Bien que les sorties de disques semblent encore confinées, voici néanmoins quelques unes des perles que nous avons reçues et écoutées avec un grand plaisir. En attendant que les cènes vivent à nouveau bien évidemment…
KURT ROSENWINKEL . Angels around
Heatcore Records
Kurt Rosenwinkel : guitare
Dario Deidda : contrebasse
Greg Hutchinson : batterie
- Dans l’univers du jazz, Kurt Rosenwinkel est aussi discret qu’essentiel. Si vous l’écoutez d’une oreille discrète, vous croirez aisément qu’il vient du passé. Pour peu que vous que vous approfondissiez votre écoute, vous allez vite comprendre que ce manipulateur de sons à la sensibilité extrême a tout compris de l’art du faux semblant qui fait passer les vessies pour des lanternes. C’est d’abord le son de sa guitare, travaillé de manière très contemporaine, qui interpelle, puis ses phrases plutôt courtes et simples qui mettent en avant des mélodies imparables. Après quoi, ce sont sa conception de l’improvisation qui le démarque définitivement du commun des guitaristes et font que sa place dans la catégorie restreinte des grands gratteux de son temps est assurée depuis belle lurette. Accompagné très finement par le contrebassiste italien Dario Deidda et un autre jazzman incontournable à la batterie, Greg Hutchinson, le natif de Philadelphie livre un disque superbe, très homogène, au lyrisme impressionnant de fluidité qui conditionne grandement le jazz pur, mâtiné sur certains titres d’une agressivité plus rock, qui le parcoure. De la très belle ouvrage, indispensable dans une cédéthèque qui se respecte.
KATHLEEN GRACE with LARRY GOLDINGS . Tie me to you
Monsoon Records
Kathleen Grace : chant, guitare
Larry Goldings : piano, claviers, orgue, piano de poche, glockenspiel
David Piltch : contrebasse (1, 3, 4, 5, 8, 10)
Gabe Witcher : violon (1, 3, 7, 8)
Darek Oleszkiewicz : contrebasse (7)
- Pour cet album très personnel, la chanteuse Kathleen Grace a requis le seul musicien qu’elle envisageait, Larry Goldings le fameux. Rien moins. Il a accepté. Le résultat est un album enregistré en direct dans un studio de Los Angeles en toute simplicité. Les chansons à caractère jazzy parcourent les genres sans se poser de question. La vocaliste chante ce qu’elle veut comme elle veut et le pianiste la suit à la trace sur tous les registres avec une justesse ébouriffante. Elle s’éloigne au passage du jazz avec une chanson de Françoise Hardy, en français dans le texte. Pas de problème, elle affirme clairement « Je ne crée peut-être pas toujours une musique spécifique à cet espace, mais j’essaie de laisser ses vérités les plus profondes de liberté, d’écoute et de confiance guider mon chemin, mes choix. » Quoi qu’il soit, les thèmes choisis sont interprétés avec une émotion insigne et une sensibilité de tous les instants. Les duettistes s’accordent parfaitement dans leur recherche d’une musique authentique qui privilégie la spontanéité du moment. Dans la même veine, ils savent donner un lustre nouveau à des thèmes rebattus (The thrill is gone, Love for sale…) par une approche très personnelle franchement réussie. Les trois instrumentistes supplémentaires apparaissant ci et là au gré des titres ajoutent à l’ensemble les nuances qui lui conviennent afin de finaliser un disque touchant très réussi.
JOHN SCOFIELD . Swallow tales
Ecm
John Scofield : guitare
Steve Swallow : basse
Bill Stewart : batterie
- N’y allons pas par quatre chemins, ce disque du guitariste de Dayton, Ohio, est une pépite. Consacré aux compositions de Steve Swallow et enregistré à l’ancienne en une journée bien remplie, il permet au trio d’évoquer sous toutes les coutures le lyrisme naturel des morceaux du bassiste le plus iconique qui soit encore en activité. Le choix des thèmes embrasse une large part de son répertoire et offre une vue d’ensemble son grand œuvre. Scofield et Swallow se connaissent depuis près d’un demi-siècle et leur connivence éclate à chaque instant dans ce disque aux couleurs chaleureuses. Bill Stewart, fidèle du guitariste, apporte des lignes mélodiques qui lui sont très personnelles, autant qu’elles sont pertinentes d’ailleurs. Les structures harmoniques de Steve Swallow ont le grand avantage de rester toujours compréhensibles pour le plus grand nombre des auditeurs. Elles font sens et touchent l’oreille là où ça fait du bien. Parfaites pour l’improvisation, elles donnent à chaque musicien un droit à l’évasion particulièrement jouissif. Cela s’entend de bout en bout de cet album gorgé d’une sève musicale chaleureuse, orienté vers l’aventure mélodique et humaine. Un disque indispensable.
WALTER SMITH III & MATTHEW STEVENS . In common 2
Whirlwind Recordings
Walter Smith III : saxophone ténor
Matthew Stevens : guitare
Linda May Han oh : contrebasse
Micah Thomas : piano
Nate Smith : batterie
- Walter Smith III et Matthew Stevens reviennent pour un deuxième opus du projet « In common ». Le line-up est légèrement différent mais tout aussi convaincant que sur le premier album. Ne se contentant pas de faire ce qu’ils savent faire, les musiciens réunis ici prennent le risque de sortir de leurs zones de confort au profit d’un collectif créatif qui ne manque pas de saveur. Les thèmes, concis et clairs, sont dans la veine d’un jazz contemporain bien assis sur ses fondations. C’est très mélodique et pour tout dire accessible. C’est pourtant très libre et sur le même registre très lié à des structures fortement charpentées. Un grand nombre des thèmes enregistrés ont été réalisés en une seule prise et cela s’entend pour le meilleur, seulement le meilleur ! Le contraste entre la guitare acérée de Stevens et la rondeur du ténor fait merveille. La rythmique robuste et inspirée, le jeune pianiste qui monte, Micah Thomas, sont au niveau des leaders et font preuve en toute occasion d’une pertinence mélodique et structurelle remarquable. C’est un très beau disque, dense et léger à la fois, au pouvoir de persuasion pour le moins notable. Ne vous privez pas de l’écouter.
https://incommonwaltersmithiiimatthewstevens.bandcamp.com/album/in-common-2
SPIRA MIRABASSI . Improkofiev
Jazzmax records
Stéphane Spira : saxophone soprano
Giovanni Mirabassi : piano
Steve Wood : contrebasse
Donald Kontomanou : batterie
Yann Loustalot : bugle (5)
Dans ce disque en quartet, les retrouvailles entre Stéphane Spira (exilé un temps à New York) et Giovanni Mirabassi (le plus parisien des pianistes italiens) sont belles et bonnes. La suite de trois pièces qui constitue la moitié de l’album est basée sur une relecture très imaginative et intelligente du Concerto pour violon n°1 de Sergei Prokofiev. Certes la source est lointaine, réinventée, embellie et passé au filtre du jazz mais l’exercice n’en demeure pas moins une gageure réussie. Harmoniquement complexe, mais pas trop, lyrique jusqu’à l’évidence et mélodique en toute occasion, ce disque fait la part belle à un jazz plein de spontanéité et de pétulance. La rythmique précise, un contrebassiste solide et un batteur aérien, soutiennent avec une constance infaillible les expérimentations improvisatrices du saxophoniste et du pianiste qui s’entendent, il faut bien le dire, comme larrons en foire. Chaque thème interprété par le quartet apporte son lot de surprise et l’ensemble fait montre d’une cohérence épatante. Ce serait dommage de passer à côté.
https://www.spirajazz.com
https://www.giovannimirabassi.com
LANDRUS. HERSCH. GRESS. HART . For now
Blueland Records
Brian Landrus : saxophone baryton, clarinette basse, flute alto, flute
Fred Hersch : piano
Drew Gress : contrebasse
Billy Hart : batterie
Invités :
Michael Rodriguez : trumpet
Sara Caswell : violon
Joyce Hammann : violon
Lois Martin : alto
Jody Redhage-Ferber : violoncelle
Si l’on connait mal le leader multi-instrumentiste Brian Landrus, ses trois acolytes, eux, sont des figures incontournables de la scène qui accumulent des décennies de musique en tutoyant les ommets du paysage jazz. L’on était donc confiants avant même d’écouter le Cd. Pas déçus par ce que nous avons ouï, nous pouvons dire que les compositions de Brian Landrus sont à la hauteur des arrangements exigeants qui les nourrissent. L’apport du quatuor à cordes apporte une coloration très particulière qui soutient l’esthétique originale de la musique du leader. Jamais surchargée, la musique demeure malgré tout dans le champ d’un jazz classique et ouvert de très belle facture. Et comme il est interprété par des cadors du genre, on se laisse prendre dans les mailles de l’univers musical exposé. Au milieu du disque se trouve un « Round midnight » interprété en solo à la clarinette basse pour le moins très séduisant. Au final, l’opus est pétri d’une inventivité certaine qui définit l’espace musical de Brian Landrus dans un jazz subtilement décalé.
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