L’Amazing Keystone Big Band est de retour au théâtre antique. Cette fois, il ne s’agit plus de revenir sur les pas de « Pierre et le Loup », source de leur premier passage au théâtre antique ni, comme il y a deux ans, de jouer sous les yeux de Quincy Jones avec Michel Hausser comme invité.
Cette fois, ce big band né il y a six ans, qui sera -sauf erreur- la seule grande formation accueillie au théâtre antique cette année, s’est attaqué à un patrimoine musical hexagonal plus complexe qu’il n’y paraît : Django Reinhardt, ce guitariste virtuose né en fait en Belgique, dont la carrière étonnamment courte (disparu à 43 ans) contraste singulièrement avec son empreinte quasi indélébile.
Parmi les preuves, précisément ce Djangovision, voulu et mis au point par Bastien , Jonathan Boutellier, David Enhco et Frédéric Nardin, les quatre co-directeurs de l’Amazing Keystone. Au menu de la soirée tout un répertoire consacré au guitariste et à ces compositions : de Boléro à Minor Swing, de Nuages à Manoir de mes rêves, et combien d’autres qui permettent d’entrer dans cette musique, synthèse de manouche, de jazz swing avec quelques « zeztes » appropriés de fanfare débridée ici, de valse musette là.
6 saxos, 4 trompettes et 4 trombones
Mais passer d’une musique élaborée entre autres pour le Quintette du Hot Club de France à une musique jouée par un orchestre alignant, outre la rythmique, 6 saxos, 4 trompettes et 4 trombones, exige évidemment un lourd travail d’arrangements.
Or, c’est le propre de l’Amazing Keystone Big Band de compter en son sein une pléiade d’arrangeurs à même d’adapter avec une étonnante richesse à peu près n’importe quelle musique.
Ce Djangovision n’en est pas, à Jazz à Vienne, à son coup d’essai. Les 17 complices se sont en effet donné la peine de le présenter l’an dernier au festival de Samois, là où est enterré Django, célèbre festival consacré à son œuvre et aux musiques cousines et qui se tient tous les ans au mois de juin au sud de Paris. Le Big Band sera rejoint sur scène par trois musiciens, l’accordéoniste Marian Badoï, le guitariste Stochelo Rosenberg et James Carter. Ce saxophoniste qui signe ces temps-ci un grand retour s’est en effet attelé lui aussi à la musique de Django. (Il sera d’ailleurs avec son propre trio au Club de Minuit).
Une Gipsy Unity : des cordes comme s’il en pleuvait
En première partie, l’hommage à Django aura été lancé par quelques-uns des musiciens les plus représentatifs de cette musique manouche, Angelo Debarre et Marius Apostol, escortés de William Brunard, de Tchavolo Hassan et de Ranggy Debarre : la Gipsy Unity. A charge pour Marius Apostol de bien rappeler que le violon a toujours été au cœur de cette musique.
Qui est l’Amazing Keystone Big Band ?
Né il y a six ans, composé de 17 musiciens professionnels, l’Amazing Keystone Big Band a vu le jour à Lyon même si aujourd’hui ses membres sont disséminés aux « quatre coins » de l’Hexagone. Au départ de l’aventure, figure cette idée un peu folle de constituer de toutes pièces un Big Band, malgré toutes les contraintes qu’impose le genre. De la logistique à la taille de la scène en passant par la rareté des cachets et surtout d’un genre artistique en apparence passé de mode.
Première étape, constituer donc une équipe de musiciens de haut niveau acceptant les contraintes de l’exercice, dont des répétitions régulières. « On essaie de jouer une fois par mois à Lyon dans les clubs de jazz, pour entretenir la flamme et essayer des morceaux ou pour les remanier », explique Jonathan Boutellier, co-directeur, arrangeur et sax. Sachant qu’il est rare qu’un orchestre ou un musicien ait un engagement le lundi, les membres de l’Amazing Keystone ont donc commencé par se réunir le lundi à Lyon une fois par mois.
C’est ainsi qu’on a pu les retrouver et profiter de l’orchestre ici à La Clef de Voûte, là au Hot Club de Lyon le temps d’un concert quasi improvisé.
Pour le reste, les musiciens qui composent l’Amazing Keystone Big Band ne sont plus des inconnus, jouant tous dans diverses formations. L’ossature se compose de Vincent Labarre, Thierry Seneau, Félicien Bouchot et David Enhco aux trompettes/bugles ; Bastien Ballaz, Aloïs Benoît, Loïc Bachevillier, Sylvain Thomas aux trombones ; Kenny Jeanney, Pierre Desassis, Jon Boutellier, Éric Prost, Ghyslain Regard aux saxophone/clarinettes ; Thibaut François (guitare), Fred Nardin (piano), Patrick Maradan (contrebasse) et Romain Sarron (batterie).
Pour le reste, sans doute l’une des richesses et des originalités de ce Big Band est de ne pas être dominée par une seule figure et une seule influence. Si Duke Ellington demeure au cœur de l’entreprise, les trois arrangeurs de l’Amazing Keystone Big Band avouent des influences différentes : Bastien Ballaz pencherait plutôt du côté de Bob Brookmeyer et de Maria Schneider, Fred Nardin vers Jim McNeely et Bill Holman et Jon Boutellier vers Thad Jones, Quincy Jones, Marty Paich ou Shorty Rogers.