Comment peut tourner une rencontre entre un John Scofield au sommet de ses cordes et un Brad Mehldau dont la quête harmonique ne faiblit pas ? A une expérience inattendue lorsque ces deux phares de la scène jazz new yorkaise se lance dans ce qui pourrait être comme une revisite d’un jazz-rock assagi. Trop ?
Pour la circonstance, le premier étonnement ne vient pourtant pas de la scène, vidée de ses photographes, mais du théâtre antique, à moitié plein seulement en ce jeudi soir. Le foot sans doute ? Cette absence de public devant l’une des plus belles affiches jazz de l’édition 2016, même si elle était prévisible, laisse pantois, quand bien même John Scofield, Brad Mehldau et John McLauglin ne débarquent pas à Jazz à Vienne pour la première fois.
L’art du trio par trois musiciens au sommet de leur jazz
Mais, déjà le trio est à son affaire. Sur Wake up, un thème de Mehldau qui donne le ton du set à défaut de provoquer l’emballement. Retenue des claviers, alors que John Scofield, appliqué, s’attelle -à la guitare mieux qu’à la basse- (il dissocie désormais les instruments) à nous faire entrer dans cet univers nourri d’inflexions blues.
Rien ne presse à l’évidence.
Tour à tour, guitare et claviers échangent les rôles, prolongent indéfiniment les morceaux, jusqu’à ce que Mark Guiliana trouve une réelle occasion de s’immiscer et de donner aux improvisations un autre sens.
L’effet sur le set est immédiat, décomplexant l’ensemble. Même si l’on regrette la trop petite part donnée à l’acoustique, Brad Mehldau démultiplie finement les lignes musicales au gré des claviers utilisés, dont un Fender hors d’âge.
De ballades à thèmes pêchus, le trio aura emmené ainsi son set à son terme, laissant chacun aller au bout de ses digressions, toujours plus fluides, toujours plus riches, et sans omettre de laisser le champ libre, une dernière fois, à Mark Guiliana, décidément étonnant face à ces deux illustres comparses.