REMI DUMOULIN . La ligne de démarcation
Eddie Bongo
Rémi Dumoulin : saxophone
Bruno Ruder : piano
Fred Chiffoleau : contrebasse
Pascal Le Gall : batterie
Il est écrit dans le press kit que les standards dans ce disque interprétés le sont sous les auspices (les bons) de Lennie Tristano, Wayne Marsh et Lee Konitz. Vous savez quoi ? C’est parfaitement exact. Une chose est certaine, le quartet s’en empare brillamment, les travaille au corps et les revisite avec une assurance en tout point pertinente. Pas une seconde d’ennui à l’écoute de ce Cd au sein duquel chaque musicien a l’espace nécessaire à sa créativité sans débordement d’ego surdimensionné. Homogène, le quartet l’est et il sert la musique avec une générosité et un à-propos épatant. Chaque titre est revu et corrigé en s’éloignant de la mélodie originale par un jeu sur les harmonies qui autorise une nouvelle mélodie. C’est bien vu mais surtout, cela est exécuté sans effort, de sorte que tout un chacun peut écouter cet enregistrement sans se torturer les méninges. C’est du jazz et point barre ; et c’est ce jazz-là qui fit pour une grande part son succès en un temps que les moins de 50 ans n’ont pas connu ou oublié. Vivacité, inventivité, audace, spontanéité et talent, souplesse et habileté, autant de qualificatifs auxquels nous pourrions en rajouter d’autres dans la même veine et qui décrivent notre plaisir à l’écoute de ce disque
indispensable.https://lalignededemarcation.com/
GRAZZIA GIU . Fragments
Jazz-Quart
Grazzia Giu : chant
Guillaume Poncelet : piano
Daniel Yvinec : multi-instrumentiste
Sur ce coup-là, nous avons un bon mois de retard ! Mais peu importe. Voici donc un Cd volontiers défini comme étant à la croisée des genres mais qui selon nous tend plus vers une pop vintage, intime et élégante, finement travaillée, au plus proche de l’émotion native. La voix de Grazzia Giu à elle seule justifie l’écoute, ce qui ne signifie pas que les musiciens soient en deçà du talent de la chanteuse car ils créent autour d’elle un univers à la mesure des chansons de l’album. Tissé autour d’une forme mélancolique qui fleure l’underground, les lieux aussi obscurs qu’éclatants d’une époque libertaire (qu’il nous semble l’avoir rêvée tant elle paraît aujourd’hui dépassée), ce disque dans son entièreté touche à la fibre la plus intime avec une délicatesse aiguë et insiste paisiblement sur les émotions les plus vives d’une humanité buissonnière et créatrice (qui nous manque). Quant à la reprise du « Where are we now » testamentaire de David Bowie, elle est un bon exemple de réinterprétation réussie. 30 minutes et 11 secondes de voyage hors du temps « en suivant la grande ourse. »
KEITH HALL . Made in Kalamazoo (trios and duos)
Zoom Out Records
Andrew Rathbun : saxophone ténor & soprano, clarinette basse, électronique
Robert Hurst III : contrebasse
Keith Hall : batterie, cymbales & percussions
Keith Hall a attendu d’avoir cinquante ans pour sortir un premier album sous son nom. Vu la qualité du dit album, il aurait pu le faire avant. Trois soli en hommage à ses maîtres, Billy Hart, Elvin Jones et Max Roach, sept titres en trio et le reste en duo. Une chose est sûre, l’énergie est au rendez-vous et elle nous rappelle notamment quelques trios emblématiques sans support harmonique du passé. Ses deux acolytes sont comme lui fort inspirés et la musique dont ils accouchent ensemble est tout sauf ennuyeuse. Les morceaux en trio nous embarquent dans un jazz post hard bop (avec quelques accents funky) tandis que les duos s’appuient plus, eux, sur l’improvisation. Dans ce contexte, Andrew Rathbun ajoute des effets en tout genre qui se révèlent intrigants et finalement bienvenus (une pédale wah wah sur un sax… ça nous rappelle Bearzatti), ce qui n’empêche nullement les deux musiciens de s’évader dans l’acoustique pure quand ils en ont envie. Si le disque est long (vingt morceaux, il s’écoute cependant avec intérêt de bout en bout car il est parfaitement maîtrisé, inventif et empreint d’une joie communicative. On ne regrette pas d’avoir découvert Keith Hall.
https://www.keithhallmusic.com/
GABRIELLE CAVASSA
Autoproduction
Gabrielle Cavassa : chant
Ryan Hanseler : piano, Rhodes
Lex Warshawsky : basse
Jamison Ross : batterie
Braxton Cook : saxophone (2,6)
Ashlin Parker : trompette (9)
Ari Teitel : guitare (5)
Une découverte. Gabrielle Cavassa, jeune chanteuse américaine, sort un premier album aussi sobre que bien autoproduit (elle a renoncé à un contrat pour agir à sa guise). Une voix envoûtante qui sans faire dans le minimalisme ne va jamais dans l’excès. Six des titres sont des compositions personnelles d’un excellent niveau. Des musiciens au diapason de la chanteuse et des solistes invités de très bonne facture complète un tableau étonnamment subtil. Mademoiselle Cavassa démontre qu’une sensibilité à fleur de peau peut être un réel atout quand elle est bien gérée, et c’est le cas tout au long de l’album. La chaleureuse rondeur de l’enregistrement, le Rhodes, développe une atmosphère moelleuse, proche du cool californien en évitant le pire du genre (et Dieu sait si on en a écouté des daubes formatées FM prétendument jazz venues de la côte ouest) qui mettent en valeur les petites fêlures d’une voix qui n’a rien d’anodin et sait exprimer avec justesse des textes sans détours. Cerise sur le gâteau, l’album dure 34 minutes, un format ramassé contenant rien d’inutile. A la frontière du jazz et d’un groove plus mainstream, Gabrielle Cavassa réalise un beau disque très musical.
CLARK TERRY BIG BAD BAND . Live in Holland 1979
Storyville Records
Clark Terry ; trompette, bugle, chant
Dale Carley, John Melito, Bob Montgomery, Oscar Garnby : trompette
Hal Crook, Buster Cooper, Chuck Conners, Richard Boone : trombone
Chris Wood : saxophone alto & bugle
Bill Saxton, Herman Bell : saxophone ténor
Charles Williams : saxophone alto
Charles Davis : saxophone baryton
Charles Fox : piano
Victor Sproles : contrebasse
Dave Adams : batterie
Clark Virgil Terry, un grand parmi les grands, ne sort pas de nouveau disque puisqu’il est passé à la postérité en 2015. Mais certains s’intéressent encore à lui et publie de temps à autre des enregistrements de concert ; cela semble bienvenu car le trompettiste de Saint Louis a influencé des gars comme Miles ou Quincy Jones (tout de même). Avant d’avoir son propre big band, il a été soliste chez Basie d’abord, puis chez Ellington, avoir d’être le premier afro-américain à jouer dans l’orchestre de la NBC. Dans cette galette captée en public en Hollande en 1979, son orchestre se compose de fines lames toutes remarquables dans leur genre. Le big band en lui-même, s’il n’est pas révolutionnaire, tient sans conteste le haut du pavé. C’est efficace et équilibré (on en attendait pas moins) et bien évidemment, ça swingue (encore et encore) et cela n’arrête pas swinger du début à la fin. C’est heureux car c’est ce que l’on recherche dans ce type de Cd : une vision joyeuse et atemporelle du jazz. Squeeze me !
https://en.wikipedia.org/wiki/Clark…
DI MEOLA/MCLAUGHLIN/DE LUCIA . Saturday night in San francisco
Impex Records
Al Di Meola, John McLaughlin, Paco De lucia : guitare (une chacun)
On prend les mêmes et on recommence. Friday Night in San Francisco a été enregistré le 05 décembre 1980 en public (sauf le dernier morceau capté en studio), Saturday Night in San Francisco l’a été le 06 décembre de la même année, toujours en public. Récupéré dans la cave d’Al Di meola, l’enregistrement complète le précédent car les morceaux sont différents. L’on dénombre 3 solos et 5 trios quand dans le disque paru en 1982 il n’y avait qu’un trio et des duos. Le lien ci-dessous vous mènera vers une interview d’Al Di Meola qui vous donnera plus de détails. En bref, si vous aimez les guitaristes avec 30 doigts et les vitesses supersoniques, vous serez comblés. Et si vous aviez aimé leur chaud Vendredi soir chez Saint Francis, vous aimerez aussi leur Samedi soir caliente. C’est plutôt sympathique en fait de retrouver 40 ans après ce trio qui marqua son époque. Ceci dit, nous, nous allons piocher dans la discothèque un Cd de Paco à écouter tranquille.
https://www.jazzwax.com/2022/07/int…
WOLLESEN / FERM . Heart in hand
Stunt records
Kenny Wollesen : natterie, percussions, piano, vibraphone électrique
Ned Ferm : saxophone, clarinette, violon, percussions, piano électrique
Rune Kjeldsen : guitare
Anders Christensen : contrebasse
Deux multi-instrumentistes se rencontrent et décident de faire un disque ensemble. Aidés par un contrebassiste et un guitariste, ils mélangent le jazz et la musique folk. Jusque-là rien de neuf, nous direz-vous. Beaucoup d’autres ont déjà tenté l’expérience, ce qui a donné naissance à des enregistrements superbes ainsi qu’à des daubes de haut niveau. Chez Ned Ferm et Kenny Wollesen, c’est un peu moins simple. Pas de reprises iconiques, juste « un Sonny boy » et un « Oh what a wonderful morning » de Rogers et Hammerstein, mais des compositions personnelles qui empruntent des sentiers peu fréquentés. L’ensemble est franchement planant, voire psychédélique. Il s’étire en langueurs successives en incluant une foule de timbres et de sonorités se mariant avec élégance et développant des nappes propices à la réflexion passive, dénuée de but. Peut-être aussi, est-ce un peu cosmique, à deux pas d’une navigation légèrement interstellaire, et subitement plus terrestre grâce à des mélodies plus convenues. On entend alors des relents friselliens se glisser subrepticement dans le travail des deux compères. De manière incongrue, sur la fin du Cd, la musique s’emballe un peu (plage 12, le titre qui donne son nom à l’enregistrement) mais cela ne dure pas et tout s’achève dans une expiration musicale plus conforme à l’ambiance générale du disque. Apaisant et intrigant.
https://www.drummerworld.com/drumme…
https://nedferm.com/