SELMA SAVOLAINEN . Horror Vacui
Whirlwind Recordings
Selma Savolainen : voix
Tomi Nikki : trompette, bugle
Maz Zenger : vents
Toomas Keski : Säntti, piano
Eero Tikkanen ; contrebasse
Okko Saastamoinen : batterie
La jeune génération du jazz (au sens large) a bien des atouts à faire valoir. Parmi elle, la chanteuse Selma Savolainen (1993) en est un bel exemple qui devrait intéresser les auditeurs curieux toujours à l’affût d’une pépite musicale. Horror Vacui, terreur du vide au sens littéral, agoraphobie en psychologie, annonce la couleur et fait partie de ces disques que l’on hésite à classer dans une case (et c’est le plus souvent bon signe). Capable de grands écarts, la voix de la chanteuse survole l’instrumentation sans se perdre. Dans des ambiances contrastées (souvent au sein d’un même morceau) se développe un univers septentrional dans lequel des éclats de froideur fondent au contact d’envolées lyrico-furieuses subites qui bousculent le cadre. La thématique globale du disque ne prête pas à sourire : So loud, Haunted, Days of suffering, fear of the empty sont quelques uns des titres qui parlent d’eux-mêmes. Au milieu de ces pièces tourmentées, surgit une version bastringue de Speak low absolument magnifique. D’un bout à l’autre de cet album aux fêlures musicales explicites, Selma Savolainen et ses musiciens font montre d’une homogénéité et d’une musicalité remarquables. Une belle découverte.
https://www.selmasavolainen.com/
JAKOB MANZ . Groove connection
Act Music
Jakob Manz : saxophone, flûte
Roberto Di Gioia : claviers
Karin Hammar : trombone
Bruno Müller : guitare
Tim Lefebvre : basse
Per lindwall : batterie
Invités : Nguyen Lê, Paolo Fresu, Mark Harrington
Casting luxueux pour ce disque du jeune Jakob Manz (21 ans), voyez ci-dessus. La couleur est annoncée dans le titre. Groove connection. Le groove prime sur tout dans cette musique qui nous rappelle bien des souvenirs (de jeunesse, n’est-ce pas…). Et que dire ? C’est vachement bien foutu et, ma foi, ça passe comme une lettre à la poste. Les soli des uns et des autres sont très bons (au passage je cite le trombone de Karin Hammar) et tout est parfaitement huilé. Il est amusant de noter qu’un gamin du vingt et unième siècle se penche de la sorte sur une musique qu’auraient pu écouter ses grands parents. Extrêmement mélodique, bien évidemment, ( sur un morceau, on frôle le sirupeux), il y a là de quoi faire une bande originale de comédie romantique américaine, au soleil de la côte ouest mater les belles plantes et les surfers sur les vagues du pacifique. Le David Sanborn de la fin des années soixante dix n’est pas loin. Cela ne révolutionne absolument rien mais, répétons-le, mais c’est très musical et parfaitement interprété, à coup sûr dans la joie et la bonne humeur.
JAKOB BAENSCH . Opening
Jazzline
Jakob Bänsch : trompette, bugle
Niklas Roever : piano
Jakob Obleser : contrebasse
Leo Asal : batterie
Simon Bräumer : percussion (1,2,9)
Pauline Buss : alto (3,6)
Sofia Martin Rodriguez : violoncello (3,6)
Alma Naidu : chant (5)
Pour son premier album Jakob Bänsch, jeune pousse allemande de 19 ans, enfile les gants d’un jazzman qui n’ignore rien de son ainé Wynton Marsalis. Il ne s’en cache pas d’ailleurs. Conçu comme une suite, ce disque s’écoute avec grand plaisir. Formé au classique, le trompettiste dispose d’une technique irréprochable qu’il utilise en toute circonstance à bon escient. L’attaque peut être tranchante quand il le faut et son phrasé n’a rien à envier à nombre de ses grands prédécesseurs. Au bugle ou à la trompette, le son de son instrument est d’une belle rondeur et toujours redoutablement inspiré. Proche d’un lyrisme à la Clifford Brown, il développe remarquablement ses soli. Soutenu de bout en bout par un trio extrêmement affûté, il offre à l’auditeur une musique riche et bien tournée qui évite le piège de la virtuosité gratuite. Et comme disait l’autre, l’excellence n’attend pas le nombre des années. Du jazz donc, de belle facture, et on attend la suite.
ALAIN JEAN-MARIE . Créole promenade
Paradis improvisé
Alain Jean-Marie : piano
Un nouvel opus dans la série des disques enregistrés chez Hélène Dumez à Marseille et joliment intitulé Paradis Improvisé. Rien moins qu’Alain Jean-Marie. Sa carrière au long cours a fait de lui un monument du jazz hexagonal, non sans raison. Son phrasé bien particulier, la souplesse de son toucher, son art du non-dit qui masque une réelle pudeur et les douces émotions qui s’en dégagent malgré tout l’ont amené, année après année, sur des sommets largement mérités. Dans cet album dont le titre définit clairement la musique, on le retrouve fidèle à lui-même, avec ce mélange entre biguine et jazz qu’il a révélé. Et comme il est un conteur d’histoires hors pair, il nous embarque avec lui, l’air de rien, dans ses déambulations hautement musicales. L’art de la nuance n’est pas donné à tout le monde. Alain Jean-Marie a dû le recevoir en don à la naissance tant tout dans son jeu paraît aussi fluide qu’évident. Beauté simple ou simple beauté, nous vous laissons choisir.
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FRANCESCO BEARZATTI . Post Atomic ZEP
doKumenta Music
Francesco Bearzatti : saxophone, clarinette, Xaphone, claviers
Danilo Gallo : basse, basse ural 2 cordes, guitares acoustique et baryton
Stefano Tamborrino : batterie, glockenspiel, guitare
Tout grand jazzman qu’il soit, Francesco Bearzatti ne se cache pas, en trublion iconoclaste invétéré, d’aimer la fréquentation des bordures et les sorties de cadre. Il nous avait fait le coup avec « Sax Pistols » en 2006, avec « Monk n’ roll » en 2013, et il revient cette fois-ci rendre hommage à la musique de Led Zeppelin. Le moins que l’on puisse dire, c’est que lui et ses acolytes l’abordent frontalement. L’énergie est au rendez-vous, ce n’est rien de le dire. Le saxophone le plus souvent branché sur les effets, Francesco Bearzatti part à l’aventure (ce qui l’aime le plus), avec toute sa science en bandoulière, et parcourt à sa façon les illustres thèmes sans se priver d’être free et donc lui-même. Accompagné par des furieux qui lui ressemblent et qui possèdent, comme lui, un vocabulaire musical élargi, il fait feu de tout bois et propose une vision aussi fidèle que novatrice de cette musique emblématique d’une époque (que nous avons connue…) qui ne lasse jamais. C’est diablement inspiré et juste assez foutraque pour séduire les plus récalcitrants. Francesco Bearzatti est toujours là où on l’attend, c’est-à-dire là où on ne l’attend pas forcément…
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TAJ MAHAL . Savoy
Stony plain
Taj Mahal : chant, harmonica
Danny Caron : guitare
Ruth Davies : basse
John Simon : piano
Leon Joyce jr : batterie
Carla Holbrook, Leesa Humphrey, Charlotte McKinnon, Sandy Cressman, Sandy Griffith, Leah Tysse : choeurs
une section de cuivres indéterminée
Vous voulez du blues ? Et bien vous en aurez un peu avec ce nouveau disque de Taj Mahal. 80 balais au compteur et bon pied bon œil comme on dit. La voix contient les stigmates du temps passé sur terre et ce n’est pas désagréable, même si quelquefois, c’est un peu court en souffle. Mais bon, on ne va pas mégoter. Tout est tiré au cordeau et de très belle facture. Enregistré en mode coolissime (sont pas là pour casser les murs, n’est-ce pas ?), cela nous a fait penser aux aventures jazzy du prix Nobel 2016, ce qui signifie que Henry Saint Clair Fredericks, de son nom de naissance, n’a plus rien à prouver à personne et qu’il fait ce qu’il veut quand il veut. Et il ne le fait pas mal du tout (il va même jusqu’à scatter avec entrain). Revisitant ces standards intemporels du temps du Savoy que l’on catalogue jazz et qui ne manquent pas de blues, il s’offre une récréation de haut niveau et devrait par conséquent séduire bien des auditeurs.
RUDY ROYSTON FLATBED BUGGY . Day
Greenleaf Music
Rudy Royston : batterie
John Ellis : clarinette basse
Hank Roberts : violoncelle
Gary Versace : accordéon
Joe martin : contrebasse
C’est le deuxième album de Flatbed buggy, la formation de Rudy Royston, reconduite ici à l’identique. Le premier album avait été encensé par la critique et il y a fort à parier qu’il en sera de même avec celui-ci. L’univers du batteur se situe entre jazz et americana, sans qu’il soit possible de trancher véritablement. C’est depuis longtemps un collaborateur régulier de Bill Frisell et dire que leurs musiques se rejoignent par l’esprit est une évidence. La force première de ce quintet, hormis l’excellence des musiciens convoqués, c’est l’alliage des sonorités qui est d’une rare richesse. Vents et cordes s’appuient les unes sur les autres tout autant qu’elles se fondent de façon aventureuse et chatoyante au service de la composition. Rudy Royston n’a plus qu’à mener la danse avec la légèreté et la précision qu’on lui connaît. Plus swinguant que le premier enregistrement du groupe, ce disque à l’unité parfaite pourrait être comparé à un ouvrage de marqueterie. Chaque détail compte et l’ensemble est d’une stupéfiante beauté, intemporel.
SAMUEL BLASER . Routes
Enja / Yellowbird
Sortie le 12 mai 2023
Samuel Blaser : trombone
Alex Wilson : piano, orgue, mélodica
Alan Weekes : guitare
Ira Coleman : contrebasse, babt bass
Dion Parson : batterie
Soweto Kinch : saxophone alto, voix
Michael Blake : saxophone ténor
Edwin Sanz : percussions
Invités :
Carroll Thompson : chant (2.6)
Lee Scratch Perry : voix, dub (8.9)
Jennifer Wharton : trombone basse (4)
Steve Turre : coquillage, trombone (4)
John Fedchock, Johan Escalante & Glen Ferris : trombone (4)
On connait bien l’hyperactif tromboniste Suisse, et ce depuis longtemps. Toujours prêt à emprunter les chemins de traverse, à mêler musique savante et musique improvisée, à aller faire un tour du côté d’un DJ, à se laisser aller au solo, à faire des rencontres et, à chaque fois, avec exigence, c’est son truc. C’est pour cela qu’il est reconnu, cette addiction à la musique et à ses possibles et, bien évidemment à ses talents hors norme de tromboniste inventif à la musicalité remarquable. Et comme il n’est jamais là où on l’attend, voilà qu’il plonge dans la Jamaïque en rendant hommage au « skatalite » Don Drummond (1932-1969) et à sa musique en particulier. A son habitude, Samuel Blaser s’entoure des meilleurs, quel que soit l’horizon d’où ils viennent, et arrive à faire un groupe terriblement homogène à haute teneur musicale, aux sonorités rondes et sensuelles, chaleureuses en diable. L’aventure ska aux relents de jazz trempé dans le Dub du natif de La Chaux de Fonds fait mouche de façon imparable. A croire que ce type (qui dédie ce disque à ses enfants) est un peu alchimiste sur les bords. On ne s’en plaindra pas. Et vous non plus, croyez-nous.