A bientôt 80 ans, on peut dire que Carla Bley, pianiste, organiste, arrangeuse, compositrice, chef d’orchestre, mondialement connue, reconnue, dépositaire d’une discographie de près de trente albums et de quelques dizaines d’autres comme co-leader, décorée d’une ribambelle de distinctions – dont la dernière en 2014 « docteur honoris causa » de l’université de Toulouse – n’a pas perdu le plaisir de partager sa musique avec ses deux compagnons de main et de souffle –Steve Swallow, bassiste émérite d’un instrument mi acoustique / mi électrique et Andy Sheppard, saxophoniste suprêmement mélodiste.
Car il s’agit bien là d’un trio singulier dans l’univers musical… Un clan entièrement voué à la musique de Carla Bley, musique qui après s’être inscrite dans différents formats (duo, big band, sextet, octet) et esthétiques – se réalise aujourd’hui dans des compositions de plus en plus ciselées, hors de toutes références connues mais avec une identité toujours reconnaissable.
Les harmonies laissent entendre un orchestre entier
C’est donc dans le cadre magnifique du Théâtre (à l’italienne) de Roanne – totalement adapté à ce type de formation, que le trio débute par « Wildlife » de l’album Night-Glo (85). Le ton est donné : les harmonies développées par Bley laissent entendre un orchestre entier malgré une réduction drastique pour piano, Swallow – véritable pilier du groupe – se charge de la section rythmique avec une efficacité inouïe et Sheppard dialogue avec les anges et les diables, ajusté aux subtiles et fantasques mouvements harmoniques des compositions proposées.
Puis les morceaux s’enchainent dans des couleurs plus sombres, tirés à la fois de leur dernier album «Trios» (ECM-2013), mais aussi d’albums précédents. « Rut », « les 3 Lagons » flirtant avec un thème crée par Mendelssohn, « Addictions et guérisons », « Up and down »…
Complicité palpable
Chacun se passe la balle dans un jeu fluide, équilibré, une complicité palpable : puis dans un élan collectif tous reviennent au thème pour mieux le désarticuler dans une autre improvisation.
Après avoir été longuement applaudi par un public totalement séduit par un concert d’une heure et demi, le groupe revient pour une interprétation lumineuse de « Lawns », simple ballade de cinq notes (ré, mi, fa dièse, sol, la), pris dans un tempo beaucoup plus lent que d’habitude et qui se révèle encore plus émouvante.
Le temps passe parfois trop vite…
Alors pour tout ceux qui souhaitent découvrir ou prolonger la singularité de ces trois magiciens, ils peuvent se procurer le dernier album de Carla Bley et se mettre les oreilles dans leurs discographies communes et respectives… Que du grand art. Impérial je vous dis…