, conçue et voulue par ceux qui lui succèdent, plusieurs soirées étonnantes, comme un film qu’on déplie, plan après plan, image après image, émotion après émotion : au total, une succession de rencontres et de dialogues avec des musiciens qui se font rares aujourd’hui dans les festivals. Charles Lloyd pour démarrer en compagnie de Jason Maron et Eric Harland. Ou Youn Sun Nah en tête à tête avec Eric Legnini. Ou Lada Obradovic et David Tixier.
Sur scène, une petite part de la scène jazz actuelle
Salut final : Jacky Terrasson, Michel Benita Christophe Leloil, Jacques Schwartz Bart, Serge Marne, Alain Brunet, Nguyen Lee, Pierre Baillot …(… dans le désordre)
Pourtant, à côté de ces affiches, cette édition (désormais le festival est guidé par Samuel Thiebaut, vieux complice du fondateur) avait surtout tenu à revenir sur la vie, l’oeuvre et les engagements de Frank Cassenti. Pour ce « Tribute to Frank Cassenti », à la manoeuvre, une vingtaine de musiciens et diverses « surprises » appelés à se succéder sur la scène du Fort Sainte-Agathe. Tous avaient tenu à venir rendre hommage à ce musicien qu’ils avaient côtoyé, avec lequel beaucoup avaient joué (Frank Cassenti était notamment contrebassiste). Tout au long de cette soirée, se succédèrent ainsi Aldo Romano, Nguyen Lê, Michel Benita (évidemment, le bassiste aura été l’un des piliers de la soirée), Jacky Terrasson, Alain Brunet, Pierre-François Blanchard, Jacques Schwarz-Bart, Marion Rampal et bien d’autres. Une soirée rythmée, comme pour traduire les multiples facettes de cet artiste complet qu’était Frank Cassenti, qu’il s’agisse d’écrire ou de composer, de filmer ou de jouer lui-même.
Reconnaissable plus par la puissance de son sax que par les baskets spécial Porquerolles : Jacques Schwarz-Bart, Jacky Terrasson et Naissam Jalal : vers 21h35, les deux devaient interpréter Incantation, une composition du saxophoniste, en compagnie de Michel Benita et de John Hadfield
Auteur de l’Affiche Rouge, sortie en 1976
On se souvient qu’on lui doit de nombreux documentaires consacrés à diverses figures du jazz (Miles, Petrucciani), et que, derrière la caméra, il s’était surtout fait connaître pour l’Affiche Rouge, sortie en 1976 (!), qui revenait sur l’histoire du réseau Manoukian, bien avant l’hommage rendu dernièrement au Panthéon.
Ainsi, plus de trois heures durant, sous de multiples formes, les musiciens invités se sont souvenus du fondateur de Jazz à Porquerolles (dont lui-même avait conté l’histoire dans le film Changer le Monde). Au risque de se répéter, on passe ainsi d’un trio réunissant Aldo Romano, Jacky Terrasson et Michel Benita à des formations impromptues, histoire de jouer quelques minutes ensemble. Ici, c’est Ana Carla Maza en solo. Là, Marion Rampal et Pierre-François Blanchard.
Avant le concert, on affine le son (ici Mario Rampal)
Plus tard, un trio réunissant Alain Brunet, Pierre Baillot et Emmanuel Soulignac ; ou ce Novecento réunissant Fred Poulet, Michel Benita, Nguyen Lê, John Hadflield et Jacky Terrasson. Un peu plus tard, Naïssam Jalal en bonne compagnie.
Naissam Jalal et Jackie Terrasson. La chanteuse et flûtiste attendra 23 heures pour aborder en solo une « prière » qui résonnera étrangement sur cette scène du Fort Saint-Agathe
Bref plus de trois heures de musique à coups de petites épisodes de quelques minutes, comme autant de facettes méconnues de celui auquel on rendait hommage ce soir-là.
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* Pour tous ceux qui n’étaient pas sur l’île de Porquerolles ce soir-là, l’essentiel est qu’Arte a prévu de rediffuser ce concert au début août (on n’a pas encore la date) : une soirée captivante qui permettra de comprendre comment tous ces musiciens ont ensemble oeuvré, sur une scène, à un concert inédit, où le jazz et l’un de ses inconditionnels étaient bien au centre du propos.
Salut final : Jacky Terrasson, Michel Benita Christophe Leloil, Jacques Schwartz Bart, Serge Marne, Alain Brunet, Nguyen Lee, Pierre Baillot …