L’année aura été marquée une fois de plus par de multiples concerts, des révélations, des confirmations à Lyon comme dans la grande région. Mais au vu de la richesse de la création jazz régionale, on pourrait sans doute faire beaucoup mieux
On referme donc cette année 2023 sur ce Forum Jazz organisé par Jazz’(s) RA en terre lyonnaise. Un forum d’importance en taille, en contenu, en concerts et l’arrivée au printemps 2024 d’un nouveau festival à Lyon. On aura tout le temps d’en parler mais l’évènement a surtout permis de constater combien le jazz et les musiques improvisées sont une réalité artistique de cette « nouvelle » région Auvergne-Rhône Alpes, de Clermont Ferrand et son Jazz en Tête à Vienne avec Jazz à Vienne avec, pour trait d’union, cet étonnant Rhino qui, corne de corne, a décidé une fois pour toutes d’aller chercher le client là où il était plutôt que de le forcer à se déplacer. Ce qui modifie sérieusement le paysage.
Retenir 2023 ? Un jazz enfin remis des affres du Covid-19 : des salles, des clubs remis en selle et qui n’ont rien perdu de leur énergie. Les chiffres confirment cet attrait pour le « direct ». Et le nombre de lieux où le jazz est présent s’est notablement élargi l’année dernière. Et l’on en annonce de nouvelles pour 2024, notamment dans le Rhône.
Si certains évènements continuent de manquer à l’appel et notamment A Vaulx Jazz, le reste de la « panoplie » s’en sort plutôt bien même si un curieux effet « accordéon » s’applique selon les semaines et les mois, le jazz semblant totalement s’absenter à compter du 14 juillet à mi-septembre. Bon, de ce côté là rien de vraiment nouveau.
De plus, et Jazz’(s) RA n’y est pas étranger : la région Auvergne-Rhône Alpes devient en la matière de plus en plus une terre commune, de Grenoble à Clermont-Ferrand, de Mâcon (« Le Crescent ») à la Drôme (Parfum de Jazz qui repart de plus belle). Si ce creuset a son épicentre à Lyon il essaime de plus en plus loin.
Mais le principal est sans doute dans cette création musicale qui bouillonne même si elle ne trouve pas toujours les scènes pour s’exprimer ou se révéler.
L’année 2023 a illustré la vitalité du Jazz dans la métropole lyonnaise et dans la région Auvergne-Rhône-Alpes ; ainsi que ses belles perspectives d’avenir. Ceux qui prédisaient sa mort en sont pour leur frais. Jazz is alive !
106 ans de Jazz en Auvergne-Rhône Alpes : un bail, mais quel bail !
C’est déjà une longue histoire : débarqué en France en 1917, le jazz a vite atterri en Auvergne-Rhône Alpes et évidemment à Lyon. Comment conter cette histoire ? Le 5ème Forum de Jazz’(s) RA s’y est essayé il y a quelques jours…..
Ca tenait tout de même de la gageure : nous résumer l’histoire du jazz dans la région Auvergne-Rhône Alpes en 2 heures : mission délicate. Surtout si l’on tient pour acquis que le jazz a débarqué en France en 1917 à Saint-Nazaire avec les troupes américaines. Faites le compte : 1917-2023 en temps imparti ? …….Courage.
Mission d’autant plus périlleuse qu’autour d’Alex Dutilh qui profitait de son samedi pour rendre visite au Forum de Jazz’(s) Ra, se trouvaient rassemblés sous un plafond hors du temps de l’Hôtel de Ville de Lyon quelques-uns des grands témoins du jazz régional.
Un plongeon dans un jazz « régional » riche et multiple
Alors ? Ce fut au contraire tout l’intérêt de cette réunion-conférence organisée par le Forum que de plonger dans ce jazz dit « régional », ses lieux, les évènements qui l’ont marqué et façonné, ses musiciens, ses ambassadeurs, ses soubresauts, ses schismes, et évidemment ses visiteurs, ses « acteurs », ceux et celles qui l’ont façonné et qui le font vivre aujourd’hui.
La palme ? Evidemment au Hot Club de Lyon
Face à ces 106 années d’histoire, à qui décerner la palme de l’ancienneté et de la pérennité ? Evidemment au Hot Club de Lyon né en 1948. S’il a changé plusieurs fois de pénates jusqu’à s’installer durablement dans cette rue Lanterne qui lui va si bien, le Hot aura vu passer durant ces 75 ans, des milliers de musiciens, en herbe ou confirmés, des dizaines de milliers de spectateurs, assumant sans se la jouer ce rôle de tremplin qu’il a toujours eu depuis sa naissance. Frédéric Bruckert, qui se chargeait de rappeler l’histoire du jazz à Lyon, était évidemment aux premières loges de cette saga, évoquant entre autres le rôle de Raoul Bruckert, son père, non seulement l’un des fondateurs du Hot Club mais aussi l’un de ses musiciens les plus actifs, en petite formation comme en big band, ou quand il s’agissait de donner la répartie à un musicien de passage. Sans parler de sa peinture qu’il aura su mener de front, art pictural et art musical se nourrissant sans doute l’un de l’autre.
Au cours de ses 75 ans, combien de musiciens célèbres ont ainsi rendu visite au Hot, une heure, un soir, qu’ils y jouent ou qu’ils cherchent juste à se retrouver « en famille ». On n’a pas fait le total, mais si quelqu’un accepte de s’y coller…..
Quand le jazz arrive en pleine lumière
Si le Hot a montré la voie et reste la grande référence de cette histoire, s’il est le témoin de ces courants qui n’ont cessé de vivifier une musique qui se remet sans cesse en question, c’est alors que le Jazz a pris une autre dimension, s’imposant comme une musique majeure du siècle dernier, au point de brouiller les lignes, voire d’inspirer des musiques qui l’avaient vu naître.
Musique de plus en plus sollicitée, influente, scènes multiples, évènements répétés, public grandissant. Longtemps confiné dans les arrières salles, le jazz arrive en pleine lumière. Surtout grâce à ces évènements que sont les festivals et évidemment le premier d’entre eux, Jazz à Vienne. Jean-Paul Boutellier, son fondateur en 1980-1981, a été aux premières loges de cette reconnaissance et de cet engouement : comme s’il avait fallu 60 ans pour que le jazz s’impose enfin. Evoquant cette naissance (qui aurait pu avoir Lyon pour berceau), il sera revenu sur cette « rencontre » entre une ville (Vienne), des gens motivés et lui-même pour arriver à construire un festival exemplaire, le plus important de l’Hexagone (ou guère loin) et qui est tout sauf un attrape-mouches estival.
Autre exemple de festivals, ce Jazz en Tête de Clermont-Ferrand : Xavier Felgeyrolles est toujours aux commandes artistiques de cet évènement qui fêtait il y a quelques semaines sa 36ème édition. A son tour, Jazz en Tête illustre un autre type de rencontre, de vision du jazz et d’évènement qui n’en démord pas.
Près d’eux, beaucoup d’autres rendez-vous ont aussi vu le jour et prospéré ; parfois, péri : Le Rhino, A Vaulx-Jazz, Le Péristyle de l’Opéra de Lyon, les festivals de la Drôme, Francheville, Fareins, Grenoble, ceux des Savoies. Des grands, des petits. On en oublie. Qu’ils nous excusent.
Comment une région s’est appropriée le jazz
Mais le plus important reste tout de même comment cette région s’est appropriée le jazz et comment elle le vit aujourd’hui, au quotidien. A travers ses écoles de musique, ses musiciens, ses lieux où ces derniers font leurs premiers pas et se confrontent au direct. Jean Mereu, trompettiste, l’un des fondateurs de l’ARFI, a à son tour illustré cette aventure qui dure encore ; comment ce « bébé », (A la Recherche d’un Folklore Imaginaire) né au Hot Club, a souhaité un jour voler de ses propres ailes. On connait la suite : le Work Shop de Lyon, la Marmite Infernale.. et des dizaines de formations qui essaiment un peu partout.
Le jazz régional coincé dans un cadre trop petit ?
C’est d’ailleurs le paradoxe de Rhône Alpes – Auvergne : autant d’écoles, de musiciens, d’envies de jouer, d’enregistrer, de création et pourtant aussi peu de scènes à même de les accueillir. Autre histoire. Autre regret.
C’est là où Le Péristyle de l’Opéra restera longtemps comme l’une de ces vitrines uniques qui a, pendant quelques années, su faire se rencontrer un public et son patrimoine musical, ce jazz « made in Auvergne-Rhône-Alpes »…… Etonnant que les soit-disant amateurs de musique qui gèrent les subventions que nous leur octroyons n’aient pas perçu alors l’importance du dispositif mis en place.
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