ALBERT VILA . Levity
Hypnote Records
Albert Vila : guitare
Barcelonais de naissance et basé en Belgique, Albert Vila a déjà derrière lui quelques belles collaborations (Jorge Rossy, Doug Weiss, Jeff Ballard, etc). Ce nouveau disque est néanmoins son premier en solo et l’on peut légitimement se demander pourquoi il a attendu aussi longtemps avant d’oser. Il y a des guitaristes que l’on n’imagine pas en solo et d’autres pour qui cela semble naturel. Albert Vila appartient à cette dernière catégorie. Dans cet album, quelque soit le titre, standard du jazz ou de la pop, il est enserré dans une fluidité qui donne l’illusion de la facilité. Bien que le guitariste enchaîne les variations, les tours et détours autour du thème, quelles que soient les sinuosités de son jeu, il fait en sorte que la mélodie initiale sorte gagnante de l’exercice. Albert Vila ne donne qu’une composition personnelle, Levity. Elle donne son titre à l’album et le clôt. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne dépareille pas avec les reprises (Beatles, Marley, Drake, Shearing, Jobim, etc). Albert Vila nous livre là un disque serein, empli d’une fine musicalité, que l’on vous recommande chaudement.
JOHN BAILEY . Time Bandits
Freedom roads records
John Bailey : trompette, bugle
George Cables : piano
Scott Colley : contrebasse
Victor Lewis : batterie
John Bailey fait partie de ces musiciens qui font une carrière brillante, dans des styles variés, parce qu’ils sont bien meilleurs que bon. Mais nous ne le connaissons pas, comme bien d’autres, parce qu’il ne s’est pas fait un nom par chez nous. Ceci dit, regardez le line up et dites-vous que ce gars-là, s’ils jouent avec des pointures de cet acabit, c’est bien qu’il a quelque chose à dire. En l’occurrence, dans ce nouvel album, c’est de jazz dont il question, au sens le plus évident du terme. On t’expose le thème et on lâche les chevaux ! Un coup pour le pianiste, un coup pour le contrebassiste et un dernier pour le batteur. Oh pardon ! On a failli le leader qui ne donne pas sa part aux chiens. L’ensemble est joyeux et rudement bien foutu, ce qui vous ne vous étonnera pas. Le swing est là et tout coule de source. Dans ce Cd, ces quatre-là nous ont organisé une sorte de best of du jazz mainstream, avec des compositions originales et un peu de standards bien sûr (sans compter un lennon/McCartney). Des quartets qui font cette musique, il y en a des régiments. Mais des quartets à ce niveau d’excellence, il y en a peu. une raison suffisante pour écouter ce disque.
ART ENSEMBLE OF CHICAGO . the sixth decade, from Paris to Paris
RogueArt
Roscoe Mitchell : saxophones sopranino & alto
Famoudou Don Moye : batterie, percussions
Moor Mother : spoken word
Roco Córdova : voix (bass)
Erina Newkirk : voix (soprano)
Nicole Mitchell : flutes, piccolo
Hugh Ragin : trompette, bugle, cloches thai
Simon Sieger : trombone, tuba
Jean Cook : violon
Eddy Kwon : alto
Tomeka Reid : violoncelle
Brett Carson : piano
Silvia Bolognesi : contrebasse
Junius Paul : contrebasse
Jaribu Shahid : contrebasse, basse
Dudu Kouaté : percussions
Enoch Williamson : percussions
Babu Atiba : percussions
Doussou Touré : percussions
Steed Cowart : direction
Bienvenue dans un autre monde, celui de l’Art Ensemble of Chicago. Si Lester Bowie, Malachi Favors et Joseph Jarman ne sont plus de ce monde, le nôtre, Roscoe Mitchell et Famoudou Don Moye officient encore. Existant depuis 1967, le groupe a pris son nom définitif en 1969. Il a depuis multiplié les rencontres avec d’autres musiciens et n’a jamais dévié de son but initial : défendre les musiques afro-américaines. Naturellement, l’AEC le fait à sa manière, à la pointe de l’avant-garde. Si à ces débuts, le free prenait une place essentielle, l’on s’aperçoit aujourd’hui que, s’il est encore bien présent, la composition prend une place plus grande dans l’instant scénique. Il n’en demeure pas moins qu’un concert de l’AEC est toujours un événement qui apporte son lot de surprises. Cet enregistrement réalisé en 2020 en France (Maison des arts de Créteil) ne déroge pas la règle. La poétesse Moor Mother est de la partie, Tomeka Reid aussi, et bien d’autres qui portent une musique totalement libre qui convoque aussi bien l’ancestral que le présent incertain. Et même si au long de ces cinquante dernières années le groupe a connu des baisses de régime, il n’en demeure pas moins un exemple quasi unique dans les mondes parallèles du jazz. Ce disque en atteste et conforte son statut de libertaire intègre ouvert sur tous les possibles.
https://rogueart1.bandcamp.com/albu…
JOHANNA SUMMER . Resonanzen
Act Music
Johanna Summer : piano
Après avoir « kaleidoscopé » Robert Schumann en 2020 au filtre de ses improvisations (et sorti un duo épatant enregistré en public avec Jakob manz), Johanna Summer revient en solo avec une idée semblable, créer une musique originale d’après des compositeurs classiques de son choix à travers une de leurs œuvres pour chaque titre. Plus de compositeurs revenant à plus de diversité, le festin s’annonçait riche et varié. Et comme il y a deux ans, c’est plus que brillant. C’est habité par un je ne sais quoi qui fait la différence à tout instant. Nous disions par le passé qu’elle possédait un sens exceptionnel de la narration et de la dramaturgie, on le vérifie dans cet enregistrement où l’on ne se demande jamais de quelle musique il s’agit, celle d’un compositeur, la sienne, en l’occurrence un mélange plus que subtil des deux, tant il est clair qu’elle sait jouer dans son présent avec un passé qu’elle régénère de la plus belle des manières. Fluide et délié, limpide et virtuose, son jeu épouse les quatre vingt huit touches et donne cette douce impression que la pianiste s’efface à la volée devant la musique qu’elle invente. Plus dans la musique improvisée que dans le jazz à proprement parler, Johanna Summer fait preuve d’une maturité éloquente et arpente un chemin musical non dénué d’émotion. Vivement recommandé.
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LUCCHINI – PANZANI – SCHORP TRIO . Free fall
The Drops Music
Christophe Panzani : saxophone
Stefano Lucchini : batterie
Bruno Schorp : contrebasse
Voilà un bien beau trio sans instrument harmonique qui s’attaque majoritairement à des standards (une composition de Bruno Schorp) en tout genre, d’avant-hier comme d’hier (Cole Porter, Shorter, Gillespie, Henderson, Coltrane et Monk, etc). Auprès des mélodies, mais pas sans idée pour leur donner de nouveaux habits et une vision autre, les trois compères s’activent autour de modulations rythmiques et autres finesses. L’interplay est dense et chacun voit son espace s’ouvrir quand il le faut afin de délivrer des soli qui respectent l’équilibre entre les membres du trio. Pour le coup, l’auditeur voyageur navigue en première classe avec des artistes intègres dont la musicalité est impressionnante. Ils savent déjà qu’ils ne vendront pas deux cent mille disques mais ils s’en foutent un peu (même si ça rendrait bien service…) puisqu’ils font magnifiquement la musique qu’ils aiment et que nous apprécions à sa juste valeur. Il serait dommage de manquer cet album et on vous encourage vivement à l’écouter, mieux, à l’acheter.
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REINER WITZEL / RICHIE BEIRACH QUINTET . The world within
Jazzsick
Reiner Witzel : saxophone
Richie Beirach : piano, Fender Rhodes
Alex Sipiagin : trompette
Joscha Oetz : contrebasse
Tobias Frohnhöfer : batterie
Nous, quand on voit le nom de Richie Beirach sur une pochette de disque, on ne se pose pas de question. Et même si l’on ne connait pas le saxophoniste et la rythmique allemande (on ne peut pas tout connaître) avec lesquels il joue, on y va les yeux fermés : parce que Richie Beirach. S’il joue avec ces musiciens-là, sûr que ce ne sont pas des billes. Et c’est le cas. Étonnant, non ? Le jazz que le quintet produit est pour le moins inspiré et puissant. Il est également très mélodique (l’école allemande, n’est-ce pas ?) et parfaitement en place. Pour la première fois depuis longtemps, on peut même écouter le pianiste de Brooklyn au Fender Rhodes. Cela ne gâche rien. L’ensemble est vif et coloré, le swing impeccable, les chorus au top et les fougueux soli parachèvent une musique non dénué de chaleur et d’enthousiasme. On peut dire sans se tromper que ce quintet ne fait pas dans la fadeur et leur musique est de celles qui sur scène obtiennent à tous les coups une standing ovation. Un cd riche de nuances avec des musiciens évoluant en parfaite sympathie.