L’effectif de ce nouvel album est à l’image de son répertoire, un peu d’ancien et un peu de nouveau. Michel Fernandez et François Gallix, toujours aux saxophones et à la contrebasse respectivement, sont ici rejoint par Nicolas Serret à la batterie et Joël Sicard au piano. Batteur et bassiste se connaissent bien cependant puisqu’ils jouent ensemble dans le Magnetic Orchestra (dont un concert est d’ailleurs à venir à « Jazz à Vienne », ce mardi 4 juillet avec Anne Sila au chant).
Dans la ligné de ses albums précédents, le saxophoniste nous propose des titres éclectiques et métissés. Cette envie de mélanges authentiques est présente dans la diversité de ses compositions aussi bien que dans ses choix de reprises. Don Cherry, Tawfik Ouldammar, John Tchicai et Fela Kuti ont beaucoup oeuvré pour gommer les frontières et fusionner les musiques de l’Afrique avec celles de l’Occident.
Le voyage commence …
La première étape est en Andalousie avec Almeria. L’ambiance est ici mystérieuse et mystique, avec une intro toute en bruits et bruissements d’instruments. Ici au saxophone soprano, Michel Fernandez construit une transe comme il les affectionne. Coltrane n’est jamais bien loin sur ses albums et l’on retrouve là un soprano virtuose planant au dessus d’une rythmique bien touffue.
Première reprise (de reprise), Birdboy de Don Cherry (sur l’album Multikulti), sonne plus enjoué et plus intense que sa version précédente sur « Passages ». Le tempo est soutenu et le groupe ne relâche jamais la pression, à tel point que l’on finit ce titre essoufflé. Cette interaction avec le corps est, selon moi, un bon signe que la musique a atteint son but. Si pour Almeria, le saxophone se taillait la part du lion, c’est ici le piano qui brille le plus sur une improvisation bien développée.
La tempête passée, arrive Léa, qu’on imagine dédié à la fille du saxophoniste. L’ambiance est plus douce sur ce titre qui sonne comme une berceuse (au sens lullaby des standards de Jazz). Le thème est délicatement chanté par un ténor tout en velouté.
Jamaa El-Fna de Tawfik Ouldammar, également présente sur « Passages », débute par une longue improvisation de contrebasse évoquant un chant africain. Commence ensuite un riff de piano, bien entrainant, qui ne lâche rien jusqu’à la fin du morceaux. Thème et improvisations sont à nouveau très denses sur ce titre qui évoque effectivement les musiques du Maghreb avec un saxophone soprano haut perché et entêtant, comme le ghayta.
Vient ensuite Brazza Cry, titre éponyme de l’album, lui aussi très coltranien et africain (surtout sur l’introduction au saxophone). Symbole de l’album, ce morceau m’a malheureusement paru un ton en dessous des autres. La rythmique y reste solide mais le saxophone m’a semblé moins sûr de son propos.
Seven for Tchicai de John Tchicai, repart cependant de plus belle. Comparée à la version de « Passages », le tempo accéléré de celle-ci atténue légèrement le côté lamentation de l’introduction. Il amène également des improvisations de piano et batterie très virtuoses.
Pour finir en beauté et avec le sourire, Colo-Mentality de Fela Kuti, nous transporte en plein territoire Afrobeat (avec une pointe d’Afroblue?). On y retrouve un saxophone ténor très en verve, ample, chantant et déclamé comme celui de Fela. Le contrebassiste ne lâche pas son groove afro de tout le morceau tandis que le piano apporte par moments une couleur rétro un peu 60’s. A noter un très bon tandem saxophone / batterie sur les improvisations finales.
« Passages », une étape?
« Brazza Cry » semble bien plus abouti que son prédécesseur « Passages » qui par contraste apparaît presque comme une « préparation » du nouvel album.
La qualité de l’enregistrement, tout d’abord, y est bien meilleure. Alors que « Passages » sonnait parfois comme une prise live, « Brazza Cry » met lui bien mieux en avant les instruments individuellement. Le saxophone semble ici ne pas avoir besoin de « forcer » pour compenser d’éventuels défauts la prise de son, ce qui le rend d’autant plus agréable à écouter.
Le temps et les concerts ont passé et force est de constater qu’ils ont été bien utilisés! Les titres déjà présents sur l’album précédent sonnent plus naturels, spécialement sur les improvisations qui apparaissent encore d’avantage maitrisées. Les petits nouveaux, le titre « Brazza Cry » excepté, affichent, quant à eux, déjà une belle maturité qui augure de bons moments en concert.
Dans la continuité de cette « progression » entre deux albums, gageons que le suivant atteindra des sommets. D’ici là, n’attendez pas pour découvrir celui-ci et surtout à aller découvrir le groupe en live! Bonne écoute!