Jazz In Lyon

La Revue De Disques – Juillet 2021

GEORGE CABLES . Too close for comfort

HighNote records

George Cables : piano
Essiet Essiet : contrebasse
Victor Lewis : batterie

George Cables fait partie des discrets du jazz, à tel point que peu de gens connaissent son existence de ce côté-ci de l’Atlantique. Et c’est injuste. Né en 1944, il a trainé ses guêtres avec des gars comme Dexter Gordon, Joe Henserson, Freddie Hubbard, Bobby Hutcherson, Frank morgan, Woody Shaw et, plus encore avec Le génial Art Pepper. La liste n’est pas exhaustive. Vous me direz que tout cela n’est pas très actuel, certes. Mais cela empêche-t-il un musicien d’être ce qu’il est ? A savoir, un pianiste inspiré, très inspiré, qui n’a peur de rien ni de personne et qu’il est toujours bienvenu d’écouter afin de savourer l’étendue de sa classe. Dans cet album en trio avec les fidèles Essiet Essiet et Victor Lewis, il ne déroge pas à sa tradition et délivre un jazz atemporel, pétri de fines improvisations et de swing élégant. Créatif en diable, nanti de cette imagination devant le clavier qui fait toujours la différence entre un pianiste et un pianiste immense, il est, par son art, une personnalité du jazz qui traverse les époques avec une indestructible constance. Il n’y a qu’à l’écoute tout au long de ce Cd pour le comprendre. Appuyé par une rythmique aux petits oignons, il exploite toutes les possibilités offertes par la complicité d’un trio régulier et chaque thème ressemble à une master class. Well done, comme ils disent là-bas.

https://georgecables.com/


ROY HARGROVE / MULGREW MILLER . In harmony

Resonance Records

Roy Hargrove : trompette
Mulgrew Miller : piano

Sur le papier, l’affiche est belle ; un duo atypique entre un trompettiste flamboyant, rompu à tous les genres ou presque, et un pianiste virtuose plus enclin à vivre dans une tradition du jazz élégamment teintée de modernisme ; un showman et un discret. Une chose demeure absolument évidente, ces deux musiciens apparemment opposées ne faisaient que la musique qui leur ressemblait. Et c’est par ce biais qu’ils ont communiqué sur scène en 2006 et 2007. Qu’en est-il alors de ce disque en forme d’hommage ? La musique est bonne, c’est le moins que l’on puisse dire. Elle est même à bien des égards impressionnante. La symbiose entre le pianiste et le trompettiste est patente ; à eux deux, ils donnent une vision commune du jazz qu’ils aiment et c’est épatant. Hélas, l’enregistrement, certainement capté au vol avec des moyens techniques vraiment très limités, n’est pas à la hauteur. C’est bien dommage. Alors même si Resonance Records fait bien les choses, notamment avec un livret dense où témoignent de nombreux jazzmen, cela ne suffit pas. Disons que c’est un témoigne pour l’histoire.

https://resonancerecords.org/product/roy-hargrove-and-mulgrew-miller-in-harmony/


DAVID TIXIER TRIO . Because I care

Cristal Records

David Tixier : piano, wurlitzer
Lada Obradovic : batterie
Jérémy Bruyère : contrebasse
David Linx : chant

Enregistré en ces temps troubles de pandémie, ce nouvel album du trio de David Tixier est rejoint sur plusieurs morceaux par le chanteur David Linx. Et c’est une très bonne idée, ma foi. Toujours mélodique et complexe dans ses structures, le travail du pianiste prend une dimension supplémentaire dans ce disque, une forme d’ampleur intrinsèque, d’assurance et d’originalité toujours patente. Percussive et prête à s’écarter des lignes, la musique de cet album ne manque pas d’intérêt, ne serait-ce qu’en trio car la maîtrise des trois protagonistes est évidente, tout comme le lien qui les unit depuis un temps certain maintenant. C’est brillant en toute occasion et c’est pertinent. La présence de David Linx permet au groupe d’aborder d’autres sphères. Le chant libre du belge amplifie encore la sensation d’ouverture sur l’inconnu. Son interprétation du « Old man » de Neil Young est à ce titre un bon exemple. Au passage, rappelons que Brad Melhdau avait déjà repris cette chanson par le passé. Quoi qu’il soit, tout dans ce Cd devrait intéresser l’auditeur féru de jazz d’aujourd’hui à bien des égards. On ne saurait trop vous le conseiller.

www.davidtixier. com


THE DAVE MULLEN ENSEMBLE . Solace

Mullsoul music Records

Dave Mullen saxophone ténor & soprano
Jim Seeley : trompette
Jon Cowherd : piano
Hans Glawischnig : contrebasse
E.J. Strickland

Dédicacé à quelques légendes du jazz (Coltrane, Ellington, Monk, Michael Brecker, Rahsaan Roland Kirk…), ce disque fait feu de tout bois. Avec un quintet d’instrumentistes au sommet de leur art, la musique ici jouée emporte tout sur son passage. Dès les premiers instants, on bascule dans ce swing furieux avec des frissons de contentement, ce qui est assez rare pour nous. Chacun des musiciens prend sa part pour construire cette machine à groove passionnante. Entre jazz, funk, R&B et gospel, le groupe s’engage pleinement. Les soli sont d’une très probante efficacité et la rythmique redoutable leur assure une assise solide sur laquelle s’appuyer. La très belle ballade « For Michael » est à contre courant un exemple de souplesse gracile où le son puissant de Dave Mullen s’exprime avec une finesse et une retenue remarquables. Le traitement réservé à « Satin Doll », quant à lui, est épatant. Mais chaque thème abordé dans ce Cd est arrangé avec un goût plus que sûr. L’ensemble du Cd constitue un bon vieux jazz hard bop vitaminé qui fera sourire et vibrer tous les bonnes âmes.

http://davemullen.com/

EVE BEUVENS . Inner geography

Igloo Records

Eve Beuvens : piano

Le monde de la musique a plus de difficulté à partager la musique avec ceux qui l’entourent qu’un virus. Pour preuve ce disque de la pianiste belge Eve Beuvens tombé dans notre boite aux lettres. La Belgique n’est pourtant pas si lointaine que je n’ai jamais vu sur scène ou, pire, entendu parler de cette pianiste qui a tout pour séduire un large éventail de publics. Bref, dans cet album en solo, Eve Beuvens fait preuve d’une sensibilité fluide. Ses compostions évoque un imagier riche de nuances subtiles tout à fait convaincante. On se laisse prendre par le continuum qui en découle et l’on navigue avec elle dans sa géographie intérieure. Atmosphérique à bien des égards, sa musique parcourt des paysages suffisamment ouverts pour que chaque auditeur y trouve matière à résonance intime. Les contrastes que la pianiste explore se révèlent dans la finesse plus que dans l’éclat et c’est là une grande part de la réussite de cet enregistrement. Les reprises qu’elle s’autorise (Jolene de Dolly Parton ou encore Caravan) sont dans la même veine l’expression d’une personnalité qui s’intéresse avant tout à l’essence de la musique.

https://www.evebeuvens.com/


Quitter la version mobile