Le ciel chargé de nuées donnait ce dimanche 15 juillet à l’amphithéâtre Odéon de Fourvière une gravité douce, une ambiance feutrée propice à l’intime. C’est dans ce décor chargé d’histoire que Roberto Fonseca et Vincent Ségal jouaient leur tout premier concert en duo, une expérience nouvelle, fragile, émouvante. Un moment de création pure, de dialogue musical, offert en partage à un public venu vivre ce que la musique a de plus précieux : l’invention de l’instant.
Le jeu des premières fois
Dès les premiers accords de piano de Roberto Fonseca, héritier de la grande tradition afro-cubaine, le ton est donné : ce sera une conversation, pas une démonstration. Un jeu de questions, de répliques, de silences…
Vincent Ségal, de son violoncelle, lui répond avec une subtilité de dentellier, laissant chaque note trouver son propre chemin dans le silence de l’amphithéâtre.
Ils vont jusqu’à alterner morceaux en solo et en duo, laissant parfois l’un s’effacer afin que l’autre s’exprime seul, dans une forme de dénuement émouvant.
Ainsi le violoncelle de Ségal a-t-il eu son moment de pureté, lorsqu’à la demande de Roberto, le Français s’est lancé seul, reprenant ce que, quelques années plus tôt, lorsqu’il vivait dans le vieux Saint-Paul en tant qu’étudiant au Conservatoire de Lyon, il jouait dans l’intimité de son appartement. Un retour en forme d’hommage, de confidence, chargé de souvenirs, que le public a accueilli dans un silence religieux.
Dialogue des traditions et de l’amitié
Au cœur de ce programme, ce sont deux traditions musicales que l’amitié a réussi à mêler avec élégance.
Le jeu percussif de Roberto Fonseca, chargé de rythmes afro-cubains, a croisé le phrasé lyrique de Vincent Ségal, formé au classique mais ayant navigué dans toutes les musiques, du jazz au rock en passant par le monde.
Leur complicité, palpable, a donné ce que la musique de chambre a de plus émouvant : ce moment suspendu où deux êtres, par le langage des notes, se comprennent instantanément, vont dans la même direction, se soutiennent, se répondent, sans que le dialogue soit fixé d’avance.
Ainsi le piano a-t-il parfois pris le dessus, en de puissantes envolées rythmiques, tandis que le violoncelle le soutenait de longues phrases lyriques ; et parfois ce sont les cordes de Ségal qui s’emparaient de la narration, laissant le piano en contrepoint.
C’est ce jeu d’équilibristes, ce dialogue en permanente invention, que le public a ovationné, debout, longuement, jusqu’à ce que les deux amis, émus, viennent saluer une dernière fois.
Au-delà de la performance, la grâce partagée
Ce que l’on retiendra de ce premier concert en duo, ce n’est pas seulement la maîtrise des deux interprètes, leur expérience, leur jeu, leur capacité d’adaptation , mais la douce humanité de leur musique.
Au fond, ce sont des histoires que le piano et le violoncelle ont racontées ce soir, des histoires d’amitié, de mémoire, de complicité. Chaleur, simplicité, douceur… ils ont offert ce que la musique a de plus précieux : ce moment de grâce, suspendu dans le grand théâtre de Fourvière, que le public n’est pas prêt d’oublier.