Compositions originales et textes de tous horizons se liguent dans Migrations 2 pour évoquer ces tragédies contemporaines qui se déroulent le plus souvent à l’abri des regards. Ce disque de rencontres surprend par ses multiples couleurs musicales qui se révèlent autant de témoignages des propres pérégrinations de ce quartet collectif au possible
Migrations 2 ? « Un témoignage de solidarité, une tentative d’ouvrir notre imaginaire vers une vision résolument positive du monde et de l’humanité », écrit Alain Brunet, trompettiste, mais pas seulement et l’un des quatre acteurs du quartet AkpéMotion. Voici déjà quelques mois que ce deuxième opus est sorti.
Après Migrations 1. Comme pour mieux enfoncer le clou au moment où la planète perd la tête en raison de deux tourbillons contraires : d’un côté, des gens qui migrent et se retrouvent sur les routes ou dans des camps de fortune ; de l’autre, des milliards de confinés dont l’horizon se limite de plus en plus désormais à la taille de leur abri. Paradoxe.
Migrations 2 n’en résonne que mieux. Un disque étrange nourri de multiples influences, géographiques, ethniques, culturelles. Musiques improvisées, chants et textes se donnent ici rendez-vous pour bâtir une fresque attachante, musicalement parfaite. Aux quatre pupitres toujours les mêmes : Alain Brunet, fomenteur en tous genres (on lui doit le festival Parfum de Jazz dans la Drôme), et trompettiste/bugliste mélodieux.
Luis Manresa à la guitare basse, Jean Gros à la guitare et Pascal Bouterin aux drums. Quatre piliers qui en convient quelques autres au fil des compositions (toutes signées par l’un ou l’autre de ce quartet collectif). De Paul Garrett que l’on découvre, avec Cathy Lenoir, dans Agbalépédo, une étonnante balade en passerelle entre l’Afrique et l’Europe sur un texte de l’écrivain ivoirien Bernard Dadié. Du rappeur Houston dans NYC Calling, magnifiquement arrangé autour d’un texte de Leroi Jones.
AkpéMotion en appelle aux retrouvailles d’une humanité qu’il côtoie
Frappe dans ce Migrations 2 la multiplicité des univers musicaux qui se télescopent ou s’additionnent. Comme si AkpéMotion en appelait avant tout aux retrouvailles d’une humanité qu’il a l’habitude de rencontrer au fil de ses tournées lointaines. « C’est le fruit d’errances programmées, d’errances fructueuses autour de mondes réels et imaginaires », explique Alain Brunet qui a écrit le texte qui donne son nom à l’album. Entre tragédie de ce qu’on laisse derrière soi et espoir de ce qu’on compte trouver devant. Parcelles de vies. Ici, la Syrie ou la Libye rôdent. Evidemment. « Migrations….Migrations », répète Alain Brunet.
Rap, fusion, funk, R&B sont conviés à la table
Curieusement, Migrations 2, qui démarre sur plusieurs belles balades au ton retenu, s’émancipe au fur et à mesure, en appelle au rap, au funk, au R&B, à la fusion, sur fond de world pêchu pour déboucher sur des rives autres.
Ici, le bugle ou la trompette montre la voie, trouve le ton juste, initie une retenue qui se lit durant tout l’album. Le sujet est trop sérieux. Surtout aujourd’hui. Mais comment mettre des notes et des mesures sur ce que vivent ces autres dont personne ne veut ? Le quartet en tout cas s’y emploie : de la basse qui sous-tend l’ensemble à ces percussions minimalistes, précises, éloquentes. Arrive Marius et Mamie, l’occasion de retrouver Prince Lawsha sur un autre texte de Leroi Jones, et une musique où trompette et guitare de Jean Gros se donnent la réplique.
Au passage, AkpéMotion rappelle l’influence qu’a eu sur leur approche Frères migrants, le dernier ouvrage de l’écrivain Patrick Chamoiseau (éditions du Seuil, 2017).
Migrations 2 se referme sur un Clo plein de douceur, de sagesse, de lenteur.
Quiétude ? Le bout du chemin ? Le but enfin atteint ? Allez savoir.
* Akpe Motion : Migrations 2. Label : Great Winds
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