Cette fois, au milieu de tout ce qui l’occupe, il a trouvé le temps de rendre hommage à Art Blakey, l’incontournable batteur. Le drummer le vaut bien : Art Blakey a donné la réplique et rappelé le tempo à à peu près tout ce que la scène jazz a compté au siècle passé et notamment auprès des plus grands du jazz américain.
Pour autant, la raison de cet hommage de Tony Allen est à chercher ailleurs, plutôt dans ce qui a été l’une des caractéristiques d’Art Blakey, sa propension, durant toute sa carrière, à se tourner vers d’autres rythmes, d’autres musiques telles celles du Brésil ou celles venues d’Afrique.
Cette découverte (ou ces retrouvailles) avait alors été déterminante sur son évolution comme d’ailleurs elle le fut sur de nombreux autres musiciens. Et preuve en est quelques-unes des plus célèbres compositions ou reprises du drummer.
D’où l’intérêt de cet hommage rendu par un héritier de Blakey à un maître qui a su défricher et renouer avec des influences, tel cet afro-beat dont le batteur est l’un des plus beaux rejetons. C’est pourquoi son passage à A Vaulx Jazz était particulièrement attendu.
Tony Allen : jouer en sous-main pour mieux laisse ses acolytes s’avancer
Toutefois, une autre raison rendait le concert incontournable : la présence à ses côtés de Jowee Omicil, un jeune saxophone qui fait actuellement beaucoup parler de lui, surtout en leader. Or, allez savoir pourquoi, le set s’est déroulé d’étrange façon.
Certes, on retrouve des thèmes connus voire rabâchés, dont la réinterprétation n’a rien d’évident.
A ce petit jeu, Jowee Omicil s’est semble-t-il trouvé à plusieurs reprises en porte-à-faux, semblant hésiter sur la direction à prendre. Il est vrai que le jeu de Tony Allen contrairement à ce que l’on pouvait attendre, ne s’est absolument pas coulé dans les pas d’Art Blakey.
Là où l’américain redoublait de puissance sur ses toms, Tony Allen a au contraire préfère prendre le contrepied, jouer en sous-main pour mieux laisser ses acolytes s’avancer, préférant varier et relancer sans exagérer les effets ou les rappels de cymbale.
Rien d’un batteur péremptoire
Bref, rien d’un batteur péremptoire. Cela l’amena d’ailleurs à parsemer le set de courts soli qui laissaient évidemment un goût de trop peu.
Si le contrebassiste appelé à la rescousse Matthias Allamane n’a cessé de distiller son jeu au gré des retournements et des incursions, l’alliance entre le saxo Jowee Omicil et le pianiste Jean-Philippe Dary a parfois été laborieuse tant les deux musiciens semblaient suivre des directions opposées.
Il est vrai que la personnalité du jeune saxo est du genre à bousculer les codes. Pas seulement musicaux. Elégant, monté sur piles, expressif en diable, Jowee Omicil n’a pas son pareil pour se métamorphoser sur scène minute après minute, comme s’il se dévoilait peu à peu, abandonnant bonnet, lunettes noires, veste cintrée, pour jouer avec plus de sincérité. Et de fait, si son jeu a paru convenu ou surfait au départ, ponctué d’effets appuyés sur ses sax, il s’est peu à peu lancé, au moment où l’on s’y attendait le moins, dans des interventions de bon aloi qui faisait d’un coup dresser l’oreille.
Pixvae : quand la tradition vocale de Colombie croise les petits-enfants d’Hendrix
En première partie, Pixvae aux antipodes. A l’origine de cette formation et de ce projet Jaime Salazar, multiforme, transculturel et chercheur, et Romain Dugelay, saxophoniste, qui signe d’ailleurs les arrangements.
Comme nous l’explique notre cher Robert-Lapassade-la-boussole, ce Pixvae-là est en fait la synthèse ou la fusion de deux entités distinctes, les riffs électriques de Kourna, poussé sur les bancs de l’école Périscope, et les chants du quintet colombien Nilayamé, emmené par Jaime Salazar. D’un côté une tradition vocale et rythmique qui se perd dans le lointain, de l’autre une musique contemporaine assise sur batterie-guitare-sax baryton.
Et au centre donc, en découverte, cette formation emmenée par Jaime Salazar tournée, au propre comme au figuré, vers des chants susurrés par lui-même, Alejandra Charry et Margaux Delatour.
Si le sens des mots échappe au plus grand nombre, espagnol oblige, en revanche le rythme imposé d’entrée par le jeune homme et sa bande se propage immédiatement. Les voix trouvent dans les percussions et les instruments qui les entourent un écrin immédiat qui renforce le paradoxe de cette quête musicale.
Il suffit ensuite de laisser les choses se nouer pour découvrir une nouvelle approche dans un genre inédit qui ne laisse surtout pas indifférent.
C’est évidemment tout le mérite de Jaime Salazar que de vouloir saisir des traditions musicales n’ayant aucun rapport entre elles et de provoquer leur rencontre et leur fusion. Riffs et effets électriques d’un côté.
Percussions sud-américaines et drums de l’autre. Il en ressort une musique puissante autre qui chatouille agréablement les oreilles. Sans doute n’est-on là qu’au début d’une démarche appelée à prendre de plus en plus corps.
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