Jazz In Lyon

La Revue De Disques – Juillet 2024

ALISON BURNS & MARTIN TAYLOR . Song for nature

P3 Music

Alison Burns : chant
Martin Taylor : guitare

Mi-écossaise, mi-canadienne, Alison Burns fait partie de ces chanteuses superbement ignorées dans nos contrées. Concernant le guitariste anglais Martin Taylor qui l’accompagne dans ce disque indispensable, même constat. Pat Metheny le décrit pourtant comme «  l’un de soliste les plus spectaculaire dans l’histoire de l’instrument », mais cela ne suffit apparemment pas aux programmateurs. Pour l’avoir vu en concert il y a longtemps, on peut vous dire que son jeu est effectivement époustouflant. D’une musicalité impressionnante, ses lignes sont des éléments d’orfèvrerie guitaristique qui génèrent dans un seul mouvement une force et une fragilité mélodique d’une profondeur et d’une humanité captivante. En duo avec Alison Burns, dont on pourrait dire les mérites de la même manière, l’entente est parfaite, quasi télépathique, et chaque titre interprété contient sa part de magie. Ajoutez à cela que le timbre voilé et les graves de la chanteuse nous ont fait croire un instant que Julie London était encore de ce monde et vous comprendrez notre plaisir (même le Moon River qui clôt l’album ferait pleurer Audrey Hepburn). Il devrait être celui de tous les amateurs de musique sans distinction de genre. On ose dire qu’en matière de duo chant/guitare on n’a rien écouté d’aussi beau depuis Joe Pass et Ella. Ceci dit, en France, on invite Régulièrement Stacey Kent et Diana Krall dans tous les festivals et on se demande encore pourquoi. On se dit même qu’il ferait mieux d’écouter Alison Burns et de la faire connaître au public hexagonal. Il pourrait même l’inviter en duo avec Martin Taylor. Ca aurait plus de caractères et ça nous changerait.

https://www.alisonburns.com/
https://martintaylor.com/


  NORMA WINSTONE KIT DOWNES . Outpost of Dreams

Ecm

Norma Winstone : chant
Kit Downes : piano

Des pièces originales apportées par Kit Downes, ainsi qu’un ensemble de compositions de Carla Bley, Ralph Towner, et John Taylor. Le programme est complété par deux airs traditionnels, « Black Is The Colour » et « Rowing Home », transfigurés par des arrangements atypiques. Ceci est un extrait du communiqué de presse. Une chose est certaine, pour leur premier disque en commun, Norma Winstone (1941) et Kit Downes (1986) ont réalisé un sans faute. La chanteuse d’East London, toujours aussi subtilement aventureuse, et le pianiste, lui aussi anglais, très à l’écoute et très libre, se complètent magnifiquement. Si c’est leur premier disque, sachez toutefois qu’ils jouent ensemble depuis près d’une décennie et cela explique l’évidente osmose qui apparaît entre eux sur tous les titres de cet album poétique en diable. L’âge ne semble avoir aucune prise sur la chanteuse et sa voix et sa musicalité sont toujours aussi convaincantes. Quant à Kit Downes, il est habité par la musique et ses phrases serpentines et épurées habillent avec grâce le chant de Norma Winstone. A l’écoute, c’est un régal et une bonne occasion de se laisser aller à la rêverie sans but et regarder le temps passer. Indispensable.

https://www.normawinstone.com/
https://www.kitdownesmusic.com/


ENSEMBLE VOLCANIC ASH – JANEL LEPPIN . To march is to love

Cuneiform Records

Larry Ferguson : batterie
Luke Stewart : basse
Anthony Pirog : guitare
Sarah Hughes : saxophone alto
Brian Settles : saxophone ténor
Janel Leppin : violoncello, piano

Enregistré en une journée en studio, le jazz chambriste de ce nouvel opus de Janel Leppin est une somme musicale incandescente où la composition et l’improvisation sont étroitement imbriquées. Au plan orchestral, chaque morceau possède ses propres nuances mais la couleur dominante est celle de la lave. Dans cet album, tout est affaire de densité. Mâtinée de rock, la musique opère dès la première écoute par son aspect mélodique couplé à des envolées plus aventureuses et éprises de liberté qui bousculent l’auditeur, mais uniquement pour le meilleur. Elle intrigue, elle heurte, elle séduit et jamais ne lasse tant la variété des angles d’approche est foisonnante. Les musiciens qui l’accompagnent baignent tous dans l’avant-garde et leur complémentarité est en soi une des armes de cet enregistrement particulièrement expressif où chacun tient sa part de vérité au service d’un collectif musical réellement intense. Le groupe Volcanic Ash est une machine bien huilée qui s’intéresse plus à l’interaction qu’à la virtuosité. Ses grilles sont inspirées et les soli tous nécessaires et emprunts d’une beauté souvent sidérante parcourant l’entièreté d’un album qui se démarque aisément par son originalité.

https://janelleppin.com/


  LOUIS HAYES . Artform revisited

Savant Records

Louis Hayes : batterie
Abraham Burton : saxophone tenor (sauf 8)
Steve Nelson : vibraphone (sauf 4)
David Hazeltine : piano
Dezron Douglas : contrebasse

Ah vous voulez du jazz ?! L’inusable batteur originaire de Detroit Louis Hayes (1937) est là pour vous. Entouré de jeunes et de moins jeunes (le toujours impeccable Steve Nelson au vibraphone) il offre à vos oreilles ce qu’il sait le mieux faire : du Hard Bop. Sur cet enregistrement, il signe deux compositions et reprend Charlie Parker, John Lewis ou encore Bobby Troup. Malgré l’âge, son poignet n’a rien perdu de son élasticité, ni de sa légèreté. Il drive sa troupe d’une main de maître sans en faire trop. Si solo il y a, ce n’est jamais tonitruant, ce qui nous va bien. Ses collègues sont au diapason et chaque morceau permet aux solistes d’exprimer leurs personnalités. C’est du jazz qui swingue, quoi. Mais du bon. N’oublions tout de même pas que le gars a joué avec Horace Silver, Cannonball Adderley, Oscar Peterson, Dexter Gordon, Grant Green, Kenny Burrell, Cedar Walton, Sonny Rollins, Woody Shaw et on en passe un paquet d’autres. C’est une légende (NEA Jazzmasters 2023), un survivant d’une époque qui révolutionna un tant soit peu les codes musicaux du jazz en l’emmenant vers plus de modernité. Qui plus est, il est modeste et très sympathique. Pourquoi se priver ?

http://www.louishayes.net/


  TOBIAS HOFFMANN JAZZ ORCHESTRA . Innuendo

Mons Records

Tobias Hoffmann : direction
Florian Trübsbach : saxophones alto et soprano, flûte et Clarinette
Patrick Dunst : saxophones alto et soprano, flûte et Clarinette
Robert Unterköfler : saxophones ténor et soprano Saxophone, flûte et Clarinette
Martin Harms : saxophone ténor, clarinette basse, flûte et Clarinette
Jonas Brinckmann : saxophone baryton et clarinette basse
Maximilian Seibert, Sebastian Burneci, Florian Menzel, Gerhard Ornig, Jakob Helling : trompettes et bugles
Simon Harrer, Daniel Holzleitner : trombone
Robert Bachner : trombone & valve trombone
Johannes Oppel : trombone basse & tuba
Vilkka Wahl : Guitare, alto, Hammer piano & synthés
Ivar Roban Krizic : contrebasse
Reinhold Schmölzer : batterie & électronique

Les big bands de jazz européens ne sont pas si nombreux, une raison suffisante pour se pencher sur celui-ci qui est porté par le saxophoniste et compositeur allemand Tobias Hoffmann. Si l’on excepte celui de Kathrine Windfeld au nord (époustouflant), c’est surtout en Allemagne qu’on en trouve, notamment grâce aux radios. Quelques exemples existent en France mais cela reste moins important que chez nos voisins allemands. Quoi qu’il en soit, la machine musicale de Tobias Hoffmann ne manque pas d’intérêt. Nourrie d’influences diverses et variées, la musique jouée dans cet album demeure cependant une somme (somme toute) originale qui évolue dans une esthétique sans aucune lourdeur et dans une forme de classicisme actuel. C’est même plutôt aérien, pour tout dire, et l’on ne s’ennuie jamais. Si le morceau titre est un hommage assez classique au groupe Queen, d’autres compositions sont plus audacieuses, notamment dans la métrique. Les soli sont inspirés et l’ensemble, aussi éclectique soit-il, n’en est pas moins homogène. A découvrir.

https://tobiashoffmannmusic.com/


PAT METHENY . MoonDial

BMG

Pat Metheny : guitare baryton

Sortie le 26 juillet

Pat Metheny sera septuagénaire le 12 août et il sort un nouveau disque en solitaire dont on est obligé de parler. C’est un peu irritant quelquefois mais l’on est contraint d’avouer que les fautes de goût sont étrangères à ce musicien en perpétuelle recherche. Avec une guitare baryton et des cordes spéciales fabriquées en argentine qui lui permettent un autre système d’accordage, le guitariste livre un disque solo sans bidouillage aucun. Le son est aussi redoutable que les compositions personnelles et les standards qui composent la playlist de l’album. Mine de rien, l’homme du Missouri sait toucher l’auditeur là où ça fait du bien, à la recherche d’un graal musical qu’il frôle plus souvent qu’à son tour. D’ailleurs, s’il le touchait enfin, à pleines mains, il n’aurait plus rien à nous raconter. Ce disque possède tous les attributs d’un grand parfum humé non loin d’une oreille, il vous renverse insidieusement et, chaque que vous le croisez dans une rue, il vous séduit encore, sans jamais vous lasser. C’est un alliage subtil d’harmonies toutes essentielles qui composent un bouquet à la rondeur chaleureuse dont les notes mêlées se distinguent les unes des autres par un je ne sais quoi qui vous assujettit malgré vous. Écoutez-le, vous le valez bien…

https://www.patmetheny.com/

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