Tout faux. Esperanza Spalding démarre la soirée du samedi 9 juillet. Foin d’un set ciselé où sa voix et sa contrebasse feraient merveille, elle convie à une quasi-comédie musicale. Tableau après tableau. Histoire de son double, de son autre, on ne sait trop. L’espace est resserré autour de cette Emily, enfantée d’un personnage fantasmagorique.
Emily ou Esperanza, adolescente vivante qui semble friser à chaque pas, à chaque geste, la désarticulation.
Présentant son projet, il y a quelques mois (et le disque qui en est sorti), la contrebassiste expliquait : « Emily est mon deuxième prénom, et j’utilise ce personnage comme un guide intérieur. Ce projet a pour but de retrouver et développer des envies non cultivées de mon passé, et de les utiliser comme une boussole afin d’aller de l’avant et m’enrichir ».
Quel grand écart !
Mais au passage, quel grand écart. Exit coupe afro, lunettes-hublot et contrebasse. Esperanza, 31 ans mais des années de carrière et quelques beaux albums derrière elle, effectue ici un virage sur l’aile pas piqué des vers.
Musicalement d’abord : une guitare et un drums plus quelques outils (moog et consorts) et bien sûr son pédalier ou sa guitare basse.
Visuellement ensuite : Esperanza porte couronne, adolescente, se mue en marionnette, élastique, à l’allure saccadée évoluant dans un quasi décor d’intérieur, étonne, se transfigure.
Le spectacle s’enchaîne ainsi d’un bout à l’autre. Fondu-enchaîné, même si la jeune femme présente les morceaux en question qui composent son dernier CD (produits par Tony Visconti).
« Mon désir est de créer un monde autour de chaque chanson, dit-elle, il y a beaucoup de thèmes et d’histoires incroyables à développer à travers la musique. Nous mettons en scène les chansons autant que nous les jouons, en habitant un personnage, en utilisant le langage du corps ainsi que la vidéo ».
Un jazz-funk daté
Reste à apprécier une musique au carrefour d’un jazz-funk daté, se reposant volontiers sur des lead envahissants.
Lorsqu’on sait la richesse d’inspiration d’Esperanza à la contrebasse –plébiscitée par quelques grands de la scène jazz- on éprouve comme un regret devant cette introspection virtuelle où gestuel et théâtral semblent avoir pris le pas sur la musique improvisée. Surtout que le public est privé de tout repère.
En revanche, sa voix fait merveille, s’aventure sans complexe dans des registres élevés. Inédit, original, le concert confirme en tout cas qu’Esperanza Spalding a décidé de s’envoler. Vers quel ailleurs ?