L’octroi par la Région Rhône Alpes d’une subvention de 150 000 euros à Jazz à Vienne pour l’édition 2016, au lieu de 75 000 euros octroyés précédemment, a viré, on s’en souvient, en une polémique nourrie entre ancienne et nouvelle majorité régionale, chacune s’accusant du pire et de traîtrise malvenue. Mais entre le « clientélisme » des uns et l’ « injustice patente » des autres, il n’est pas sûr que l’aficionados du premier festival de jazz de l’Hexagone y retrouve ses petits.
De quoi s’agit-il ? Jazz à Vienne qui accueille chaque année plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, payants et gratuits, a fini l’édition 2015 en léger déséquilibre financier : 300 000 euros sur un budget global estimé à 4,6 millions d’euros, (autofinancé à 85 % : 55 % par la billetterie, 30 % par les « partenaires »).
A l’origine de cet « accident », on s’en souvient, une baisse de la fréquentation du théâtre antique de quelque 10 000 spectateurs lors de la dernière édition.
Le théâtre antique, seule scène payante du festival
En soi, un tel retrait peut sembler d’autant plus anodin qu’il est le lot de la plupart des scènes culturelles qui doivent jouer entre la disponibilité de leurs spectateurs, leur budget « loisirs », l’attrait artistique de l’affiche et quelques autres paramètres pas toujours identifiés tels que les bouchons sur l’A7 ou la météo.
Sauf qu’à Vienne, le théâtre antique est la seule scène payante du festival, aux côtés de trois ou quatre autres scènes gratuites, Cybèle, le Kiosque, le Club de Minuit et le Jazz Mix. Dit autrement, alors que le spectacle du théâtre antique dure environ trois heures (20h30-23h30), le festival s’enorgueillit en effet de jouer de la musique tous les jours, de midi à trois heures du matin, pour l’essentiel gratuitement. Une exception dans le petit monde des festivals de jazz.
Sans le « Off », Jazz à Vienne serait bénéficiaire
Tout le paradoxe est là : « plus de 70% de la programmation du festival est gratuite » insiste Benjamin Tanguy, qui chapeaute désormais la partie artistique à la suite du départ de Stéphane Kochoyan, ex-directeur.
Sachant que le festival s’auto-finance à 85 %, on conçoit qu’on est là face à une sacrée quadrature du cercle. Surtout qu’il est fort possible que les spectateurs qui abandonnent le théâtre antique se retrouvent plus nombreux à fréquenter les scènes gratuites tout au long de la journée.
A ce sujet, Patrick Curtaud, adjoint à la culture de Vienne, vice-président du conseil général de l’Isère chargé des affaires culturelles, note : « Jazz à Vienne n’aurait que son théâtre antique, on serait en bénéfice, même avec cette baisse de 10 000 spectateurs payants enregistrée l’an dernier».
Pour surmonter ce déficit ponctuel, on se souvient que le festival a contracté auprès de Vienne – Agglo un prêt à taux zéro de 300 000 euros, remboursable en trois ans. A charge pour Jazz à Vienne d’augmenter ses recettes ou de baisser ses coûts.
Si, fin juillet, on a pu craindre qu’il ne s’engage sur des chemins de traverse (programmation à la Montreux, réduction du budget artistique etc), le festival a surtout décidé de faire évoluer le Jazz Mix, cette scène circulaire (le « Magic Mirror ») plantée au bord du Rhône qui venait conclure chaque soirée bien après la fin du théâtre antique.
« L’idée n’est pas de le supprimer, souligne Benjamin Tanguy, mais de le transformer ». Si le petit cirque ne sera pas remonté, « l’idée c’est que le Jazz Mix soit encore plus présent au festival ».
En d’autres termes, les musiques qu’explorait le Jazz Mix seront présentes, de façon pérenne, sur les autres scènes (Théâtre antique, Club de Minuit ) et surtout se verront propulsées durant toute la journée des 14 et 15 juillet à Cybèle, centre névralgique du festival.
« On voulait d’autant moins abandonner que nous fêterons l’année prochaine les dix ans du Jazz Mix, notion très importante du festival, et que l’idée c’est toujours et encore de se réinventer après plus de 30 ans d’existence de Jazz à Vienne », ajoute Benjamin Tanguy.
Parmi les réflexions engagées, des scènes « after » faisant appel à des DJ. Et plus généralement, d’aller vers un nouveau public, de croiser encore plus le jazz et d’autres musiques sans pour autant céder à la qualité.
Fréquenter le festival sans jamais acquitter une seule entrée ?
Mais si l’idée est donc de ne pas réduire l’ensemble des scènes gratuites du festival, reste à les financer. C’est semble-t-il tout l’enjeu des subventions augmentées dont bénéficie cette année Jazz à Vienne.
Pour 2016, le festival a ainsi vu la subvention de la Région passer de 75 000 à 150 000 euros, celle du département de 95 000 à 150 000 euros, le reste étant apporté par Vienne Agglo pour un montant global de 917 000 euros.
Ce total sert à faire vivre ce « Off », cet autre festival qui se déploie à Vienne comme dans les communes alentours et qui font souvent dire aux festivaliers qu’on peut fort bien passer une quinzaine à Jazz à Vienne sans acquitter une seule entrée payante.
Ce faisant, d’aucuns ne manquent pas de faire remarquer qu’on reste très loin des 3,7 millions d’euros de subvention dont bénéficient les Nuits de Fourvière
Des Nuits de Fourvière dont le passage de témoin entre un département à droite et une métropole à gauche n’a curieusement provoqué aucun remous, alors qu’on est loin de 150 000 euros, mais près de 25 fois plus … Alors ?