Rich Halley : saxophone ténor Matthew Shipp : piano Michael Bisio : contrebasse Newman Taylor Baker : batterie
Voilà un quartet de musiciens pour qui il est traditionnel d’étendre la tradition, de tirer sur elle jusqu’à la désarticuler, et cela toujours pour le meilleur. Le leader pour l’occasion de cette équipe de pointures navigue depuis toujours entre le viscéral et le cérébral. Ceux qui l’accompagnent ici, peu ou prou, suivent la même voie. Et comme c’est leur deuxième opus ensemble, il apparaît dès les premières notes qu’on va se prendre une bonne baffe et, plus encore, une overdose de musicalité, un rail très pur de créativité, voire une leçon, au sens propre. La musique du quartet est généreuse ; elle peut tout emporter sur son passage comme se lover dans les méandres d’un intimisme ouvert sur la douceur. En toute circonstance, l’approche mélodique est très libre et c’est un bonheur de se laisser surprendre (et convaincre) par ces musiciens aux carrières longues et riches (le plus jeune est sexagénaire). En outre, avec un tel niveau d’interaction, c’est d’alchimie qu’il parler tant à l’écoute leur musique est une évidence. On en dira pas plus.
David Gibson : trombone, composition Davis Whitfield : piano Kush Abadey : batterie Joseph Lepore : contrebasse
Des quatre musiciens présents sur ce disque, nous ne connaissions que le batteur. Cela tend à prouver une fois de plus qu’il existe des tonnes de musiciens épatants sur terre et qu’on n’aura jamais assez de temps pour tous les écouter. Prenez le leader par exemple, il a une éminente carrière de compositeur et d’arrangeur de l’autre côté de l’Atlantique (et pas avec des manches, bien évidemment) et combien d’entre nous l’ont écouté sur le vieux continent ? Ah ! C’est ainsi. Ceci dit, David Gibson est tromboniste (vous suivez ?) et quel tromboniste, soit-dit en passant. Il est accompagné par des furieux dans son genre qui vous collent entre les oreilles un swing ravageur, d’une redoutable précision dans l’exécution et, qui plus est, d’une vivacité et d’une énergie revigorantes. Le leader, quant à lui, est d’une virtuosité impressionnante (les autres sont pas mal non plus), aussi impressionnante que sa musicalité, c’est vous dire. L’auditeur qui s’emmerdera en écoutant ce Cd a des gros problèmes d’audition et un manque de goût évident. Vous ne direz pas qu’on ne vous a pas prévenus.
Frank Woeste ; piano, compositions Ryan Keberle : trombone, compositions Vincent Courtois : violoncelle, compositions
On connaît bien le trio Reverso et on ne vous cache pas qu’on l’apprécie grandement. Avec ce nouvel album, après la musique de Ravel et celle du groupe des six, il s’intéresse dans ce disque à celle de Lili boulanger (1893-1918) dont on parle un petit peu plus aujourd’hui, après un long purgatoire immérité. La brièveté sa vie et la position de sa sœur Nadia tout au long du siècle passé en sont peut être la cause. Toujours est-il que la musique du trio, librement inspirée des œuvres de cette « étoile filante » est fascinante. Profonde et suspendue à la fois, elle semble parcourir les paysages d’une âme hantée par le temps compté, celle de la compositrice à coup sûr, en réinventant des mélodies originales d’une rare densité et d’un lyrisme aussi discret qu’assumé. Le souffle continu qui parcourt cette musique est basé sur une merveille de douce complexité et les schémas narratifs développés accroissent l’espace au sein duquel les trois musiciens explorent leurs possibles créatifs. A l’écoute, on s’évade tout autant que l’on est pris dans les rets tendus par le trio. Et pour tout dire, on en redemande. Vivement conseillé.
Kevin Hays : piano Ben Street : contrebasse Billy Hart : batterie
Oups ! Ce disque-là est sorti en octobre dernier mais il eut été indigne de notre part de ne pas vous en parler et pire encore, de l’ignorer. Il y a là trois pointures haut de gamme dont l’une, de par la longévité de sa carrière et ses collaborations multiples avec le gratin du jazz du XXème siècle, est aujourd’hui légendaire, à savoir Billy Hart. Mais les deux autres pourraient suivre le même chemin, le temps aidant. C’est album est leur deuxième et il a été préparé en amont par une tournée européenne, nous avons d’ailleurs eu le privilège de les écouter/voir en novembre 2022 et nous en gardons un souvenir ému. L’on retrouve dans ce disque tout ce qui nous avait séduits alors : un piano qui chante, une contrebasse qui tient la baraque et un batteur au toucher aérien qui magnifie l’ensemble. La playlist est variée, entre originaux et reprises des plus grands, et sur chaque titre cela fonctionne. Avec une aisance et un feeling énorme, les trois compères créent une musique attrayante et spontanée, pleine de cette curiosité qui permet d’ouvrir grandes les fenêtres de l’imaginaire. L’auditeur est rapidement captif de leur univers musical, tout de finesse et d’à-propos exploratoire, car l’alchimie entre eux est patente et, à ce niveau d’excellence, c’est assez rare pour ne pas le noter. C’est l’un des disques de 2023 qu’il ne fallait pas rater. Mais il n’est jamais trop tard pour se faire plaisir.
Vanisha Gould : chant Chris McCarthy : piano Kayla Williams : alto
Un duo voix piano (quelquefois augmenté d’un alto) pour débuter l’année, c’est une bonne idée. Vanisha Gould possède une de ces voix qui interpellent par leur grain particulier. Sa diction impeccable, son groove, doux et naturel, ainsi qu’une forme d’engagement intense dans la musique la démarque immédiatement du commun des chanteuses de jazz (qu’on oublie rapidement). Accompagnée par un pianiste sensible au jeu tout de finesse et d’inventivité, elle peut laisser son talent s’exprimer sans lasser sur des standards bien connus comme sur un standard de la country, le « Jolene » de Dolly Parton. L’ensemble du disque avance au rythme d’un cœur paisible ; en prenant le temps d’extirper de chaque titre l’essence qui le constitue et en le renouvelant Vanisha Gould et Chris McCarthy démontre que la qualité de leur dialogue musical est la pierre angulaire de ce disque simplement sincère et baigné dans une intemporalité bienvenue.*
TONY JONES + JESSICA JONES . Hearing into the future
Reva Records
Jessica Jones : saxophone Tony Jones : piano, saxophone
Un autre duo pour continuer en douceur l’année 2024. Jessica et Tony Jones vivent en couple depuis longtemps. Leur couple musical possède par conséquent une longévité certaine et l’intimité qu’il partage en musique apparaît dans toute son évidence tout au long de l’enregistrement de ce disque que l’on classe déjà parmi ceux qui se font une place sur nos étagères. Si nous vous disions que cela coule de source, ce serait juste un truisme tant la musique semble naturelle. Qu’ils soient en duo piano / saxophone ou qu’ils tentent le duo saxophone / saxophone (fallait oser), les lignes ruissellent en parfaite harmonie. Les entrelacs et autres contrepoints architecturent un discours clair qui tend de manière convaincante vers une sobriété privilégiant en toute circonstance la musicalité ; ainsi, bien assises sur leurs bases, les mélodies se succèdent les unes aux autres avec une fluidité et une créativité que l’on ne peut que souligner. Les oreilles curieuses et de bon goût méritent ce fort joli disque.
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