KETIL BJØRNSTAD . New Morning
Grappa
Ketil Bjørnstad : piano
- En Norvège comme ailleurs, des solutions ont été inventées pour combattre l’isolement dû à la Covid. Le disque dont nous parlons dans ces lignes en est un pur produit. Grâce à un producteur qui créa un festival en streaming, le pianiste Ketil Bjørnstad put donner un concert improvisé depuis le hall d’un centre municipal à Oslo. Et qui dit streaming dit caméra ; il y a donc dans la pochette, en plus du Cd, un Dvd de l’événement. Quant au pianiste, quasi septuagénaire au moment de l’enregistrement, il s’est lancé dans une improvisation longue de soixante-quinze minutes dans laquelle chacun pourra percevoir la brillance technique et l’inspiration dont il fit preuve ce jour-là. Mélodique, mélancolique, avec quelques accès de désarroi contenu et des accents de frénésie (d’irritation) très expressionnistes, la musique de Ketil Bjørnstad fait montre d’une ampleur peu commune dans la variété des approches. Dans cet état d’esprit propre au confinement, construite en phases successives, elle se développe sur une trame paysagère où les contrastes sont appuyés et les virages quelquefois abrupts : l’embardée n’est pas loin mais l’artiste a les ressources d’un vieux routier du clavier et il sait ménager ses effets (pas ses efforts). Le Steinway modèle D, lui, sonne de superbe façon et cela ajoute à la qualité intrinsèque du jeu pianistique versatile de Ketil Bjørnstad. Pour ceux qui aime les images, le Dvd donne à regarder le concert. Une question de goût. A noter pour finir que la pianiste est un auteur reconnu et nous vous conseillons de lire « La société des jeunes pianistes ».
https://www.ketilbjornstad.com/
HIRSUTE . Miniatures du dedans
Pince-oreilles
Anne Quillier : piano, compositions
Damien Sabatier : saxophone baryton
Pierre Horckmans : clarinettes
Michel Molines : contrebasse
Guillaume Bertrand : batterie
- Hirsute est l’un des rejetons du Collectif Pince-Oreilles. Emmené par Anne Quillier, qui compose tous les morceaux, il élabore un monde organique qui s’agite, tel celui que l’on découvre en fouillant l’humus, à l’écart, en toute discrétion. Il n’en est pas moins riche, mais il faut aller le chercher pour en profiter. Et pour peu que l’on tende les ouïes, il met à jour un univers complexe dans ses structures et suffisamment mélodique pour capter l’attention et se laisser prendre au jeu d’une écoute attentive. Les membres du quintet se connaissant parfaitement, ils savent se laisser absorber par les compositions et en extirper une moelle aux facettes multiples, celle d’un monde à part qui soudain jaillit au jour par les sons. Comme souvent, la musique d’Anne Quillier est aussi visuelle que sonore. Chacun peut donc s’approprier son imagerie, la digérer et la faire vivre autrement. L’imaginaire, c’est fait pour ça. Hirsute (montrez-moi sa tête) ne l’ignore pas et sait le provoquer. Avec une inventivité constante et une musicalité de tous les instants, hirsute risque de vous ébouriffer…
https://collectifpinceoreilles.com/…
MARTIN BEJERANO . #Cuban American
Figgland Records
Martin Bejerano : piano
Edward Perez : contrebasse
Ludwig Alfonso : batterie
Samuel torres : percussion
Roxana Amed : voix (8)
- D’une manière générale la musique sud américaine tend à nous irriter. Le pianiste américano-cubain Martin Bejerano fait exception et c’est pour une très part dû à son jeu, un jeu qui flirte avec celui des meilleurs. D’un bout à l’autre de l’album, la musique oscille entre ses identités cubaine et américaine de fort agréable manière. Elle est généreuse et mélodique à souhait. Les musiciens se tiennent au niveau du leader avec aisance. Bref, ça tourne avec des beaux soli et des improvisations des plus costaudes (très beau solo de contrebasse sur « Lonely planet »). Les compositions s’épanouissent souvent en crescendos trempés dans un lyrisme incandescent qui retiennent l’auditeur sans coup férir. Au passage, vous pourrez écouter une longue version très percussive du morceau de Sonny Rollins « Doxy » qui fleure bon le club new-yorkais en fin de soirée. Et là encore, Edward Perez sort de sa contrebasse un solo pas piqué des vers (il est très présent tout au long de l’album) avant que le quatre quatre prenne le pouvoir pour parachever de la manière la plus classique qui soit un exercice de style en tout point épatant. Plus tard dans le disque, une version très apaisée de « You’ve changed » se déroule tout en douceur avec de subtils dérapages harmoniques. Vous l’aurez compris, ce Cd ne manque pas d’atouts et devrait séduire les oreilles les plus exigeantes.
https://www.martinbejerano.com/
JOHN YAO’S TRICERATOPS . Off-kilter
See Tao Recordings
John Yao : trombone
Billy Drewes : saxophones soprano & alto
Jon irabagon : saxophones ténor & soprillo
Robert Sabin : basse
Mark Ferber : batterie
- La chance sourit aux audacieux et la musique aussi. John Yao (encore inconnu de nos services) emmène un quintet à trois vents qui ne demande qu’à surprendre l’auditeur. Il y réussit parfaitement d’ailleurs. La musique de ce disque est constituée d’un jazz bourré d’une effronterie énergique et d’une hardiesse impertinente résolument ouverte aux pas de côté. Sur une basse swingante très hard bop, elle se développe joyeusement au gré d’harmonies nettement moins consensuelles et de structures complexes entre lesquelles l’espace est grand ouvert pour l’improvisation. La rythmique s’acoquine avec une liberté d’expression étonnante (Mark Ferber impérial), sans pour autant nuire à la cohésion du groupe, tandis que les deux saxophonistes croisent le fer et le battent avant même qu’il soit chaud. Le leader est donc plus que bien accompagné, on le sent tout au long du cd, et peut laisser libre cours à une verve trombonistique (néologisme à deux balles) interactive et toujours pertinente. Le quintet dans son ensemble est généreux et bluffant et, au final, invente des formes musicales d’un indiscutable attrait. A découvrir absolument.
SAMO SALAMON . Pure and simple
Samo Records
Samo Salamon : guitare
Arild Andersen : contrebasse
Ra Kalam Bob moses : batterie
- Le guitariste slovénien sait choisir ses partenaires. Avec ce trio, il ne fait pas dans la demi-mesure et convoque Arild Andersen et Ra Kalam Bob Moses, rien moins. Le résultat ? Il est à la hauteur de l’attente que ces noms suscitent. Hyperactif, il publie là son quatrième disque de l’année. La musique ? Elle est aventureuse et parcoure des sentes éloignées du mainstream. Dans un morceau légère et aérienne, dans le suivant lourde et distordue, sous la férule des trois musiciens, elle explore en diagonales sinueuses des territoires insoupçonnés, se cherche des buts à atteindre, se construit sur le jeu de chacun des membres du trio. Ce n’est pas du Jimmy Gourley ! (on l’aime beaucoup) Vous êtes prévenus. Pour tout dire, c’est une musique intrigante qui n’appartient qu’au guitariste. Elle se nourrit de bribes mélodiques qui s’assemblent, l’air de rien, jusqu’à former un tout cohérent au sein duquel chaque instrumentiste trouve l’espace nécessaire pour enrichir le propos. Cet album propose une navigation au long cours, une itinérance contrastée sur les voies de la créativité musicale qui ne manque aucunement d’intérêt. Conseillé, vivement.
FLORENT NISSE & FEDERICO CASAGRANDE . Flux
Sense
Florent Nisse : contrebasse
Federico Casagrande : guitare
- Deux musiciens qui se sont rencontrés il y a une dizaine d’années décident d’enregistrer un disque avec dix pièces entièrement improvisées, numérotées de 1 à 10, dans lesquelles ils se donnent toute liberté. Cela donne « Flux ». Entre Florent Nisse et Federico Casagrande, l’entente est l’évidence même. L’un donne un côté percussif à son instrument tandis que l’autre l’enveloppe d’échos. Les deux sont en quête de mélodies. Ils tirent sur les cordes, mais la dissonance accouche toujours d’une ligne mélodique originale. Elle est souvent répétitive, plus exactement récurrente, assez pour envoûter l’auditeur et le pousser dans ses retranchements. Inscrite dans la créativité de l’instant et son écoute, elle délivre des flux qui s’étalent ou se resserrent de façon harmonieuse autour de l’idée qui germe. Elle ne se prive jamais d’oser et, si le dialogue peut paraître ici ou là à la limite de la rupture, les deux compères savent rétablir l’équilibre avec brio en trouvant le son et la note qui l’accompagne en les posant à leur juste place. Florent Nisse et Federico Casagrande étaient lors de cette session d’enregistrement, eux aussi, à leur juste place.
https://www.florentnisse.com/
https://www.federicocasagrande.com/
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