Parlez de Moondog à un musicien de jazz et il saute aussitôt au plafond. C’est à la fois un mystère et une icône. En tout cas, ce musicien qui a été SDF une partie de sa vie et que l’on pouvait trouver avec son casque de viking au coin de l’intersection de la 53 ème rue et de la 6ème avenue à Manhattan et que chérissait aussi bien Charlie Parker que Steve Reich est un univers à lui tout seul.
Un « univers » que l’on a pu appréhender à la Chapelle de la Trinité à Lyon.
On ne peut en effet que saluer l’association « La Trinité » d’avoir consacré deux soirées à ce musicien américain totalement atypique qui en a inspiré beaucoup, lors de deux soirées dans le cadre de son Festival « Chapelle d’automne », qui s’est déroulé du 13 au 16 novembre dans la plus belle chapelle de Lyon, celle de la Trinité, bien sûr.
Pour commencer un éclairage à la fois oral et musical sur Moondog a démarré ces deux jours consacré au « Chien-Lune ».
C’est Amaury Cornut qui a d’abord évoqué dans une conférence la personnalité de Louis Thomas Hardin, alias Moondog accompagné au piano du pianiste lyonnais François Mardirossian.
Amury Cornut est l’auteur du site moondog.fr. organisant des concerts-hommages à travers la France et fondateur de l’ensemble Minisym destiné à jouer sur scène la musique de Moondog.
François Mardirossian qui l’accompagnait au piano a quant à lui choisi de consacrer son premier album à Moondog, révélant ainsi son goût pour cette aventure musicale hors norme.
Puis, le lendemain vendredi 14 novembre, l’univers de Moondog a longuement résonné au sein de la chapelle de la Trinité sur la scène de laquelle était installé « l’orgue explorateur » de Yves Rechsteiner, composée ed 500 tuyaux, aussi volumineux qu’un orgue d’église, mais…transportable malgré ses 1 200 kilos (il n’en existe que trois en France), accompagné tout de même de deux ordinateurs.
L’œuvre de Moodong étant complexe à jouer, il fallait que les musiciens soient deux pour interpréter ces œuvres le plus souvent à quatre mains. Ainsi, derrière le clavier de l’orgue, Yves Rechsteiner était accompagné de Riho Ishikawa, claveciniste de formation.
Comme il fallait assurément, concernant Moondog, que tout soit hors norme, la rythmique faisait tout autant assaut d’originalité avec des percussions composées uniquement d’instruments à base de… courges en provenance du Burkina-Faso et du Mali, des instrument sublimés par le batteur et percussioniste Henri-Charles Caget.
Dans le cadre d’un programme plus large intégrant d’autres compositeurs, ce trio de musiciens interpréta pas moins de huit œuvres de Moondog, de « Mirage », à « « Single Foot », en passant par « Oasis » et « Bird’s lament », une de ses compositions les plus célèbres.
Que dire de la musique de Moodog, difficile à caractériser car à la lisière de la rythmique amérindienne, du jazz, et intégrant des éléments d’une esthétique répétitive ? A l’intention des musiciens; nombreux dans la Chapelle, Yves Rechsteiner expliqua que Moondog utilise « des procédés extrêmement contraignants du canon et du contrepoint renversable à deux, trois, quatre ou cinq voix »…
Reste qu’il s’agit là d’une musique qui n’a pas pris une ride, à la confluence de courants toujours en vogue, proposant même un swing très prononcé sur certaines œuvres.
En revanche, à rebours du jazz, ces compositions ne laissent aucune place à l’improvisation, chaque partie est écrite avec précision.
Moodog laisse en tout cas une œuvre vocale et instrumentale énorme : on lui en accorde près de 300 et plus de 80 symphonies, c’est-à-dire des œuvres pour orchestre. Un vaste domaine d’exploration musicale !
La Trinité qui s’est donnée pour tâche non seulement de faire entendre le vaste champ des musiques baroques, mais aussi « les musiques irrégulières » a assurément tapé dans le mille avec Moodog.
Photos : Philippe Sassolas et Dominique Largeron
