Il y eut d’abord, moment béni, dès le premier soir, la contrebassiste de la Nouvelle-Orléans, originaire d’Haïti, Leyla McCalla au sourire énigmatique de Joconde.
On avait pu l’apprécier, malheureusement durant un laps de temps trop court lors du dernier Festival AVaulxJazz.
A la « tente à bœuf » à Cybèle lors de la journée d’ouverture, puis le lendemain, le samedi 7 juillet, au Club de Minuit, on peut apprécier sa voix superbe, tendre et veloutée qui lui permet de chanter aussi bien du blues, du folk, des chansons cajuns que des berceuses créoles haïtienne, s’accompagnant de sa contrebasse comme d’une guitare, en pinçant les cordes.
D’ordinaire, au Club de Minuit, le public va et vient, ce qui nuit souvent à l’écoute. Ce soir là, il reste scotché sur sa chaise…
Cyrille Aimée crève les écrans
Une autre chanteuse crève les deux écrans installés de part et d’autre de la scène : Cyrille Aimée qui constitua l’un des « set découvertes » du Festival 2015.
Rappelons-en le principe : avant que le festival ne démarre à l’heure dite, c’est-à-dire à 20 h 30, pendant une demi-heure, à partir de 20h, un ou une artiste méconnu(e) se retrouve dans la fosse aux lions, en l’occurrence sur la scène du théâtre antique devant, selon la jauge du jour, 4 000 à 6/7000 spectateurs…
Une manière de booster sa notoriété naissante et donc un magnifique tremplin pour l’éventuel(le)s star du jazz de demain.
Examen de passage réussi pour Cyrille Aimée, trente ans, par ailleurs résidente du Festival qui a déjà effectué un petit bout de carrière aux Etats-Unis, mais est encore peu connue en France, même si elle a été finaliste de la Thelonious Monk Competition.
Originaire de Samois-sur-Seine, la ville natale de Django Reinhardt et cadre d’un Festival qui lui est dédié, ce qui en dit long sur sa filiation, elle en a le swing, servi par une voix chaude au timbre soyeux. Elle chante des compositions qui lui sont propres, mais aussi quelques standards, scatant parfois d’une manière très personnelle.
Dhafer Youssef : décollage garanti
Entre ces deux découvertes, nous en signalerons une troisième, sans doute la plus forte des trois : l’oudiste et chanteur Dhafer Youssef.
Natif d’un petit village de pêcheur du sud-est tunisien, Dhafer Youssef, cela se ressent dans ses compositions et sa manière de chanter, est issu d’une longue lignée de muezzins. Son grand-père l’a d’ailleurs initié au récital coranique. Il a ensuite effectué ses armes musicales en Europe, en Autriche, notamment, se frottant aux musiques électroniques et au jazz.
Sa musique, du moins celle qui émane de son dernier opus « Birds requiem » dont il reprend de nombreuses compositions sur scène en première partie de soirée, avant Ibrahim Maalouf et Natacha Atlas, est faite de longues psalmodies aux sonorités chaudes et à vrai dire plutôt envoûtantes. Décollage garanti.
Le grand charme de la musique de Dhafer Youssef est le métissage, le brassage, qu’elle met en œuvre. Elle est fortement empreinte de musique arabe, du fait notamment de la sonorité caractéristique de l’oud, est à la frontière du jazz, voire même de la musique indienne que l’on retrouve dans les percussions.
Elle ne se perd pas pour autant dans les méandres de ces influences, donnant naissance à une musique vraiment originale, extra-ordinaire, dans le sens propre du terme, à l’aune de la forte personnalité de son auteur.
Sur certaines compositions, il utilise sa voix de haute-contre qui s’affirme sur scène comme un instrument à part entière et qui part sillonner les étoiles.
Le public suit avec jubilation, exprimant son intense plaisir en final, par une standing ovation.
Line up-Au Club de Minuit, Leylla Mc Calla est accompagnée par Raphael Imbert (sax) et Thomas Weirich (guitare)
Cyrille Aimée, Adrien Moignard et Michael Valeanu aux cordes, Samuel Anning à la basse et Rajiv Jayaweera à la batterie.
Dhafer Youssef (oud, voc), Kristjan Randalu (piano), Phil Donkin (db), Ferenc Nemeth (dms)