Tout le mystère est là. Comment, en l’espace de quelques heures, parvient-on à transformer un lieu de passage, anonyme et sans trop d’âme, en un lieu accumulant les magies ? Pour vous mettre sur la voie, mon « tout » ne se terre pas quelque part dans une de ces friches dont les villes ont le secret mais, au contraire, en plein centre de Lyon, station « Hôtel de Ville ».
Votre langue au chat ?
C’est ce soir, ce matin, que démarre en effet le Péristyle 2016, havre de paix et de musique planté à l’entrée de l’Opéra. A cheval sur la rue et dans le monument. A la fois brasserie ouverte tout l’été depuis le matin et caveau de jazz en accès libre à partir de 19 heures jusqu’à 23 heures.
Le plus long festival de jazz de Lyon
C’est la 14ème édition de l’événement, de ce qui est, paradoxalement, le plus long festival de jazz de Lyon (près de trois mois) accueillant chaque soir mais jamais le dimanche, une formation trois soirs de suite, trois sets chaque soir (19h- 20h15- 22h). Ainsi, à raison de deux orchestres invités par semaine, le Péristyle offre en effet un événement musical inédit et riche de découverte, s’ouvrant largement vers ce jazz régional si riche mais qui a si peu l’occasion de le montrer.
D’année en année, le Péristyle confirme qu’il est avant tout une vitrine de ce jazz régional qui se concocte à Lyon et dans la région. Tous styles. Toutes formations. Tous instruments. Se reporter au programme pour s’en convaincre sachant que, succès aidant, et le placement étant ici libre, il devient de plus en plus difficile aux retardataires de trouver place assise, en début de set, sur le coup des 19 heures.
Sans doute, la musique seule n’explique pas le succès de la formule : le Péristyle, décoré chaque année de son « velum » antiquisant et du plus bel effet, réussit à chaque fois à élaborer une ambiance unique, conviviale, débonnaire où, malgré la restauration et les boissons proposées, la musique garde le dernier mot.
En y réfléchissant d’ailleurs la chose est assez inexplicable. Comment l’Opéra de Lyon, à peine sortie d’une saison toujours dense (elle finira mi-juillet), parvient-elle à se lancer dans une musique qui d’emblée n’est tout de même pas faite pour elle ?
Ce petit mystère n’est peut-être pas pour rien dans le charme du lieu, qui rappelle qu’à quelques mètres, derrière les portes du Péristyle, le lieu concocte d’année en année une étonnante programmation mêlant toutes les cultures musicales, jazz, musique improvisée, traditionnelles, bannies ou retrouvées, revenues de loin ou au contraire si proches.
Le Péristyle est bien, en effet, le prolongement fidèle de ce qui se passe à l’Amphi de l’Opéra que mène François Postaire, son directeur d’année en année. Un prolongement jazz, centré sur ce que fabriquent à longueur d’année, les musiciens jazz de Lyon et de la région.
Ici le Péristyle se révèle bien une vitrine précieuse, permettant de découvrir ou de redécouvrir en plein été tous ces musiciens de la scène régionale pétris de talent mais qui sont souvent obligés de se démultiplier et de s’expatrier pour exister. Inutile de dire qu’ils sont d’année en année tous présents au Péristyle, de Michel Pérez à Damien Sabatier, de Lionel Martin à Jean Méreu, de Jon Boutellier à Joachim Expert, de Patrick Maradan à Jean-Louis Almosnino en passant par Christophe Métra, Cédric Perrot, Gérald Chevillon, Olivier Truchot, Rémi Poulakis, Antonin Leymarie, Andy Barron ou Wilhelm Coppey. Evidemment, on en oublie.
Rémi Crambres Trio pour démarrer, le 9 juin
Bref ce sont plus de 25 formations qui vont ainsi défiler au Péristyle, chacune disposant donc de 9 sets pour aller au bout de son propos. Là aussi est l’intérêt de ce lieu qui évalue l’événement à 130 000 euros pour la production et qui assume pleinement le léger déficit que génère cette manifestation, en dépit des recettes générées par la brasserie et sa cohorte de petites mains (en tout une vingtaine) qui vont et viennent au milieu des tables.
Pour finir, et si l’on n’est pas encore totalement convaincu, retenons que le Péristyle accueille bon an mal an 30 000 personnes, qu’il peut difficilement faire plus, et qu’il est d’autant plus précieux qu’il demeure le seul événement durable de l’été, une fois que les Nuits de Fourvière (peu de jazz cette année) s’en sont allées.
En attendant, rendez-vous ce soir à 19 heures pour accueillir la première formation, ce Rémi Crambres trio, composé de Camille Thouvenot à l’orgue, de Wendlavim Zabsonre à la batterie et de Rémi Chambre au violon.
Leur référence ? Le regretté trio PHL ( Ponty, Humair, Louis) et au menu de ces trois sets des compositions revues et corrigées de l’admirable Wayne Shorter ou de quelques autres tels Monk et Coltrane.
VidéoJazz : Rémi Crambes