Sous une chaleur accablante, le festival Jazz à Vienne a proposé samedi 29 juin, avec trois concerts rafraichissants, détonants et tonifiants. Chilly Gonzales nous a fait rire et rêver, Chassol, réfléchir et sentir et Coco Penguin, vibrer et beater.
Un concert de Chilly Gonzales n’est jamais un moment comme les autres. Et pour son retour à Jazz à Vienne, après 14 ans d’absence, il n’a pas failli à sa réputation.
C’est avec lui qu’a débuté la soirée, tout en douceur d’abord avec quelques morceaux de ses albums de piano solo puis plus pop, rap voire métal par la suite avec ses 2 comparses qui l’ont rejoint : Stella Le Page au violoncelle et au chant, une artiste pleine de grâce et en parfaite communion avec Gonzales et Joe Flory à la batterie, la finesse et la puissance associées aux baguettes. Et comme Chilly Gonzales ne fait jamais rien comme les autres, il est venu avec son PianoVision, un écran géant qui donne une vue unique sur le clavier et les mains du pianiste en mouvement.
Ses touches ont même versé quelques gouttes de sueurs, comme pour rappeler la suffocation climatique ambiante. Et que dire de sa tenue de scène ?! du Gonzales dans le texte : Pantoufle et peignoir soyeux ! Au-delà de ses excentricités et de son humour, il reste un artiste exigeant, ses morceaux sont retravaillés avec beaucoup de soins et de rigueur et quand le public l’accompagne maladroitement par ses claps dysrythmiques, il les reprend avec ferveur et tact « vous m’accompagnez en rythme sinon rien, regardez my fucking pantoufle ! ».
Autre moment fort du concert, son alternance, sur un même morceau parfois, de temps « adagio » et de temps « furioso », on passe de la rêverie méditative aux sursauts hard rock. De la démesure, du spectacle et de la sensibilité pour introduction à cette soirée, quel bonheur !
Avec Chassol, pianiste et bidouilleurs de sons on rentre ensuite dans un tout autre monde, celui de la musique conceptuelle. Accompagné du seul batteur Mathieu Edward, il nous a présenté Ludi, son tout dernier spectacle inspiré du roman de Hermann Hesse, Le jeu des perles de verres. Cet ouvrage sert de prétexte à une recherche interdisciplinaire qui mêle les arts et les sciences dans de subtils échanges dialectiques.
Ce projet, décliné en quatre parties, voit se mélanger des images de foire, cour de récréation, salle de jeu de casino et autre espace ludique avec le clavier de Chassol et la rythmique puissante de Mathieu Edward. Tout d’abord surpris par l’originalité du concept, mon attention s’est un peu dissipée par la suite du fait de longueurs et du propos dont j’ai progressivement perdu le fil. A trop vouloir conceptualiser, percuter par une originalité omniprésente, la confusion cède à l’ennui puis à l’envie d’aller se boire une bière. Intéressant mais après Gonzales, je suis vraiment resté sur ma faim !
Assommé par une journée caniculaire et un dernier concert dont je n’ai sûrement pas saisi toutes les subtilités, je me rapproche de la scène du théâtre antique pour écouter le dernier concert de cette soirée, Gogo Penguin. Quelle Bonne surprise !
Ce trio de Manchester ( Chris Illingworth(p), Nick Blacka(cb)et Rob Turner(dms)) est venu présenter son troisième opus paru chez Blue Note, A hundrum star. Une formation qui réussit avec beaucoup de talent le métissage entre jazz et influences plus rock, électro, pop et hip hop. Leur formule est particulièrement efficace et éprouvée : un piano mélodique tout en étant puissant au niveau rythmique, une basse résolument groovy et funky, une batterie hyperactive, le tout agrémenté de quelques touches électro pour amplifier l’intensité. Un moment puissant, à savourer sans modération !
Une soirée éclectique donc mais surprenante à bien des égards !maintenant, avec quelques degrés en moins, mon cerveau serait probablement autrement réceptif…