D’ordinaire, lorsqu’un artiste plaît au public, il a droit à un, voire deux rappels maximum, ce qui permet au public, c’est l’effet recherché, d’entendre à nouveau jouer quelques instants un artiste qui l’a emballé.
Or, avec Brad Mehldau qui était seul devant les touches de son Steinway le lundi 10 février sur la grande scène de l’Auditorium de Lyon, ce n’est pas un ou deux, mais carrément cinq rappels auquel le public qui en redemandait, a eu droit ; à chaque fois l’Américain repartant dans de superbes compositions.
Et pourtant, pour l’amateur de Jazz, pas vraiment fan du Gabriel Fauré classique dont on fête cette année le centième anniversaire de la mort, c’est un concert qui a commencé sans provoquer un immense enthousiasme, pour se terminer heureusement en apothéose.
Musicien de Jazz issu du classique, Brad Mehldau a en effet en 1ère partie joué plusieurs compositions de Gabriel Fauré ; mais aussi quelques unes de ses propres compositions que l’on retrouve dans son album « l’Après Fauré » à la pure façon d’un musicien classique, sans sortir de la partition, ni s’envoler dans des improvisations échevelées…
Lors de ce premier set, on a pu en effet entendre quatre « Nocturne » de Fauré, voire le 3ème mouvement de l’adagio du quatuor en sol mineur qu’il affectionne particulièrement , mais aussi « Prélude », « Caprice » « Nocturne » et « Vision » quatre pièces originale écrite en fait par Brad Mehldau, mais à la manière de Fauré. Un superbe exercice de style, mais qui laisse plutôt froid.
Rien à voir alors avec le concert qui s’est récemment déroulé à Lyon dans le cadre du Saint-Fons Festival, il y a quelques semaines où le pianiste de jazz italien, Enrico Pieranunzi à partir de Fauré, s’était lancé dans de superbes arrangements et improvisations, tirés de son disque « Forever Fauré », revisitant totalement le grand compositeur, lui donnant une vraie et forte coloration bleue, empreinte de liberté.
Mais heureusement, la deuxième partie de ce concert du pianiste américain à l’Auditorium, après l’entracte, a pratiquement duré près de une heure trente. Et là, nous n’avons pas trouvé le temps long !
Selon son inspiration du moment, Brad Mehldau est alors parti dans un riche florilège de compositions personnelles, puisant notamment dans ses deux albums consacrés à Bach et d’autres pièces plus récentes, laissant cette fois libre cours à sa créativité et à son formidable don d’improvisateur.
On a pu alors retrouver le Mehldau qui sait nous enthousiasmer, sachant ménager l’effet de surprise et susciter l’enchantement, voire subjuguer par son jeu à la technique sans faille au service d’une expression musicale qui sait toucher au plus profond le public.
Un public qui lui en était redevable et lui a fait amplement savoir…