Pour la cinquième année, ce festival concocté et animé par Bruno Tocanne, revient avec son lot d’affiches rares et donc recherchées : de François Corneloup à l’Imperial Quartet, de Daniel Erdmann à Laurent Dehors et Céline Bonacina sans oublier Robin Fincker et Vincent Courtois
L’heure est à l’évasion. Et si ce n’est pas le cas, elle le devrait. Surtout en musique, où il suffit de peu pour qu’une source se tarisse, que l’on passe sans le penser ou le réaliser vraiment de la création à la répétition, de l’appel du large à la répétition et de l’improvisation à la redistribution. Peut-on parler de menace, présente ou à venir ? Ou plutôt de souci constant que l’exigence demeure bien le nerf de cette guerre pacifique qu’est la création musicale. En effet, allez comprendre pourquoi et comment des évènements prennent ou perdent de l’ampleur, insensiblement, sans qu’on s’en rende compte, sauf lorsqu’il est trop tard. En jazz comme dans des tas d’autres domaines. Et pourquoi et comment d’autres évènements se révèlent tout à coup comme uniques, précieux et touchant au but.
Une musique qui se joue des modes, des courants ou des « valeurs confirmées »
Dans ce domaine, ils ne sont pas forcément nombreux, ces rendez-vous qui sortent des sentiers battus, où l’on est à peu près sûr de ne pas retrouver les six ou huit affiches qui ont dominé les scènes de l’été. Parmi eux, pour la cinquième année consécutive, le festival Jazz (s) à Trois-Palis, qui, malgré la distance (c’est près d’Angoulême) nous est familier. Pour plusieurs raisons : Bruno Tocanne, l’initiateur du réseau IMuzzic, qui anima longtemps une certaine scène jazz lyonnaise, est le directeur artistique de cet évènement dense, qui a démarré hier vendredi et qui dure jusqu’à dimanche. Une garantie, d’une certaine façon, que la musique qui s’échappera de ces concerts n’aura rien de banal ou de déjà entendue. Une musique qui se joue des modes, des courants ou des valeurs « confirmées » pour s’en aller, au contraire, dénicher des formations et des artistes bien vivants mais trop souvent laissés de côté.
Depuis hier et jusqu’à dimanche, le programme de cette cinquième édition laisse précisément entrevoir ce qui se passera à Trois-Palis : il y a quelques instants, c’est donc l’Imperial quartet qui s’est chargé d’ouvrir le festival avec son « All Indians ». Côte à côte Joachim Florent, Gérald Chevillon et Damien Sabatier aux saxs et Antonin Leymarie aux drums. Est-il besoin d’insister sur ce que sait créer sur scène cette formation ? Un bouillonnement qui emporte toute limite, qui se joue de toute frontière, aimant taquiner l’au-delà jusqu’à la dernière note, jusqu’au dernier coup de cymbale.
C’est aussi, samedi matin, tout l’intérêt du petit rendez-vous (11h) que donne Joachim Florent, seul avec sa contrebasse en acoustique, bien aidé ici par le décor qui l’abritera : l’église de cette petite commune de Charente qui se transforme en havre musical le temps de ce festival.
Deux duos de renom pour marquer cette cinquième édition
Peu après, samedi (12h15) ce sera au tour de Morgane Carnet, saxophoniste, qui s’est notamment illustrée avec l’ONJ, qui offrira un joli concert en plein air, sur le Pont de la Meure. De quoi mieux appréhender son approche de la musique et de l’instrument, pour ce « seule en piste » à la recherche d’harmonies affinées comme cette artiste sait le faire.
Pour la soirée, le festival a invité deux duos de renom : le premier formé par la comédienne Anne Alvaro et le saxophoniste François Corneloup et le second réunissant la saxophoniste Céline Bonacina et Laurent Dehors qui aime jongler entre ses instruments, saxophones certes mais aussi clarinette et aussi – on ne sait jamais- cornemuse. Ils n’en sont pas à leur coup d’ essai et leurs récents passages, notamment à Paris, ont confirmé toute la richesse et l’inventivité de ces deux talents s’exprimant côte à côte.
Enfin, dimanche, la journée passera très vite, en compagnie d’abord de Daniel Erdmann, qui posera son saxophone dans l’église en fin de matinée le temps d’un concert solo. Et, l’après-midi, de ce concert à trois qui réunira une clarinette (Robin Fincker), un sax ténor (Daniel Erdmann) et enfin un violoncelle (Vincent Courtois). S’il nous a été donné plusieurs fois cet été d’aller voir Vincent Courtois, à Jazz (s) à Trois Palis, le registre sera bien différent, puisant dans l’inspiration de chacun pour aboutir à une musique inspirée aux allures prophétiques.
Au-delà de ces affiches, ce festival à l’écart et qui sait cultiver sa différence, Jazz (s) à Trois Palis vaut aussi pour son ambiance, sa faculté de réunir des spectateurs venus parfois de loin pour goûter à ces musiques et au calme qui prévaut ici en cette fin d’été.