JOWEE OMICIL . Spiritual Healing : Bwa Kayiman Freedom Suite
Bash ! Village Records
Randy KerBer & Jonathan Jurion : piano, Rhodes , piano électrique Arnaud DoLmen & Yoann Danier : batterie, ka Jendah Manga : basse Jowee OmiciL : saxophone alto/ténor/soprano, clarinette Basse/soprano, cornet, flûte, voix, piano
Dans ce disque qui nous paraît tout simplement indispensable, le musicien haitien/canadien Jowee Omicil nous livre une « Freedom suite ». La sienne trouve ses origines à Haiti, avec la seule révolution d’esclaves qui ait abouti à une libération. Enregistrée en juillet 2020 comme un rituel thérapeutique en ces temps troubles de Covid, cette improvisation découpée en 21 pièces est une pure merveille qui entrelace mysticisme et réalité humaine dans un but libérateur, apte à chasser les démons. Le leader utilise une large gamme d’instruments à vent (voix comprise) qu’il confronte aux percussions et aux claviers avec un sens innée de la dramaturgie. Les formes musicales incantatoires s’épanchent dans les profondeurs ou volettent telles des flammèches, s’entrecroisent et creusent, dessinent des courants qui s’unissent dans une quête unique. Formé au jazz par Ornette Coleman, jowee Omicil le laisse transparaître ici et là dans ses constructions et déconstructions. Cela demeure néanmoins un album personnel, original, dans lequel il est parfaitement accompagné par des musiciens aussi épris de liberté que lui. Incontournable.
Quinze années après leur première rencontre, Michael Wollny et Joachim Kühn se sont retrouvés sur scène le 23 janvier de l’année dernière à l’Alte Oper de Francfort. Si 35 ans les séparent, ils ont en commun la virtuosité, l’imagination, une science musicale exceptionnelle et un sens aigu de l’interplay. Ils en font preuve dans ce dialogue improvisé à 176 touches ou, s’ils sont bien deux entités pianistiques distinctes, il arrive que leurs deux jeux n’en fassent plus qu’un, comme par magie. Disons qu’à coup sûr c’est de la coopération alchimique instantanée et que cela crée une musique unique échappant à toutes les classifications. Et cette musique à deux voix emprunte les chemins de traverses que les deux artistes inventent, elle mêle les intentions et les sonorités, elle ne contredit jamais les propos en cours, elle fusionne et, plus que tout, elle invite l’auditeur à une immersion rêveuse dans des sphères élégiaques qui assimilent les genres avec une facilités déconcertante. Quant au titre My brother Rolf qui termine le disque, hommage de Joachim Kuhn à son frère disparu en 2022, il atteint des sommets d’intensité émotionnelle comme l’on en entend rarement. Impressionnant.
John Surman : saxophones soprano, baryton, clarinette basse Rob Luft : guitare Rob Waring : vibraphone Thomas Strønen : batterie
John Surman dit de cet enregistrement les choses suivantes : « Mon projet était de rassembler des idées musicales qui offriraient la possibilité de constituer une matière commune à travailler collectivement tout en demeurant suffisamment ouverte pour que chacun d’entre nous puisse s’en emparer individuellement et suggérer aux autres d’autres façons de l’aborder et de la développer. L’entente a été immédiate et tout s’est déroulé comme je le souhaitais. Mais j’ai vite compris que ce n’étaient pas tant les idées que j’avais proposées qui faisaient que ça marchait si bien, que la qualité des musiciens réunis. » Nous ne dirons pas autre chose, si ce n’est que l’on est toujours aussi bluffés par la capacité d’improvisation quasi inextinguible du saxophoniste anglais. Accompagné, soutenu et relancé par des musiciens aboutis, John Surman, dans ce Cd, continue de produire une musique qui sait suspendre le temps et l’espace entre des pleins et des déliés qui n’appartiennent qu’à lui. Nous ne sommes donc pas surpris, mais avouons-le sans ambages, séduits, comme d’habitude…
Print, le groupe mutant de Sylvain Cathala, a déjà vingt-cinq ans et cet album est le septième d’une lignée dans laquelle il n’y a jamais eu la moindre faute de goût, lignée dans laquelle il y a également toujours eu de l’audace et de la créativité. Certaines formations sont bien nées, n’est-ce pas ? Ce disque recèle une chose à laquelle nous sommes habitués avec Print : un sens aigu de la dramaturgie. Cela se traduit par des ambiances changeantes où les formes et les rythmes sont souvent remis en cause, mais pas que. L’on y trouve aussi une sensualité féroce, des sautes d’humeur musicale étonnantes, une énergie vive et canalisée pour le meilleur, des moments de suspension où le temps semble s’étioler, des accès de lyrisme chaleureux… nous pourrions continuer longtemps dans l’énumération des différents aspects qui constituent la musique de Print. Mais vous vous lasseriez. Sachez juste qu’à ce niveau d’exigence musicale, de créativité, le groupe est leader en son domaine. Et son domaine, c’est celui d’une riche singularité, entretenue avec passion, qui ne transige jamais avec l’aventure, où qu’elle le mène. Le problème, c’est qu’avec un tel niveau d’excellence, de science poétique, on n’écoutera jamais cette formation sur la grande scène d’un raout festivalier estival. On vit une époque formidable.
Pierre Horckmans : clarinette basse, Bb & EbAvec ce quatrième disque, le duo Watchdog fête une décennie de musique. Ce n’est pas rien. D’autant qu’elle ne faiblit pas leur musique. Toujours en dehors des genres, des chapelles et autres styles identifiables, elle fait mouche dans nos oreilles par sa poésie première. Peut-être un peu plus aérée (à peine) que par le passé, elle chante et conte ses sept fables avec un souci du détail donnant à chacune d’entre elles une forme complète. Les textures électroniques, que ce soit avec les claviers ou avec les clarinettes, sont un élément central du dispositif créatif et, par association, de leur univers. Mais quels que soient les procédés employés, ce que l’on retient à l’écoute, c’est la liberté du duo, son inventivité et sa capacité à susciter la songerie (qu’elle soit douce ou sombre) grâce une palette sonore nuancée et un sens de l’évidence mélodique qui n’appartient qu’à eux ; quant aux biais empruntés dans la quête imaginaire qui les guide, ils semblent se référer à quelques oracles divinatoires dont eux seuls ont les clefs. Inspiré et sensible, Watchdog creuse plus encore son sillon musical original loin des truismes de l’époque.
Liv Andrea Hauge : piano Georgia Wartel Collins : contrebasse August Glännestrand : batterie
Ce trio norvégien piano/contrebasse/batterie possède suffisamment de personnalité pour ne pas tomber dans la banalité de nombre d’autres trios qui prennent la poussière sur nos étagères. Certes, il nous a fait penser ici et là au trio européen de Keith Jarrett ou encore à Brad Mehldau (deux joyeux drilles), ce dont la pianiste et leader ne se cache pas d’ailleurs. Ceci dit, les compositions proposent des mélodies imparables avec ce que je ne sais quoi de typiquement septentrional qui ouvre à coup sûr les portes de la rêverie. La pianiste possède un sens du phrasé fort intéressant qui allie fluidité et rupture avec un bel aplomb tandis que la contrebassiste sait extirper de son instrument des sonorités joliment alternatives. Le batteur, au diapason de ses collègues, ne fait que dans la finesse et c’est très bien comme ça, d’autant plus qu’il est lui aussi capable de sonorités décalées agréablement surprenantes. Si l’on excepte un titre librement improvisé hors des sentiers battus, le reste de l’album offre à l’auditeur un lyrisme musical, souvent en demi-teinte, qui ne laisse pas insensible.
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