JAMES MOODY . 80 years young : Live at the Blue Note, NYC, March 26, 2005
Origin Records
James Moody : saxophone ténor & Flûte David Hazeltine : piano Todd Coolman : contrebasse Adam Nussbaum : batterie Jon Faddis : trompette (6-9) Paquito D’Rivera : clarinette, Saxophone alto (6-9) Slide Hampton : trombone (6-9) Randy Brecker : bugle (7-9) Cedar Walton : piano (9) Roberta Gambarini : chant (10.12) Satoshi Inoue : guitare (13)
En 2005, pour fêter ses 80 ans, James Moody (1925-2010) avait passé la semaine au Blue Note (New York) et avait invité le dernier soir quelques bons amis, tous des pointures de l’histoire du jazz (voir le line-up ci-dessus). De quoi swinguer à la cool pour le plaisir d’un public logiquement très réceptif. Toujours facétieux au chant et balèze à la flûte comme au saxophone (malgré ses huit décennies d’existence), il s’est payé une joyeuse tranche de jazz. Avec Gillespie et quelques autres à l’origine du Be-bop, et tout au long de sa carrière un leader réputé et un accompagnateur hors pair, il a parcouru le globe avec une bonhommie décontractée égale à ses qualités musicales. De l’énergie et de la finesse sur une rythmique en béton, des interventions improvisées aux petits oignons, bref tout ce qu’il faut pour passer une soirée guillerette, voire euphorique, au club à boire des coups avec les ami(e)s. Les adeptes de musique sérielle (voire carrément chiantes) vont détester ce disque. C’est con d’ailleurs, parce que ça joue sérieux sans jamais se prendre au sérieux. Et ça, c’est une philosophie de vie, quasiment un concept. Et puis la bonne humeur est un médicament efficace, gratuit donc équitable, qui n’a jamais tué personne. On aurait bien aimé être au Blue Note le 26 mars 2005, tiens.
Daniel Casares : composition, production, guitare, synthétiseur, saxophone alto, piano électrique, basse, batterie, percussion, mix, mastering
Il est dit dans les notes d’intention que « 1971 vise à offrir un album de jazz fusion psychédélique d’avant-garde qui contient l’esprit du jazz de cette année-là, lorsque la fusion était brute et expérimentale. » C’est tout à fait le cas et ce guitariste espagnol, pour y parvenir, à tout fait par lui-même, jouant de tous les instruments et s’occupant du mix et du mastering : après tout, on n’est jamais si bien servi que par soi-même. Ce qui est évident, c’est qu’il n’avance pas en terrain inconnu. Sa maîtrise de l’idiome est claire, sa façon de le transcrire porte sa marque personnelle et, bien que cela nous rappelle nombre de grands anciens de cette époque fulminante et créative, il arrive à nous surprendre. Cela ne manque jamais de puissance, de liberté et de rythme, et les soli sont suffisamment précis et inventifs pour que l’on croie avoir affaire à un vrai groupe. Le défendre sur scène sera plus compliqué… Une curiosité à découvrir.
Mathis Picard : piano Tamir Schmerling : basse Pedro Segundo : batterie & percussion Michael Valeanu : guitare Wayne Tucker : trompette Julian Lee : saxophone
On commence à bien connaître Cyrille Aimée. Ce disque enregistré live au Birdland, à New York, démontre s’il le fallait encore l’étendue de son talent. Précise et nuancée dans les morceaux les plus lents, redoutablement efficace dans les titres les plus agités, elle possède, pour faire bonne mesure, un art du scat consommé. Évoluant dans un jazz actuel qui ne renie pas ses origines, elle délivre une prestation extrêmement convaincante, notamment grâce à des accompagnateurs avec lesquels elle s’entend à merveille. L’énergie brute du concert est au rendez-vous, la liberté d’improvisation et la prise de risque aussi. Les arrangements étant inspirés, cela ne gâche rien. Que vouloir de plus, nous demanderez-vous ? Rien. Il s’agit juste de profiter avec cet album bien enregistré du talent de l’artiste, de sa voix bien timbrée, de sa diction parfaite, et des ses condisciples. Un bon moment de musique à partager avec les amis sans se poser de question. Comme le chantait June Christy ou Ella en leur temps, Give me the simple life !
Anaïs Reno : chant Peter Bernstein : guitare David Wong : contrebasse Joe Farnsworth : batterie Julie Kurtzman : violon (6)
Anaïs Reno est née en 2003 et nous avons souvenir d’avoir chroniqué son premier disque en 2021. La revoici accompagnée par une équipe de choc, Peter Bernstein en tête. Nous avions noté sa maturité vocale précoce et l’on doit avouer qu’elle n’a fait que s’approfondir. Malgré sa jeunesse, elle évolue dans un jazz classique qui met en avant le Great American Songbook. Ses qualités vocales lui permettent de moduler, de nuancer à l’envi. Elle habite chaque titre avec justesse. Sa diction est remarquable et l’on ne sait quoi dire de plus tant son niveau est élevé. C’est presque trop parfait. Elle sait s’appuyer avec un goût sûr sur le groove de ses accompagnateurs pour faire monter la pression, si nécessaire. Petit bémol, il ne lui manque (pour l’instant) que le scat. C’est donc un disque de jazz un peu d’hier, swinguant à souhait avec des quatre quatre et tout et tout, fait aujourd’hui par une jeune chanteuse à l’indéniable talent. Et là où il y a du talent, on ne doit pas se priver de l’écouter. Cela n’empêche pas d’apprécier le free jazz et l’avant-garde. Ne boudez pas votre plaisir.
Pour fêter ses quarante années de présence en France, Ramon Lopez vient de sortir ce disque en solo, un exercice qu’il a déjà commis par le passé, et l’on y retrouve ce qui lui a permis de trouver sa voix et d’être remarqué et adoubé pour nombre de grands musiciens. De la finesse, une constante inventivité et une façon très personnelle de faire chanter les fûts et les cymbales, un art du rythme où la précision côtoie le miroitement fluctuant, voilà ce qui en quelques mots caractérise son jeu. Nous pourrions gloser longuement et aligner les adjectifs pour dire à quel point le natif d’Alicante donne du bonheur à nos oreilles, mais est-ce bien utile d’écrire encore ce que l’on sait déjà depuis belle lurette ? Une chose demeure de toute évidence (qu’il n’abandonnera jamais puisqu’elle est inscrite en lui), sa batterie est charnelle. Elle respire. Elle est expressionniste sans jamais nous casser les oreilles (il y a beaucoup de batteurs dont j’aimerais attacher pieds et mains au début du concert…) car elle raconte des histoires. Et la musique n’est faite que d’histoires ; quand elle se la joue technique, l’émotion disparaît. Nous pensons que Ramon Lopez est un grand moissonneur d’émotions, qu’il aime la vie et que cette capacité enfantine d’émerveillement qu’il alimente en lui fait son jeu, celui-là même qui nous mène à la baguette dans les méandres de son imaginaire.
Rez Abbasi : guitare Bill Ware : vibraphone Stephan Crump : contrebasse Eric McPherson : batterie Hasan Bakr : percussions
Nous avons faille passer à côté de ce disque sorti le 31 mai dernier et cela eut été dommage. Même si on ne présente plus Rez Abbasi, il est bon de rappeler que c’est un guitariste résolument original qui sait s’entourer des meilleurs pour livrer une musique personnelle toujours empreinte d’une profonde beauté. Dans ce troisième album de son quartet de luxe auquel s’ajoute le percussionniste Hasan Bakr, l’équilibre et la fluidité sont les vertus cardinales d’une musique intime qui s’affirme dans la suggestion plus que dans la démonstration. Chaque musicien tient son rang et l’inventivité qu’ils génèrent ensemble est le fruit d’une écoute active et d’une compréhension quasi alchimique. L’apport percussif d’Hasan Bakr est en tout point époustouflant et se fond naturellement dans l’ensemble. Et si la musique de Rez Abbasi peut paraître à certains cérébrale, elle n’en n’est pas moins mélodiquement accessible. Laissons au guitariste le dernier mot : « La méditation m’aide à m’aligner sur la paix qui découle de l’abandon des désirs perpétuels et des conditionnements personnels. Lorsque j’atteins cet espace, la seule chose qui reste est souvent le son. »
Angelica Sanchez : piano Barry guy : contrebasse Ramon Lopez : batterie, percussions
Angelica Sanchez joue avec les cadors d’un jazz souvent porté sur l’avant-garde (Tony Malaby, Drew Gress, Tom Rainey, Rob Mazurek, Chad Taylor, etc) et ce depuis un bon bout de temps. On la retrouve ici en 2023 (disque sorti en 2024) pour une première rencontre avec un contrebassiste, Barry Guy, et un batteur, Ramon Lopez, qui, eux, se connaissent depuis longtemps. La greffe entre l’américaine, l’anglais et l’espagnol allait-elle prendre ? À l’écoute, la réponse est oui et l’on pourrait même penser qu’ils se connaissent depuis toujours tant la musicalité commune qui les anime est évidente. Les improvisations qui résultent de leur écoute active sont empreintes des contrastes que provoquent les flots : on sait que la vague arrive ans savoir comment elle aborde le rivage, qu’elle soit douce ou marqué par les heurts d’un fonds rugueux. Qui est le plus surpris, le musicien ou l’auditeur ? Quand l’orage sonore s’apaise et que l’intime émerge, c’est la douceur sensible qui accapare l’espace entre les résonances du silence. Entre force vive et relâchement, d’un bout à l’autre de l’enregistrement, les trois musiciens créent un monde chatoyant, puissant, que la nuance et l’émotion n’ignorent jamais. Ces trois-là devraient se rencontrer plus souvent !
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