PETE MALINVERNI plays LEONARD BERNSTEIN . On the Town
Planet Arts
Pete Malinverni : piano
Ugonna Okegwo : contrebasse
Jeff Hamilton : batterie
Pour débuter en douceur la nouvelle année, rien ne vaut un trio piano / contrebasse / batterie. De préférence un de ces trios jouant un jazz mainstream comme s’il était né le jour même. Soutenu par une rythmique cinq étoiles, Pete Malinverni (méconnu chez nous) joue les compositions de Leonard Bernstein. Vous lirez d’ailleurs avec amusement la rencontre entre les deux artistes dans un club new-yorkais au cours d’une soirée très mondaine. Une chose est claire : avec ce disque, on a affaire à des maîtres du genre qui sont également des musiciens suffisamment modernes pour prendre à bras le corps des mélodies bien connues et leur donner un nouveau lustre sans jamais nuire aux originaux. Chacun des membres du trio est d’une justesse affolante. Ugonna Okegwo joue du contrepoint avec une précision impériale et développe un groove éminemment efficace. Jeff Hamilton est toujours, derrière ses fûts, dans un dialogue constructif avec ses collègues et son swing se pare d’ornements discrets qui sont la marque de fabrique de ceux qui peuvent tout faire avec leur instrument. Pete Malinverni quant à lui est très attentif aux mélodies ; son phrasé délicat est élégant et donne à écouter des lignes inspirées. L’ensemble est un petit bijou de swing quiet, avec une approche très personnelle, qui rend pleinement hommage à la musique de Leonard Bernstein, le tout avec une classe digne d’un trio de Hank Jones. Du jazz sinon rien.
https://www.petemalinverni.com/
CECIL L RECCHIA . Play Blue
Harpo
Cecil L Recchia : voix
Noé Huchard : piano
Raphaël Dever : contrebasse
David Grebil : batterie
César Poirier : saxophone ténor (2, 3, 7, 10), clarinette (9)
Avec un peu de retard certes, mais avec plaisir, une chronique sur un disque de jazz vocal au concept atypique. Jouer et chanter le jazz de chez Blue Note, le jazz de ces années déjà lointaines où des grands noms du jazz se sont fait connaître et reconnaître. On croise donc la musique d’Herbie Hancock, de Kenny Burrell, de Lee Morgan, de Kenny Dorham et de quelques autres non moins fameux. Mais comme ces standards sont instrumentaux, la chanteuse Cecil L Recchia a décidé d’écrire les textes manquants, des textes inspirés d’ailleurs, collant étroitement au projet, qui démontrent si nécessaire le lien musical qui l’unit à cette période mythique. Son timbre légèrement voilé épouse tout à fait l’esprit d’une époque enfumée, musicalement dense et sans limites créatives. Avec ses acolytes, elle interprète un jazz hard bop de très belle facture, groovy à souhait, que son phrasé net et précis porte tout au long de l’album. Ce qui demeure au final bluffant, c’est qu’on ne se demande jamais quand a été fait ce disque, très homogène, tant il s’intègre dans le son Blue Note qui peuple nos étagères. Une belle réussite. Du jazz sinon rien.
EMILE PARISIEN SEXTET . Louise
Act Music
Emile Parisien : saxophone
Theo Croker : trompette
Manu Codjia : guitare
Roberto Negro : piano
Joe Martin : contrebasse
Nasheet Waits : batterie
à paraître le 28 janvier
S’il existe un jazzman français qui transforme en pépite toutes les musiques qu’il aborde, c’est bien Émile Parisien. Avec cet album plus jazz que jazz, le natif de Cahors revient à la source dont il s’était émancipé (sans jamais la renier) de la plus belle des manières. Avec une rythmique américaine pour le moins alléchante et des figures du jazz actuel tel Roberto Negro et Manu Codjia, auquel s’ajoute le troisième américain Theo Croker, Émile Parisien prend la tête d’un sextet de luxe qui ignore le clinquant au profit d’une musique profonde et profondément jazz. Le premier titre, dédié à la sculptrice Louise Bourgeois et sa mère, indique la direction musicale choisie. La suite de l’enregistrement ne le dément pas. Une chose est sûre, la musique plonge aux racines d’un univers fertile en rebondissements et elle est portée par des musiciens inventifs (nous le savions déjà mais il est bon de l’écrire) au diapason du leader qui sait leur faire toute la place qu’ils méritent. Bigrement cohérent de la première à la dernière note, « Louise » est une étape majeure dans le parcours déjà substantiel du saxophoniste. C’est bouillonnant et débridé, fécond toujours, imaginatif, vif et romanesque à la fois. C’est un disque fringant, qui ne manque jamais de tempérament que les auditeurs les plus exigeants adouberont. Du jazz sinon rien !
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BARNEY WILEN . French ballads
Elemental Music
Barney Wilen : saxophone
Michel Grailler : piano
Riccardo Del Fra : contrebasse
Sangoma Everett : batterie
Voici donc une réédition augmentée et soignée, sous la férule de son fils, des « French ballads » de Barney Wilen. Le disque appartient à la dernière période musicale de sa vie, celle où il revient à ses fondamentaux après des années de quête, et c’est une pépite (on le sait depuis longtemps) qui reprend vie sur notre platine grâce à la matrice originelle et aux quatre titres inédits. Ces derniers ne dépareillent d’ailleurs pas en qualité intrinsèque avec les morceaux que nous connaissions déjà. Alors que dire ? C’est pur bonheur de retrouver la sonorité fluide caractéristique du niçois, son phrasé ondoyant et souple, qui dès son jeune âge était considéré comme le seul européen pouvant tenir aux maîtres amerloques du saxophone. A l’écoute, encore aujourd’hui, nous en serions convaincus si l’on ne pensait pas qu’il en dépassât un bon nombre… Accompagné dans cet enregistrement par une triplette de haut vol pur swing augmenté, Michel Grailler impérial, Riccardo Del Fra et Sangoma Everett dans la même veine, le saxophoniste peut promener sa classe sans entrave et dérouler son jeu inspiré sans anicroche, à tel point que le quartet tutoie bien souvent les sommets du genre. Ce qui nous amène à la question suivante : comment est-il possible que Barney Wilen, aussi respecté qu’il paraisse par le milieu, n’est pas chez nous l’aura qu’il a dans d’autres coins du globe, notamment au japon ? Sa carrière entre bop et recherche avant-gardiste est un modèle du genre. Free avec les premiers énervés, world avant la mode, bop ultime pour boucler une boucle qui se referma bien trop tôt, il est plus que probable que ce désintérêt discret, avec une dose d’incompréhension, soit dû à l’altitude à laquelle il naviguait. Bien trop haut pour le bas monde des laborieux ; ce qui nous fait penser que la solitude des géants existe ; on l’entend quand Barney Wilen souffle et sublime son saxophone.
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TONY MALABY’S SABINO . The cave of winds
Pyroclastic Records
Tony Malaby : saxophones tenor et soprano
Ben Monder : guitare
Michael Formanek : contrebasse
Tom Rainey : batterie
Le plus gros avantage que possède Tony Malaby sur Barney Wilen, c’est qu’il est vivant. Si l’on ajoute que son univers éminemment personnel le place dans la catégorie des musiciens respectés et admirés par ses pairs, il a un point commun avec le français. Après c’est une autre affaire, pas la même époque et une démarche plus linéaire dans l’exploration de sa ligne créative. Dans ce disque, c’est de cela qu’il s’agit : aller creuser, toujours plus profond dans la matière, chercher le point d’incandescence dans le noyau et laisser l’inventivité des protagonistes éclater au grand jour. D’un cycle à l’autre, Malaby et ses compagnons de jeu se plongent dans des affres mystérieuses d’une vaste curiosité sonore où ils sont tour à tour tempétueux et intimistes. A l’écoute, l’on est pris successivement par les variations hypnotiques du langage malabien et par les formes improvisées du collectif qui dégage une à une les barrières qui pourraient nuire à leur expression. Bien que chacun des membres du quartet aient des personnalités fortes, ils trouvent un terrain d’entente fructueux qui magnifie les espaces arpentés dans cet album. C’est de fait un disque où l’abondance ne nuit pas. Elle est bien au contraire le socle sur lequel la musique du saxophoniste s’épanouie en interagissant avec des musiciens jouant sur un pied d’égalité avec lui. Entre tradition et intrépidité, cet enregistrement bouscule agréablement l’auditeur en le forçant à prendre de la hauteur pour mieux apprécier le panorama.
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THE OGJB QUARTET . Ode to O.
Tum Records
Oliver Lake : saxophone alto
Graham Haynes : cornet, électronique
Joe Fonda : contrebasse
Barry Altschul : batterie
Dans ce deuxième enregistrement du quartet men » par le génial et trop méconnu Oliver Lake (on se demande bien pourquoi), tout se passe comme prévu. Chacun amène un ou deux morceaux, Tous plongent avec bonheur dans l’improvisation collective, ils y vont même franchement, après tout ils ne sont pas né d’hier, ils se font confiance et ils s’écoutent… et advienne que pourra. Naturellement, ce qui advient est de très bonne facture, voire plus, car voyez-vous, Graham Haynes prend idée, sur plusieurs titres, de tremper son cornet dans l’électronique. Les sonorités qu’il en tire sont surprenantes et ne gêne aucunement le son acoustique global du quartet, bien au contraire. Il ajoute de facto une dramaturgie particulière qui élève encore le niveau de cette musique aussi aventureuse que profondément versatile. Toujours ancrée dans la recherche, teintée de mystère et/ou d’ésotérisme, elle se découvre au fil des écoutes car elle est dense et bourrée de détails, de subtilités, qui font toute sa saveur. L’interaction est au cœur du processus tout au long du Cd et c’est une joie véritable que de déchiffrer les surprises, offertes par les musiciens, qui se nichent entre les lignes et étayent élégamment l’ensemble, toujours en parfait équilibre sur les fils arachnéens de leur propositions multiples. La classe.
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SCARY GOLDINGS . IV
Pockets Inc.
Larry Goldings : orgue
Mononeon : basse
Ryan Lerman : guitare
Jack Conte : wurlitzer
John Scofield : guitare (2,3,5,7,8,10)
Tamir Barzilay : batterie (1,4,6,9)
Lemar Carter : batterie (2,7,8)
Louis Cole : batterie (3,5,10)
Le quatrième enregistrement du groupe Scary Goldings se nomme IV. C’est original. Le truc notable demeure que Larry Goldings, joyeux drille à l’humour décapant, remette le couvert avec son super groovy funky groupe et que ce dernier, comme il se doit, anime spontanément les articulations de l’auditeur. Le plus ce quatrième album, le gros plus, c’est que John Scofield est invité sur la majeure partie des titres de l’album. Et ça, c’est comme les lardons dans la quiche ou la goutte de mirabelle dans la salade de fruits, ça change la donne. Ca relève l’ensemble et un bon disque devient bien meilleur. L’alchimie, la chimie, c’est ainsi que cela fonctionne, enfin je crois (on n’y connaît rien). Bref, quand Scofield prend la main, on sent que les autres sont attentifs. Nous ne disons pas qu’ils sont en dessous, seulement qu’il les bonifie, et la musique avec. Oui, la patte du Sco, c’est tout de même quelque chose, à tel point que le contexte importe peu. Qu’il baigne dans le funk, le jazz rock, l’americana ou un swing élégant (avez-vous écouté son disque en hommage à Steve Swallow ?), il porte haut les couleurs de la sobriété éclairée, de l’intelligence musicale, Bon d’accord, ceci est aussi une chronique de Scary Goldings et l’ensemble est vraiment très bon dans son genre car le line up à la hauteur. Mais John Scofield, quand même, c’est la classe.