La fête à Rhoda ! Prenez un gâteau d’anniversaire, amené sur scène à l’issue du concert. Ajoutez-y un des batteurs les plus cités/titrés de la scène musicale nord-américaine, Bernard Purdie. Saupoudrez avec un « Women all stars », même si au dernier moment un intrus bien barbu a su s’y glisser.
Plantez au sommet une décoration, sympathique manie bien française, remise le matin même à l’artiste. Enfin, réunissez, au soleil couchant, un théâtre antique qui n’omet pas de chanter a capella un « happy birthday-joyeux anniversaire ». Rhoda Scott a dignement fêté mardi soir à Vienne ses 80 ans. De fait, la dame est née un 3 juillet et a dû, dès le 4, se mettre à l’hammond, cet orgue qui traverse les décennies, les modes et les talents, pour fourbir ce son unique, reconnaissable entre tous, trituré par les cabines leslie qui l’entourent (on en a compté au moins trois).
Un concert mais deux parties. La première en compagnie du seul Bernard Purdie, batteur émérite qui, nous confie-t-elle, n’avait jusqu’ici jamais joué avec elle (« mais maintenant, je le tiens » s’amuse-t-elle). D’où un pas de deux sympathiques : pas de quoi fouetter un chat d’un thème à l’autre mais on prend le temps d’apprécier, via la caméra, les jeux de pieds bien filmés de l’une et de l’autre. Intéressant. A l’orgue, Rhoda Scott est évidemment à son affaire, en tête-à-tête avec un public qui apprécie ces rapides évocations d’inspirations et de rythmes divers.
D’une toute autre trempe se révèle ce Lady Quartet qui suit, réunissant de fait quelques grands noms du sax au féminin, plus le remplaçant d’Airelle Besson, empêchée : Julien Alour à la trompette. Lisa Cat-Barro, Géraldine Laurent et Sophie Alour aux saxs. Ensemble ou séparément. Résultat, quelques rares impros distillées dans un cadre strict mais qui laissent entrevoir tout le talent et la sensibilité de chacune, à l’ombre de Rhoda Scott.
Marcus Miller, sans surprises mais toujours convaincant
Dans Marcus Miller, il y a deux guitares, une clarinette basse rutilante, un disque nouveau (Laid Black) et quatre comparses. Plus, vous le devinez, un petit chapeau, délicatement posé au sommet de la tête et dont l’artiste ne se sépare jamais.
Public acquis, public conquis. Au programme, l’album sorti il y a quelques jours dans lequel le bassiste compte encore plus fédérer des musiques cousines sur fonds d’ambiances urbaines, elles-mêmes sources de leurs propres sonorités.
Y ajouter quelques reprises bienvenues, un émouvant passage consacré à son père, récemment disparu, et à d’autres, tel Winton Kelly, et au passage, cette réalité murmurée – dit dans un français déjà nuancé- que Marcus Miller est devenu musicien professionnel à un âge où d’autres tâtonnent sur la Méthode rose.
Si son jeu de basse, ample, sonore et communicatif, n’a pas réellement surpris, ses complices, largement mis à contribution ont, comme on s’y attendait, fait merveille. Russell Gunn à la trompette est aussi à l’aise pour évoquer « Tutu », pour ponctuer les phrases du leader que pour s’approcher de l’avant-scène en modulant à l’extrême un instrument pourtant muselé par une sourdine. Et trois mesures plus tard, provoquer dans la nuit ambiante des envolées insaisissables qui en disent long sur sa maîtrise de l’instrument.
On en dira presque autant d’Alex Han, au saxophone, depuis dix ans avec Marcus, et qui au fil du concert, sembla de plus en plus sollicité, donnant la réplique avant de partir, à son tour, dans une expression de plus en plus personnelle et décomplexée.
Leurs interventions donnèrent à l’ensemble un relief qui semblait pourtant parfois lui manquer.
Qu’à cela ne tienne, la musique de Marcus Miller trouve bel et bien sur scène le cadre idéal pour s’exprimer, à la basse, au chant ou à la clarinette (son premier « métier ») : l’homme est attachant, communique à merveille son plaisir d’être là, d’y être à nouveau.
Surtout, il sait faire réagir le public au moindre premier frottement de sa basse. Du grand art.
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