Il y a longtemps que la collection Éthiopiques a ravivé la mémoire foisonnante de l’Addis des années 1960-70, âge d’or d’un éthio-jazz aussi élégant qu’inventif. Dix ans plus tard, c’est un autre séisme sonore qui secoue la scène : uKanDanZ. Derrière ce nom au parfum d’injonction se cache un projet incandescent, où l’héritage du « Swinging Addis » se mêle à l’énergie brute d’un rock en fusion. Porté par la voix puissante d’un chanteur éthiopien et une formation instrumentale qui aime brouiller les pistes, le groupe dynamite les frontières, électrise les traditions et revendique une liberté de ton jubilatoire. Déjà auteur de deux albums, uKanDanZ affirme avec Awo une identité singulière, intensément physique, qui fait basculer l’éthio-jazz vers une transe moderne et indomptable. Avec eux, la musique ne se contemple pas : elle se vit debout, corps en mouvement.
Dans le grand bouillonnement créatif qui secoua l’Éthiopie des années 1960-70, les alliances entre musiques traditionnelles, jazz et funk ont laissé des traces inoubliables. L’Occident les a redécouvertes grâce à la précieuse collection Éthiopiques de Buda Musique, qui a exhumé nombre de trésors oubliés. Depuis, d’autres labels ont pris le relais : EthioSonic, tourné vers les créations actuelles, ou Terp Records, fondé par les iconoclastes néerlandais de The Ex, eux aussi fascinés par ces sonorités venues d’Addis-Abeba et d’Asmara.
On aurait pu croire la page tournée, le fil de l’éthio-jazz définitivement tiré. C’était mal connaître l’audace de musiciens décidés à inventer des chemins de traverse, capables de transformer le répertoire populaire éthiopien en une matière vive, imprévisible, presque volcanique. C’est la voie qu’explore uKanDanZ, dont la musique déjoue les habitudes et embrase les sens autant que les corps.
Né à Lyon de la rencontre de quatre instrumentistes issus du jazz contemporain, le groupe a choisi de s’écarter peu à peu des cadres trop étroits pour s’aventurer en terrain inconnu. Leur appétit d’expérimentation et leur goût du frottement des genres tracent une trajectoire singulière : celle d’un collectif français, mais habité par l’énergie et l’âme d’Addis./