Cyrus Chestnut fait de partie de ces pianistes estimés de tous qui, au moins chez nous, ne prennent que peu la lumière bien qu’ils aient joué avec la crème de la crème du gratin. La liste est trop longue mais elle est explicite. Connu pour sa précision et son sens de l’espace, il démontre une fois de plus avec ce disque en quartet dans lequel on écoute des musiciens aussi fins que lui qu’il est, dans son genre, une référence. On ne se pose aucune question à l’écoute car tout coule de source avec une aisance déconcertante. C’est du jazz classique d’aujourd’hui et c’est peut- être une des raisons qui cantonne ce magnifique artiste dans une demi ombre médiatique ; pas assez conceptuel, pas assez intello, pas assez crossover (bidouille de la pop Cyrus !), être jazz ne suffit plus. Il n’en demeure pas moins que ce disque est d’une superbe élégance et d’une intelligence musicale patente (d’ailleurs tout est dit dans le titre : Rhythm, Melody and Harmony), avec des chatoiements colorés jamais outranciers, une approche ciselée qui en font un magnifique disque de jazz. Recommandé.
Yves Brouqui : guitare Spike Wilner : piano Paul Gill : contrebasse Anthony Pinciotti : batterie
Encore du jazz ! Pire encore, il est publié chez Steeplechase, des amateurs éclairés de jazz… Comme l’écrit Francis Capeau : On retrouve ici tout ce qui fait la quintessence du jeu d’Yves Brouqui : l’absence de bavardage stérile, de pesanteur, la douceur privilégiée à la vélocité, allant constamment à l’essentiel, celui de la note juste, de la note pure, jamais celle de trop, avec un son bien identifié de quartet « piano-guitare » des années 60, dans une esthétique évocatrice de celle des Blue Note de l’époque. Il y a même un solo de contrebasse à l’archet qui pourrait être chanté à la Slam Stewart (1914-1987). Pire que pire, il y a des quatre quatre et tout ce qui fait un jazz classique de chez classique. Alors quoi ? Seuls les abrutis fuiront ce disque franchement agréable à écouter pour ce qu’il a d’intemporel et de swinguant, et la qualité des membres du quartet n’y est pas pour rien. Il ne vous reste que deux solutions : pleurer l’avant-garde qui n’est plus ce qu’elle était ou vous laisser aller à un moment jouissif de plaisir auditif, sans vous prendre la tête, grâce à d’excellents jazzmen perpétuant une tradition faite de finesse et de joie de vivre.
Yaron Herman : piano Maria Grand : saxophone ténor (1,2,3,6,7,8,9) Alexandra Grimal : saxophone ténor (3,4,5,8) Haggai Cohen Milo : contrebasse Ziv Ravitz : batterie
Yaron Herman dit de son nouveau disque : J’ai imaginé chaque composition comme un scénario différent, un paysage offrant un terrain fertile à partir duquel l’improvisation pouvait se développer. […] Trouver l’espace où la musique coule sans effort et vient du cœur. Dans son quintet, on note la présence de deux jeunes saxophonistes remarquables, Maria Grand et Alexandra Grimal, et de Ziv Ravitz, toujours aussi brillant derrière ses fûts. On y découvre aussi un contrebassiste à la sonorité chaleureuse, Haggai Cohen Milo : de quoi mettre à l’aise le pianiste et leader dans sa quête musicale faite d’un lyrisme assumé qui cherche à tutoyer des hauteurs paysagères assez originales dans l’espace d’un jazz contemporain précédemment élaboré par des personnalités marquantes comme Keith Jarrett ou encore Brad Mehldau. Avec beaucoup de place laissée à l’improvisation (il a dit en 2017 : Je suis un improvisateur à la base, c’est le fondement de mon être. Si tu sais ce qui va arriver, ce n’est plus du jazz) son quintet propose une musique d’une belle densité. Recommandé.
Cette chronique est brève car Ce disque est un EP. Il est donc court. Comme son titre l’indique, il a été enregistré sur un piano droit. Il possède donc un son particulier. Johanna Summer interprète deux standards du jazz, Giant Steps, I Remember You et Stella by starlight complétés par ses propres improvisations, une reprise de Teardrop de Massive Attack et l’Elégie en la bémol majeur de Richard Wagner, assez rarement jouée d’ailleurs ; un programme varié, plus varié quand ces précédents disques consacrés à des compositeurs classiques. On en conclut qu’elle a l’esprit grand ouvert et c’est une bonne nouvelle. Totalement intimiste, ce bref album offre un regard sur un moment de musique particulier, une sorte d’intermède lors de l’enregistrement d’un disque de Malakoff Kowalski. On regrette qu’il soit aussi accourci car la pianiste allemande possède un univers personnel plus qu’intéressant.
Julien Ndiaye : saxophone ténor Frédéric D’Oelsnitz : piano Gabriel Pierre : contrebasse Laurent Sarrien : batterie
Tout est dans le titre ! Julien Ndiaye ne s’en cache pas, son maître spirituel n’est autre que Coltrane, le gars que tous les saxophonistes ténor essayent d’égaler depuis 1967. Il y en a même qui rêvent de le dépasser, on les appelle les incorrigibles optimistes. Ce qui est bien avec Jultrane, c’est qu’il donne l’impression de jouer les compositions du maître comme il l’aime, passionnément. Le quartet ne manque donc jamais d’intensité et donne à ouïr ce jazz des hautes sphères marqué d’intemporalité qui propulsa le ténor de Detroit là où il vit depuis, dans un espace interdit au commun des mortels. On se laisse donc prendre sans effort et avec contentement par la musique initiée par le quartet ; les plus aventureux (à l’aune du rêve) pourront même oublier ou presque l’incontournable ancêtre et maître des cieux musicaux à l’origine du projet. C’est un disque empreint d’une admiration sincère qui ne tombe pas dans le bigotisme niais. A écouter.
Yonglee : piano, claviers, compositions Youngwoo Lee : synthétiseur, électronique Yechan Jo : guitares Hwansu Kang : basse Dayeon Seck : batterie
Oops ! Une faille temporelle nous a ramenés dans un passé jazz rock progressif. On a croisé Al Di Meola en elegant gypsy, Larry Coryell et bien d’autres : un retour à l’éternité lors d’un bulletin météo ou presque. Et si l’on convient volontiers que ce quintet coréen ne manque pas d’idées et qu’il les exprime musicalement avec un bel aplomb, on ne peut s’empêcher d’entendre de grands anciens dont la présence en filigrane est un peu trop prégnante à notre goût, ce qui n’ôte rien aux qualités intrinsèques de l’album mais l’inscrit dans un espace stylistique quelque peu passée de mode aujourd’hui. Ceci dit, les musiciens œuvrant sur cet enregistrement vont au turbin avec audace et crânerie et prennent à l’évidence grand plaisir à explorer hardiment les bordures entre deux lignes mélodiques imparables et une rythmique fine mais très présente. Avec quatre décennies de moins et une méconnaissance complète du jazz rock, nous aurions été étonnés. Pour le coup, nous avons sans honte vécu un bon moment de nostalgie, celui d’une époque où les lendemains avaient encore un peu d’avenir. Peace and love.
Gregory Privat : piano Jacques Schwarz-bart : saxophone ténor
Tous deux natifs des Antilles, tous deux nés un 22 décembre à 22 ans d’écart, ils ont naturellement intitulé leur album en duo 22. Passés ces détails anecdotiques et amusants, l’essentiel de ce disque est dans sa musique. On peut écouter là deux artistes dialoguant en symbiose autour de thèmes originaux qu’ils sont à même de magnifier par la justesse de leur jeu et l’inspiration qui les porte. Tous deux en accord sur les lignes aiment à enrichir leur propos de digressions on ne peut plus jazz alors que leur musique est riche d’influences, notamment celles de leurs terres originelles. Cela offre à l’auditeur une sorte de panorama musical à la vastitude et à la richesse non feintes au sein desquelles s’exprime avec ardeur et chaleur une passion commune (vous devinez laquelle). Le métissage possède en propre une vertu cardinale, c’est la tolérance. Quand elle est musicalement sublimer par des artistes de haut niveau, cela donne un duo comme celui-ci. Évitez de passer à côté.
Pour offrir les meilleures expériences, nous utilisons des technologies telles que les cookies pour stocker et/ou accéder aux informations des appareils. Le fait de consentir à ces technologies nous permettra de traiter des données telles que le comportement de navigation ou les ID uniques sur ce site. Le fait de ne pas consentir ou de retirer son consentement peut avoir un effet négatif sur certaines caractéristiques et fonctions.