La montée en puissance de ce club né de rien, derrière les voûtes entre gare, prison et autoroute, se confirme d’année en année. Aujourd’hui, le club est au coeur d’un réseau européen de clubs privilégiant la création, la découverte d’artistes venus d’ailleurs et l’amour des petites salles plutôt que des grands concerts
Ce jour-là, l’équipe du Périscope ne risque pas de l’oublier. Comme la fin d’un long purgatoire qui avait démarré en février/mars 2020 avec le premier confinement. Ce jour-là, le club accueillait comme d’habitude non seulement ses propres membres, ses administratifs, ses permanents comme ses bénévoles, mais aussi, à des fins de répétitions, les musiciens du big band de l’Oeuf. Et bien sûr quelques membres de l’équipe d’Obstinato, ce label basé au Périscope et qui vient par exemple de publier le dernier album de David Bressat.
Ainsi au total cet après-midi là, pas moins de 60 personnes se trouvaient rassemblés ici, preuve parmi d’autres de la montée en puissance de ce Périscope, qui s’était installé ici modestement il y a tant d’années, dans ce quartier alors oublié, entre autoroute, gare de Perrache et prison vétuste.
Aujourd’hui, c’est peu dire que cette scène resplendit et de plus en plus, sa renommée s’étendant bien au-delà de l’agglomération lyonnaise ou de la région Rhône-Alpes. Il y a en premier lieu sa programmation, en jazz comme en d’autres domaines (voir ci-contre l’article d’Antoine), la diversité de ses domaines d’intervention, son public, et bien entendu ses agissements.
120 jours de résidence, 130 concerts en moyenne chaque année
Pierre Dugelay, le directeur, aime rappeler le nombre de résidences (120 jours en 2021), de concerts (130) ou de cafés culturels (une grosse trentaine) qui défilent toute l’année dans les deux salles du Périscope. Oublié ce triste moment lorsque les travaux d’aménagement de la deuxième salle venaient de se terminer, que tout était prévu pour une inauguration mémorable et qu’on dut la reporter sine die en raison de la pandémie.
Aujourd’hui, alors que le public revient peu à peu, « en dent de scie tout de même», Pierre Dugelay aime rappeler les nouvelles capacités du Périscope : dans la grande salle, 200 places (debout) ou 120 (assis). Et dans la petite salle 150 (debout) ou 80 (assis). Presque un doublement.
Ces nouvelles capacités, elles se lisent aussi dans le budget global du site (1,2 million d’euros) ou dans le nombre de salariés (14 aujourd’hui). De quoi multiplier les initiatives et les partenariats mais surtout de garder en ligne de mire l’objectif principal, la création et ces artistes qui l’animent ou qui la rendent possible.
« L’objectif reste d’aller soutenir les artistes dans leur travail, explique Pierre Dugelay, qu’il s’agisse de pouvoir les accueillir, de pouvoir les programmer mais aussi de leur permettre de voyager, d’aller voir ailleurs ». Comme une mission que se donnerait ici le Périscope d’aider ces musiciens dans cette optique, notamment en étant plus réactif. Ici, les aides viennent de divers horizons et notamment de la ville : clin d’oeil à Nathalie Perrin-Gilbert qui est intervenue pour que Lyon apporte 100 000 euros. « Il y a six ans, on aurait rêvé de ça », confie notre interlocuteur.
Travailler main dans la main avec 11 pays de l’Union Européenne
Parmi toutes les initiatives récentes, celle d’adhérer à des gros projets européens, en coopération avec 11 pays de l’Union : outre la Norvège, la Pologne, la Hollande, la Slovénie et l’Autriche, la Moldavie, voici que sont entrés dans la danse l’Irlande, la Grèce, l’Espagne, la Finlande, l’Allemagne ou la Belgique.
« On est très impliqués dans ces projets de réseaux » qui permettent évidemment de démultiplier les initiatives. Ainsi, l’Europe a lancé un projet tournant autour de la décarbonation appliquée à la culture, doté de 3 millions d’euros. Dans le secteur de la musique, cela revient entre autres à favoriser les lieux de concerts plus petits, d’organiser la tournée des musiciens de façon plus propre etc.
Le Périscope et ses partenaires se sont rapidement engouffrés dans la brèche, d’autant plus que cela rejoint une approche plus conviviale, plus intime et plus économe de moyens de ce qu’on peut organiser sur une grande scène. « On pollue plus dans un stade avec 100 000 spectateurs qui viennent souvent de loin, remarque Pierre Dugelay que dans des clubs de 300 places où on vit les choses pour de vrai et en venant des environs ; le pire des impacts en la matière, ce sont les grands évènements, évidemment ».
Donner ici rendez-vous à tous les jazz d’Europe
Cela fait déjà 7 ans que le Périscope a commencé à travailler en ce sens avec différents partenaires européens. Cette fois, avec ce projet de l’Union Européenne, qui porte sur la période 2023-2026, on change de dimensions et d’horizon : « on travaille plus sur le long terme » explique-t-il. Ce type de partenariats permet aussi et surtout aux musiciens de voyager, de découvrir d’autres scènes, d’autres mondes musicaux ; en matière de jazz, cette diversité est palpable, de l’Espagne à la Norvège ou de la l’Hexagone à la Slovénie ou à la Grèce.
Toutefois, tous insistent sur l’autonomie, sur la grande souplesse laissée à chacun de « prendre » ou « ne pas prendre » un spectacle, une formation même si l’idée est bien de favoriser l’exportation des cultures et des musiques. Et c’est ce qui a permis de découvrir récemment au Périscope des formations venues de Suède, de Norvège ou du côté des Balkans. Le maître mot ici est bien la création ou l’innovation. Ce qui peut expliquer que tel magnifique trio américain en tournée en Europe ne se verra pas proposé Le Périscope par son équipe de programmateurs.
Une forme d’exigence qui se transforme vite en une réelle identité et qui peut expliquer l’essor de ce club qui s’est lancé dans la vie avec deux banquettes fatiguées, trois fauteuils Louis XV et quelques chaises sorties de la plus proche grande surface. « L’objectif est resté le même : aller soutenir les artistes dans leur travail, sachant qu’il faut qu’ils voyagent pour aller découvrir, apporter, se confronter. Et c’est aussi de proposer quelque chose de différent ».