BILL EVANS . Behind the dikes
Elemental Music
Bill Evans : piano
Eddy Gomez : contrebasse
Marty Morell : batterie
Contrairement à l’archive exhumée par Jack DeJohnette, sortie en janvier dernier, cette réédition en double cd d’un enregistrement en public réalisé aux Pays Bas, datant de 1969, est une pure merveille, même si ce n’est pas un inédit. Nous ne l’avions pas dans notre cédéthèque, allez savoir pourquoi. Durant ce concert, l’interaction est portée à son maximum en toute occasion. Eddy Gomez fait des merveilles, dirigeant presque en certaines occasions en lieu et place du pianiste. Marty Morell habille chaque titre d’un savoir-faire d’une précision extralucide. Bien sûr Bill Evans est là pour insuffler à ces titres emblématiques et aux standards (ce sont maintenant tous des standards) ce chant si particulier qui est le sien. Tout coule de source, tout est évidence, tout est connivence et le public ne s’y trompe pas qui peine à cesser d’applaudir entre les morceaux. Puis sur le second Cd viennent surgis de nulle part les titres « Granados » et « Pavane », enregistrés avec un orchestre à cordes. Ne nous demander pas pourquoi. Ils sont suivis de « One for Helen » et « Quiet now » qui closent le disque ; une bizarrerie nuisible à ce double album par ailleurs épatant.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Bill_Evans_(pianiste)
DAVID HELBOCK . The new cool
Act
David Helbock : piano
Sebastian Studnitzky : trompette
Arne Jansen : guitare
David Helbock (Autriche, 1984), c’est avant toute autre chose un pianiste capable de d’interpeler l’auditeur, de le captiver, de le saisir aussi bien à l’âme qu’aux tripes. Dans cette formule de trio sans rythmique, lui, le trompettiste et le guitariste privilégient l’émotion, l’instantanéité des émotions. Et cela fonctionne de parfaite manière, entre moments élégiaques en apesanteur et saillies lourdes d’électricité. Dans cet univers qui sait être flottant et rêveur, le temps s’écoule délivré des horloges. L’ambiance prime, les atmosphères ont de ces exhalaisons impromptues qui dévient les trajectoires et orientent l’écoute vers un autre espace musical enclos dans la trame initiale ; la gamme d’expression est suffisamment étendue pour le permettre. Assez inclassable en soi (c’est toujours bon signe), cet album possède un charme propre qui appartient avant tout au sensitif, à l’épidermique. On nous indique dans les notes du disque le propos de Lennie Tristano qui disait que « la fonction du musicien de jazz est de ressentir ». Ce trio-là s’y conforme avec brio et nous embarque dans les mystères de sa musique avec un supplément d’âme qui fait toute la différence.
ARCHIE LEE HOOKER . Living in a memory
Dixiefrog
Archie Lee Hooker : chant
Fred Barreto : guitare
Matt Santos : orgue Hammond, harmonica
Nicolas Fageot : basse
Yves Ditsch : batterie
et quelques soufflants et autres invités…
Du blues, du blues, du blues… Plutôt lourd d’ailleurs. Bien Gras, bien épais. Au chant, Archie Lee Hooker, installé en France depuis 2011, neveu de feu le mythique John. Il a d’ailleurs vécu chez son oncle de 1989 jusqu’à la mort de celui-ci en 2001. Ca laisse des traces. Pas autant que l’on pourrait le croire, cependant. Quoi qu’il en soit, ça groove dur avec un je ne sais quoi d’original que l’on a été content d’écouter. Ce n’est certes pas révolutionnaire mais le traitement de chaque morceau emprunte ici et là des codes pas forcément bluesy qui enrichissent fortement, et avec un goût affirmé, le propos. La voix d’Archie Lee Hooker possède un grain naturel, nourrie par quelques décennies de vie bien remplie, qui est plus que propice à ce type d’exercice. L’ensemble sonne avec une belle homogénéité et les climats s’enchaînent afin de traduire toutes les saveurs qu’un blues riche et ouvert peut contenir quand il est joué avec ce truc inné (Archie il l’a) qui fait toujours la différence. Du blues, du blues, du blues…
SKARBØ SKULEKORPS . Dugnad
Hubro
Øyvind Skarbø : batterie, guitare, vibraphone, voix, drum machine, synthé modulaire
Signe Emmeluth : saxophone alto, voix
Eirik Hegdal : saxophones alto & baryton, trompette, clarinette, C melody
Stian Omenàs : trompette
Ivar Grydeland : pedal steel guitar, guitares
Chris Holm : basse
Invités
Klaus Holm : saxophones alto & baryton, clarinette
Thomas Dahl : guitare
Guoste Tamulynaite : piano, voix
Elia Müftüoglu Skarbø : voix
Øyvind Torvund : synthé modulaire
Skarbø Skulekorps revient en force. Après leur premier album éponyme en 2019, les voici de retour aux affaires. De même filiation, « Dugnad » fait appel à un genre inconnu qui cumule tous les genres selon l’habitude du batteur leader. Dans le disque qui nous occupe présentement, Øyvind Skarbø s’est souvenu des cassettes que lui faisaient ses sœurs, des cassettes contenant un peu de tout. De quoi perméabiliser les neurones, n’est-ce pas ? La réussite de cet album comme du précédent est à chercher du côté de la combinaison réalisée entre les genres musicaux, combinaison pour le moins peu orthodoxe mais toujours surprenante. Quant aux improvisations sur les thèmes, elles ne font que démontrer la valeur artistique essentielle de chacun des participants. Ce n’est pas rien. Contrecarré par la pandémie, l’enregistrement a dû se faire à distance avant que le mix soit fait en studio. Quoi qu’il en soit, la musique totalement inclassable de Skarbø Skulekorps est une pépite dont il ne faut aucunement se priver. C’est joyeux et détonnant, barré à souhait, incongru et pour tout dire inespéré en ces temps tristement chiants.
https://skarboskulekorps.bandcamp.com/album/dugnad
KURT EDELHAGEN & HIS ORCHESTRA . Unreleased WDR Jazz Recordings 1957-1974
Jazzline Classics
1957
Jimmy Deuchar, Milo Pavlovic, Fritz Weichbrodt, Dusko Goykovich : trompette
Helmut Hauk, Christians Kellen, Ken Wray, Manfred Gätjens : trombone
Kurt Aderhold, Jean-Louis Chautemps, Derek Humble, Franz Von Klenck, Eddie Bosello : saxophone
Francis Coppieters : piano
Johnny Fischer : contrebasse
Stuff Combe : batterie
1967
Hanne Wilfert, Shane Keane, Rick Kiefer, Horst Fischer : trompette
Jiggs Wigham, Manfred Gätjens, Otto Breidl, nick Hauck : trombone
Derek Humble, Heinz Kretzschmar, Wilton Gaynar, Karl Drewo, Kurt aderhold : saxophone
Bora Rokovic : piano
Peter Trunk : contrebasse
Dai Bowen : batterie
Qui connaît Kurt Edelhagen ? Pas nous. Faut dire que les bandes ici exhumées étaient bien planquées dans les sous-sols de la WDR à Cologne. Pour autant, après quelques recherches, nous avons découvert que son big band, européen avant l’heure, tournait beaucoup dans les clubs de soldats britanniques et américains stationnés en R.F.A, ce qui lui valut une reconnaissance appuyée dans le monde du jazz anglo-saxon. Il se produisit également en Europe, en Union soviétique et en R.D.A. Ce n’était pas cependant facile d’en vivre et le chef d’orchestre dut aussi enregistrer de la musique Schlager (sorte de variété teutonne plutôt insupportable) et autres horreurs populaires en ces temps anciens. Fort heureusement, cela n’apparaît pas de ce triple album entièrement dédié au jazz. Son orchestre ? Hyper précis dans l’attaque, d’une ampleur sonore de grande qualité avec des pupitres irréprochables et des solistes haut de gamme ainsi qu’une rythmique métronomique. En un mot, cossu. Comme on les aimait à cette époque, quelque part entre Frank Foster et Stan Kenton. Autrement dit, Kurt Edelhagen dirigeait une machine à swing d’un standing XXL ; assurément pas un bulldozer, plutôt une berline luxueuse avec la ronce de noyer et tout et tout. Bref, on ne saura jamais pourquoi cet orchestre chatoyant, plein de punch, qui invita nombres de pointures tout au long de son existence, est passé par la trappe de l’histoire et d’autres non. Grâce à la WDR de Cologne qui fait un beau boulot avec ses archives, on peut le redécouvrir aujourd’hui. C’est bien, non ?
https://en.wikipedia.org/wiki/Kurt_Edelhagen
SINIKKA LANGELAND . Wolf rune
ECM
Sinikka Langeland : kantele, voix
Le kantele est un instrument à cordes pincées traditionnel de Finlande et de Carélie et c’est celui dont s’accompagne la chanteuse norvégienne Sinikka Langeland dans cet album en solo, son septième pour la maison Ecm. Spécialiste du folklore de Finnskogen (forêt de Norvège dite finlandaise), elle aime à mêler des éléments de jazz à cette musique particulièrement typique des paysages septentrionaux où elle est née. En écoutant ce disque, vous pénétrerez dans un univers en tout point singulier, nourris d’accents chamaniques et runiques et d’une forme de poésie ancestrale qui lie fortement l’humain et la terre qu’il habite. La musique de Sinikka Langeland est ainsi brute que la nature dont elle exprime les sentiments, elle est pourtant d’une subtilité et d’une finesse absolument impressionnantes. Dans les ombres brumeuses des paysages musicaux qu’elle met en scène, la musicienne intercale d’imperceptibles éclats de vie, des trames chaleureuses en leur sein, qui dépasse le paradoxe de la musique nordique que l’on pense souvent assez froide. Atemporelle par tous ses pores, la musique de Sinikka Langeland est un improbable joyau au tellurisme aussi apaisant qu’une source chaude.