Nos trois artistes arrivent sur scène dimanche 9 juillet dans une belle décontraction « avec cette envie de partager avec le public le plaisir de jouer ensemble (sic JL Ponty)». Public d’ailleurs venu fort nombreux, à l’occasion de la 10ème soirée de l’édition 2017 de Jazz à Vienne. C’était le troisième concert public de ce projet mené par Jean-Luc Ponty.
Birelli Lagrène muni d’une guitare acoustique ouvre la marche, « vieux » guerrier débonnaire des scènes de jazz, semble ravi de rentrer une nouvelle fois dans l’arène mythique de Vienne.
Kyle Eastwood – le jeunot de la bande – s’empare immédiatement de sa contrebasse très particulière (de voyage – coupée à la moitié de sa base) puis finalise les derniers réglages.
Enfin Jean-Luc Ponty, œil malicieux et tout sourire (une grande affiche « J.L. Ponty french fan club » est positionnée bien en vue de la scène), ferme la marche, puis pluge son violon acoustique pourvu d’un double système – micro et capteur relié à un ensemble de pédales d’effets.
Le concert démarre dans la foulée et nous voilà parti avec « Blue Train » de Coltrane qui donne la tonalité des talents (l’intelligence musicale) présents sur scène. Energie, précision, regards croisés, passage de témoins et rebondissements musicaux en tout genre caractérisent bien nos trois lascars.
Générosité et rigueur
Nous retrouvons intacte la personnalité musicale de Ponty : cette façon d’attaquer, d’arpéger le thème, de le tronçonner rythmiquement, d’étirer la note au-delà sa durée attendue. Ainsi – again and again – la ligne rouge d’un artiste digne de ce nom – se suit tout au long de sa carrière (Un écrivain écrit le même texte – un musicien le même morceau ?). Ressurgi le Ponty du « Mahavishnu Orchestra », de la bande à Zappa et de sa collaboration avec l’immense Grappelli. Toujours dans la générosité et dans une rigueur de construction dans son improvisation.
Birélli, une main droite de Samouraï
Birelli Lagrène, lui, assure dans un premier temps la rythmique avec une main droite de samouraï. Comment Eastwood fait-il pour ne pas perdre sa ligne de basse avec un tel perturbateur? Puis Birelli prend le solo en notes, puis en octaves, puis en accords. Il faut noter son remarquable travail harmonique (accords 5-6 notes) sur l’ensemble du concert. Cet homme est doué pour tout. Toutes les cases de sa guitare sont explorées, exploitées, triturées, même et surtout après la douzième ce qui l’oblige d’avoir une position peu banale voire incongrue. Une virtuosité, une aisance qui parfois prend la dimension de la démonstration tant nous sommes loin de toute normalité.
Kyle Eastwood lui assure son rôle : la base, la fondation rythmique et harmonique dans un développement serein, solide au travers une fluidité de jeu aussi agréable à voir qu’à entendre. Et quand il prend un solo, c’est toujours au plus près du thème, tournant autour, et dans une déstructuration rythmique toujours pertinente.
Chacun est à sa place : Ponty le taulier, qui organise, expose, distribue, Lagrène, le second couteau, qui consolide, surligne, développe, et Kyle le chauffeur, qui fait avancer la machine et qui socle, imperturbable mais à l’écoute de tout.
Les thèmes s’enchainent, alternant compositions personnelles (2 par artistes) aux standards.
Une heure trente de musique avec toutefois une qualité inégale des thèmes – ce qui obligeait les artistes à meubler » que de challenger. Dommage, car ces artistes méritent d’être poussés dans leur retranchement, d’aller vers leurs risques – tant leurs vocabulaires sont immenses et leurs technicités sans grandes limites.
Il faut féliciter le travail remarquable de la sonorisation car diffuser des cordes – notamment la guitare acoustique – n’est pas chose aisée. Rappelons- nous ces soirées de larsens et de chorus inaudibles. Bravo ce soir à l’équipe technique.
Une très bonne partie de soirée avec un public largement conquis par des artistes transmettant une joie palpable de jouer ensemble et d’improviser.