Une plongée en solitaire et en guitare acoustique dans le folk baroque, monde à part un peu oublié aujourd’hui. Délicatesse, justesse du son, flânerie musicale, « Traversées…. » un instant sur lequel le temps n’a pas prise
Voici « Traversées ….» du guitariste Antoine Stacchetti, qui signe à la fois une bonne part des compositions, les arrangements comme l’interprétation. De sa part, comme un retour au bercail, retour à un petit monde dont il s’était éloigné, retour à ses guitares après des années d’autre chose, vie professionnelle, familiale, manque de temps, de patience. Et surtout, manque de ces moments où on lâche prise en apparence pour revenir à l’essentiel et pour mieux saisir l’une ou l’autre de ses guitares dont sa Gibson qui vient de gaillardement fêter ses 57 ans.
Le folk baroque : un monde à part un peu oublié aujourd’hui
Résultat donc, ce « Traversées…. », sorti il y a quelques semaines. Plongée autant qu’un éloge du folk baroque, joué d’un bout à l’autre en guitare (acoustique) solo par son concepteur. Le folk baroque ? Un monde à part un peu oublié aujourd’hui, surgi pour l’essentiel en Grande-Bretagne, dominé par plusieurs musiciens qui ont eu leur heure de gloire au XXème siècle, tels John Renbourn (qui signe l’arrangement de Lament of Owen Roe O’Neill) ou Bert Jansch, les piliers du groupe Pentangle. Un monde à part avec ses rythmes, ses accords, ses harmonies et ses doigtés et qui eut son heure de gloire dans les années 60-70.
« Traversées….» est d’abord le pur héritier de ce petit monde passé (les deux grandes figures nous ont quittés il y a quelques années). Mais pour Antoine Stacchetti, tout restait d’actualité. « Après m’être arrêté pendant trente ans, je me suis remis à la guitare en 2018, explique-t-il…… il m’a fallu 6 ans pour refaire un répertoire ».
C’est ce répertoire que nous content « Traversées…. » : 15 compositions, dont plusieurs traditionnelles, créées ou revisitées par lui, remontant à la source de ce folk baroque mais nourries de blues, de folk celtique, de jazz et de bien d’autres étapes amicales. Tel ce Goodbye Park Pie Hat de Mingus, vieux morceau revisité en juin dernier. On flâne ainsi sur des rives musicales qui se complètent, se répondent, mais faisant âme commune : tels Irish Breeze ou cet John Blues n°2.
En tendant l’oreille, on approche le sortilège de ce folk acoustique, basé sur des accords ouverts, où le musicien sollicite sa corde de la façon la plus pure pour faire naître des résonances inédites. Tel ce New Feeling. Des mélodies sur lesquelles le temps n’a pas prise jusqu’à déborder sur des musiques contemporaines.
Au fait, pourquoi le folk baroque ?
Reste à comprendre ce qui pousse un musicien, sideman dans pas mal de disques dans les années 80, à reprendre l’instrument et à renouer avec cet univers. « Après m’être arrêté pendant trente ans, je me suis remis à la guitare en 2018, explique-t-il. …pour l’anecdote, c’est dans le grenier de sa maison qu’il retrouve des partitions perdues et qu’il met la main sur des morceaux oubliés ou des bandes de concerts passés. « J’ai retravaillé : je n’avais plus rien dans les mains……en tant d’années, tu perds énormément ».
Au total, il lui a fallu 6 ans pour refaire un répertoire (4 ans de travail de fond et 2 ans de compositions) et pour élaborer ce « Traversées….. ». « Une Traversée comme un chemin de Compostelle : tu sais où tu vas arriver mais tu ne connais pas les chemins ». Et pour finir enfin, l’enregistrement de l’album, réalisé en 2023-2024, à raison de sessions de 4 heures pour 2 morceaux, le temps d’effectuer 4 à 5 prises. Et ce jusqu’au dernier thème où Eloïse, l’une de ses filles, vient lui chanter la « réplique ».
Et puis, autre chose : « j’ai touché à tous ces mouvements jusqu’au moment où j’ai basculé dans le jazz » explique-t-il avant de parler de sa découverte des Etats-Unis, du jazz, des méthodes de travail…….
Et ensuite, non stop jusqu’à Jazz à Vienne. « Je suis riche de tout ça, de ces multiples influences », dont celle de Pat Metheny et de ce travail personnel qui, en acoustique, saute aux oreilles, révélant, quelle que soit la corde frappée, cette authenticité qu’atteint difficilement l’électrique.