MARSHALL ALLEN’S GHOST HORIZONS – Live in Philadelphia
Otherly Love Records
Sortie le 25 mai 2025
On nous annoncé dans l’hiver la sortie du premier disque de Marshall Allen pour ses 100 ans. Sauf que voilà, le disque de Marshall Allen « Live in Philadelphia » a été enreigistré avant. Il présente neuf collaborations enregistrées en public avec des artistes tels que Immanuel Wilkins, James Brandon Lewis, William Parker, Chad Taylor, Eric Revis, Wolf Eyes, des membres de Yo La Tengo, Irreversible Entanglements, The War on Drugs, et quelques autres trop nombreux à citer. Mais l’essentiel est ailleurs ; peu importe que le saxophoniste soit centenaire, ce n’est pas le genre à attendre la mort en regardant des séries à la télévision, c’est surtout l’iconique membre du Sun Ra Arkestra et cela s’entend. La musique qu’il propose est interstellaire et groovy. Elle chatoie, elle est chaude et inspirée. Toujours à l’avant-garde, elle dépasse les genres et se décline dans des espaces planétaires furieusement vivants, très exactement à l’opposé de ce que les humains vivent en ces moments de repli identitaire qui pue l’extrémisme à plein nez. C’est une musique vitale qui fouille les tréfonds, interroge l’auditeur et le convainc que les souriants possibles sont encore d’actualité, que le silence de l’infini n’est pas mortel, que les rêves cosmiques sont bons pour la santé mentale et qu’il faudrait être idiot pour se passer de cette musique ardente et charnelle, totalement iconoclaste. Un must à ne pas rater.
Si vous n’aimez pas le violon, et plus encore le violon Hardanger (il y en a quatre dans ce Cd), passez votre chemin. Par contre, si vous êtes sensible à la vibration sympathique de ce violon norvégien, vous allez fondre à l’écoute de la musique d’Erlend Apneseth. Toujours ancrée dans un univers parallèle typiquement septentrional, loin, très loin du jazz traditionnel, Le violoniste et ses musiciens explorent des possibles originaux où se mêlent tradition, contemporanéité et musique savante. Du côté folklorique, elle porte une voix qui résonne (vu d’ici) avec en elle un soupçon de moyen-âge. De l’autre côté, elle avance en défrichant des terres originales où chaque musicien est à même d’exprimer la quintessence de son art. Bien sûr, serions-nous tentés de dire, les alliages de timbres inusités sont l’une des qualités principales de ce disque. Songs over Snøv (chant par dessus la poussière) se réfère à l’enfance itinérante du leader qui affirme « nous sommes tous, qu’on le veuille ou non, façonnés par ce qui nous précède – notre enfance, nos racines, les traditions qui nous entourent. » Nous sommes en parfait accord avec ses dires comme avec sa musique dont la mélancolie quelquefois semble n’éprouver aucun regret. Elle existe et se conjugue avec des moments plus alertes et souriants. C’est la vie, quoi.
Sandro Zerafa : guitare Noé Huchard : piano Yoni Zelnick : contrebasse Francesco Ciniglio : batterie
On ne parle pas beaucoup de Sandro Zerafa, du moins pas assez à notre goût. Avec ce double album, un en quartet et l’autre en solo, il démontre à quel point il évolue dans son univers musical avec une élégance notable. Bien entouré dans l’album en quartet, il développe un jazz mélodique qui utilise l’espace avec bonheur. C’est aérien et toujours ciselé. L’écriture est raffinée, soucieuse du détail qui fait la différence. L’interaction semble parfaitement naturelle entre les quatre musiciens et tout est exprimé avec une forme de décontraction chaleureuse qui ne masque pas la virtuosité sensible du quartet et une modernité swinguante fort agréable aux oreilles. Dans le Cd en solo enregistré sans aucun effet, c’est assez rare pour être signalé, c’est la musicalité qui prime. Il n’y a pas de virtuosité effrénée à la Joe Pass (on n’a pas dit qu’on ne l’aimait pas), plutôt un monde musical paisible à la Jim Hall, dans chacun des morceaux choisis constituant l’éclectique playlist du disque. L’on y retrouve la clarté, la lisibilité, du jeu de Sandro Zerafa, son style distingué et harmonieux, sa capacité de réinvention des thèmes joués et, d’une manière générale, son habileté à associer les lignes mélodiques à son désir premier : jouer de la belle musique avec passion et sans esbroufe.
Ted Rosenthal : piano Martin Wind : contrebasse (1.2.4.6.8) Noriko Ueda : contrebasse (3.7.9) Tim Horner : batterie (1.2.4.6.8.9) Quincy Davis : batterie (3.7)
Des standards, des standards et des standards ! Dans cet album, le pianiste Ted Rosenthal utilise deux rythmiques différentes sans que l’on sente vraiment la différence. Dans les deux cas, cela tourne comme une horloge. Quant à lui, il joue avec une belle dynamique qui donne à l’auditeur une franche envie de sourire. C’est du jazz mainstream mâtiné de contemporanéité, redoutablement efficace. Quelques brisures rythmiques ici et là, histoire de varier les plaisirs, de l’échange avecles collègues et, en toute occasion une finesse de jeu et un swing plutôt ravageur qui donne le sourire. Ajoutez à cela quelques ballades particulièrement bien interprétées et vous avez un combo gagnant. Inconnu chez nous, Ted Rosenthal n’en a pas moins joué avec des pointures comme Gerry Mulligan ou encore Art Farmer et phil Woods, etc. Bref, si vous aimez le jazz apparemment simple et que les immortelles mélodies du Great Songbook vous séduisent, vous ne serez pas déçus par ce disque où chaque musicien participe avec justesse et talent à l’expression d’une musique qui traverse les âges et dont on ne lasse pas. Recommandé.
Jim Snidero : saxophone alto Peter Washington : contrebasse Joe Farnsworth : batterie
Une autre louche de mainstream pour la route ? Afin de fêter dignement les 40 ans de son premier enregistrement, Jim Snidero à pensé qu’un hommage à Charlie Parker (que bon nombre considère comme indépassable) serait le bienvenu. Il s’y colle avec Peter Washington et Joe Farnsworth en rythmique de luxe et déroule son jeu limpide d’un titre à l’autre sans jamais manque d’être convaincant. Et comme il est sacrément bien accompagné, il n’y a pas une faute de goût. Le contrraire serait regrettable, n’est-ce pas ? Après le beau « For all we know » paru en 2024 et mis en boîte avec les mêmes musiciens, Jim Snidero semble se régaler à baigner son désir de jeu dans des thèmes que tout le monde connaît. C’est toujours précis, mélodique à souhait et finement ciselé. Cela devrait donc plaire à tous les amoureux de post bop vitaminé et ils sont plus nombreux qu’on le pense. Laissez-vous tenter, vous ne perdrez pas votre temps, ni votre tempo d’ailleurs.
Paolo Fresu : trompette, bugle Richard Galliano : accordéon, Melowtone Jan Lundgren : piano
Paolo Fresu, Richard Galliano et Jan Lundgren remettent le couvert avec ce quatrième enregistrement de leur trio. Vous dire que l’on ne s’en plaint pas est parfaitement exact. Comme à l’habitude, cela coule de source. Les mélodies s’enchaînent, atmosphériques, installe un climat propre à l’apaisement des sens. Cela fait maintenant 25 ans qu’ils ont débuté ce projet et l’un de leurs mérites est de ne pas trop enregistrer. Quand ils le font, c’est qu’ils ont chose à dire. Il en découle une musique parfaitement équilibrée qui permet aux trois acolytes d’exprimer pleinement leur potentiel au service du collectif. Il nous offre, en ces temps troubles (euphémisme) une oasis de douceur et d’humanité musicalement affirmée. Tout se joue dans la nuance et la connivence, entre mélancolie septentrionale et chaleur méditerranéenne, sur des textures chamarrées qui définissent une identité sonore évidente, celle de trois musiciens aux carrières impeccables qui se donnent le temps et l’espace de jouer la musique qui leur plait et nous émeut par sa chaleureuse langueur.
Emma Rawicz : saxophone soprano Gwilym Simcock : piano
Dans ce très beau duo piano/saxophone, deux générations du jazz anglais se rencontrent. Le plus ancien des deux a passé la quarantaine et la plus jeune dépasse à peine la vingtaine. Fichtre ! Emma Rawicz est une étoile montante, comme on dit, et rien n’indique que c’est surfait, bien au contraire. Gwilym Simcock a déjà une belle carrière derrière lui (et plus encore devant) ; Chick Corea a dit à son sujet qu’il était « un original. Un génie créatif », Pat Metheny a ajouté (pour faire bonne mesure) qu’il était « l’un des musiciens les plus exceptionnels que j’aie jamais connus… c’est une force vraiment marquante dans la musique ». Une chose est certaine, elle et lui s’entendent à merveille et développe un jazz contemporain qui ne lésine pas sur le détail. Très rythmique, le duo aime serpenter entre les lignes, se retrouver aux croisements, s’unir le temps d’un chorus et repartir à l’aventure. Nourrie d’exigence et de mélodie, leur musique donne tout son sens à « l’art du duo » tel que nous l’entendons. Virtuose, assez pour qu’on le remarque, mais avant tout musical, leur disque est un petit bijou qui à sa place dans toutes les bonnes Cédéthèques.
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