Même s’il ouvre avec Marcus Miller et s’il accueille samedi Monty Alexander, ce festival basé à Vitrolles, au bord de l’étang de Berre, s’entête à privilégier la découverte et l’écoute du jazz. Résultat : le public suit et en redemande
Edition 2023 : ambiance et attention pour découvrir l’une des formations invitée ce soir-là. (Photo : Gérard Tissier)
Charlie Jazz Festival. Vendredi, démarrage de sa 26ème édition. Du genre discret mais entêté et au bout du compte, un modèle du genre : un festival qui conjugue programme ciselé d’un bout à l’autre de ces trois soirées, découvertes et mise en présence d’artistes rares, saupoudrées de têtes d’affiches, et au final, un respect du public qui le lui rend bien. Ajoutez à cela, une atmosphère plaisante, apaisée, fleurant bon l’été, où l’écoute et la proximité de l’artiste demeurent des critères essentiels de réussite.
Marcus évidemment complet depuis des lustres
On démarre vendredi avec Marcus Miller. Avec une jauge pareille (1 500 places), le concert est évidemment complet depuis des lustres. Non seulement parce qu’il s’agit de Marcus Miller, l’une des figures les plus reconnues de la scène jazz actuelle alors qu’il s’inscrit déjà dans la longue histoire du jazz, aux côtés notamment de Miles Davis, mais aussi parce qu’il a imposé avec sa basse un type de jeu quasi oublié et enfin, parce qu’il abordera une face moins connue de sa carrière : ces morceaux qu’il a composés pour le cinéma depuis plus de trente ans.
Son cadre : une pinède préservée à deux encablures de l’étang de Berre
Aurélien Pitavy, directeur du festival : » ce que je défends, c’est une musique accessible »
1 500 spectateurs et pas un plus ? Pourtant cette pinède préservée blottie à deux encablures de l’étang de Berre pourrait en accueillir plus ? Mais telle est la volonté des organisateurs et d’Aurélien Pétavy, qui dirige le festival depuis 2012. « En effet, nous accueillons 1 500 spectateurs et nous n’irons pas au-delà ». Gage d’intimité, de plaisir de la découverte, de qualité de l’écoute et de proximité de la scène et des musiciens. « Ce que je défends, c’est une musique accessible », loin des grands festivals soumis à une course à l’audience (…) « une musique déconnectée des enjeux de l’industrie musicale ». Et malgré ce qui pourrait apparaître comme un handicap, proposer un programme mêlant découvertes, jazzmen confirmés et ceux qui leur succèderont un jour.
De Marcus à Monty Alexander……
Restait tout de même, avec ces moyens limités et ces arguments à convaincre un Marcus Miller à venir jusque là. « Marcus Miller ? Ca fait longtemps que j’y pense », précise Aurélien Pitavy qui, de fait, chaque année, fait en sorte d’avoir au moins une grande affiche pour marquer son festival.
Monty Alexander, né un jour de Débarquement
Un évènement suit l’autre : le lendemain, le Charlie Jazz s’offre Monty Alexander, pianiste dans l’un de ses rares concerts donnés en France (avec son passage au New Morning, mercredi dernier).
Non seulement il fête ses 80 ans dont plus de 70 de musique, mais aussi son dernier disque, « D’Day », en référence au débarquement du 6 juin 1944. C’est d’ailleurs ce jour-là que le petit Monty a eu la bonne idée de naître à la Jamaïque. A ses côtés, samedi soir, Jason Brown (dr) et Luse Sellick (cb), dans cette formule piano-basse-batterie que le pianiste privilégie entre toutes, notamment en public où la moindre nuance des instruments franchit l’espace comme nulle part ailleurs.
…. pour aboutir à Camilla George……
Auparavant, on aura découvert en quintet la richesse et le talent de Camilla George : une saxophoniste primée de multiples fois, qui s’est imposée sur la scène londonienne, notamment avec Ibio-Ibio, un projet qui puise dans la tribu d’où sont originaires ses ancêtres, au Sud-Est du Nigéria (NDLR). Une synthèse réussie de jazz et de quelques musiques cousines, chaleureuse et communicative, où la contrebasse, très « millerienne », vient donner au quintet un relief bienvenu.
Nuances, poésie et intimité marqueront la dernière soirée : qu’il s’agisse de Poetic Ways qui verra Raphaël Imbert, aux côtés d’Anne Paceo, de Celia Kameni (chant) , de Pierre-François Blanchard et de Pierre Fénicel plonger dans un répertoire mêlant grands auteurs et grands compositeurs.
….. pour finir avec ce Mare Nostrum, projet lancé en 2007
Ou de ce trio au long cours composé de Paolo Fresu, Richard Galliano et Jan Lundgren. Ensemble, ils écrivent depuis 12 ans et à leur manière une histoire du trio. Celle-ci démarre en 2007, lorsque les trois musiciens se lancent dans Mare Nostrum, un projet mêlant et revendiquant sensibilité propre, traditions héritées et leur propre itinéraire musical. Certes, on s’attendrait à ce que Jan Lundgren, pianiste suédois, regarde ou privilégie d’autres étendues marines. Qu’importe : le projet consiste alors à enregistrer dans chacun des trois pays un nouvel album s’inscrivant dans cette pérégrination. De contraintes en contretemps, il aura fallu attendre 2016 pour voir éclore le deuxième opus, enregistré, lui, en France et cette année, pour que les trois, enfin réunis, enregistrent à Göteborg leur Mare Nostrum III. C’est du grand art, à la condition express que les trois instruments trouvent leur équilibre, échangent avec une même attention, voire retenue, pour créer des ballades de toute beauté.
Surtout sous les platanes.
C’était l’an passé : Kenny Barron le temps d’un set au-delà des mots (Photo -Gérard Tissier)
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