
MATHIAS EICK . Lullaby
Ecm
Mathias Eick : trompette, voix, claviers
Kristjan Randalu : piano
Ole Morten Vågan : contrebasse
Hans Hulbækmo : batterie
Les jazzmen norvégiens savent faire des mélodies entêtantes, de celles qui vous s’installent sous votre crâne et semblent ne jamais vouloir le quitter. Mathias Eick et ses très estimés collègues n’échappent pas à la règle. Peut-être même en sont-ils les parangons. Que les rythmes soient enlevés ou plus apaisés n’y change rien. L’évanescence des paysages septentrionaux est la matrice de sa musique. Elle emprunte ses chemins sans autre but que de faire le voyage. Le temps suspendu s’invite tous aux longs des titres du disque et invite au lâcher prise. L’osmose entre les musiciens est évidente et rien ne peut les détourner des flux mélodieux et serpentins qu’ils créent. L’expressivité douce et subtile du trompettiste, le son pur de son instrument, porte l’ensemble de la formation et définit l’esprit du disque, même si les musiciens qui l’accompagnent sont à sont niveau. La musique de Mathias Eick laisse une empreinte durable sur l’auditeur tant par son aspect planant, ni trop haut ni trop bas, que par son raffinement. En ces temps calamiteux, c’est une oasis de beauté inactuelle. Passer à côté serait triste.
CLAUDIA SOLAL & BENJAMIN MOUSSAY . Punk moon
Jazzdor séries
Claudia Sola : voix
Benjamin Moussay : piano, rhodes, synthétiseur modulaire
Claudia Solal et Benjamin Solal n’en sont pas à leur coup d’essai et d’ailleurs chaque album qui les associe est une incontestable réussite. Celui-ci évolue au cœur d’atmosphères douces et denses et les textes de la chanteuse s’accordent à la poésie native de sa voix. Ils émergent de ses cordes sensibles tels des évidences humainement accomplies, nécessaires. Benjamin Moussay, lui, entre cordes et électronique tisse un lit mélodique sur lequel chaque phrase est accueillie et magnifiée. Plus proche de la pop que du jazz à proprement parler dans leur structure, les titres recèlent une part de mystère, un cri émotif et un engagement sans faille au service du féminin dans toute sa beauté complexe. Sans éclat outrancier, sur une ligne qui n’appartient qu’à elle, entre les lignes du banal et de la flagrance, Claudia Solal délivre un message étroitement lié au pouvoir mélodique du chant. En mêlant les strates sonores avec une habilité jamais démentie, inspirée et symbiotique, Benjamin Moussay fait plus que l’accompagner. Les deux se géminent, voies uniques et doubles, au cœur d’un voyage sensoriel, né dans la fibre intime, ancré dans une forme d’onirisme orbital adjoint à la vitalité du réel. Indispensable.
https://www.claudiasolal.com/
https://www.benjaminmoussay.net/
BILLY HART QUARTET . Just
Ecm
Billy Hart : batterie
Ethan Iverson : piano
Mark Turner : saxophone
Ben Street : contrebasse
On n’a pas tous les jours vingt ans. Ce n’est pas l’âge du leader mais celui de son quartet, un quartet constitué de fortes personnalités qui propose des thèmes stylistiquement variés, remarquablement tirés au cordeau et toujours d’une musicalité brillante. Les quatre musiciens déploient leurs talents respectifs, et ils sont grands, avec un souci constant de cohésion, un respect du collectif, qui ne manqueront pas de séduire l’auditeur le plus exigeant. Comme ils sont en sus aisément identifiables, chacun avec leur instrument, il est étonnant de constater à quel point ils sont capables d’unifier leurs voix au service d’un jazz contemporain très haut de gamme et néanmoins toujours accessible. C’est du beau travail. Naturellement, Billy Hart se laisse quelques espaces pour démontrer (le faut-il encore) à quel point sa polyvalence inspirée et sa précision sont époustouflantes, mais il a la sagesse de ne pas en faire trop et de laisser ses amis exprimer pleinement leur différence. Pour ceux qui aime les couleurs du jazz.
https://www.billyhartmusic.com/
POSSIBLE(S) QUARTET Gymnostrophy
Les Improfreesateurs
Rémi Gaudillat : trompette
Fred Roudet : trompette
Loïc Bachevillier : trombone
Laurent Vichard clarinette basse
Dix années d’existence assurent à ce quartet de vent une indiscutable cohésion qui transparaît dès les premières notes. En toute franchise, on le savait déjà. On n’est donc pas surpris par la qualité du travail exposé dans ce disque. Par contre, il fallait oser mêler Satie et Monk, c’est du moins la première pensée qui vient à l’esprit de l’auditeur. Ensuite, l’évidence se fait jour car les deux compositeurs sont liés par un humour et un anticonformisme salvateurs qui siéent au Possible(s) Quartet. Excellement chambristes, ils prennent un malin plaisir à truffer leur propos musical de références et cultivent l’alternative avec une élégante décontraction. Des pleins et des déliés au cœur d’un minimalisme poétique travestissent avec joliesse Monk et Satie ; une forme d’hommage qu’ils auraient à notre humble avis apprécier. Les musiciens semblent sourire à chaque note jouée et qu’ils fréquentent la mélancolie ou une joie sautillante, presque enfantine, ne change rien à l’affaire, c’est une musique inspirée, harmonieusement équilibrée, qui séduira sans peine les amateurs aimant sortir des sentiers rebattus. Indispensable.
https://www.possibles-quartet.com/
SYLVIE COURVOISIER & MARY HALVORSON . Bone Bells
Pyroclastic Records
Sylvie Courvoisier : piano
Mary Halvorson : guitare
Ces deux musiciennes se connaissent, se comprennent mieux que bien et cela s’entend dès les premières notes. Leur musique est organique, dissonante et furieusement mélodique. Elle claque autant qu’elle caresse mais, gare à vous, elle a la caresse souvent rugueuse. Elle s’immisce dans les tréfonds du cerveau de l’auditeur avant même qu’il s’en soit rendu compte. Magiciennes ou sorcières (ou les deux), Sylvie Courvoisier et Mary Halvorson capte, capture, l’attention grâce à un univers pondéreux qui ne dissimule aucunement la finesse de leur travail. Leurs compositions, quatre chacune, ont l’audace des avant-gardistes. Elles sont complexes et singulières et toujours inventives. Bien qu’elles viennent d’univers différents, les deux artistes se retrouvent dans des intersections communes qu’elles explorent jusqu’à former un duo à une voix tant la fusion entre elles est patente. Ce disque est une expérience artistique au sens large de l’expression. On n’est pas toujours sûr de ce que l’on écoute ni pourquoi on l’aime et il est plus que probable qu’on le vive un peu malgré nous, mais grâce à elles. C’est pourquoi on les remercie. Et sachez qu’on a exactement une impression similaire en concert. Jouissif et vivement recommandé.
https://www.sylviecourvoisier.com/
https://www.maryhalvorson.com/
THE HOOKUP . Twenties
Jazz Eleven
Géraldine Laurent : saxophone
Noé Huchard : piano
François Moutin : contrebasse
Louis Moutin : batterie
Nous qui n’avons lu que très récemment « La rage de vivre » de Mezz Mezzrow, voilà que nous recevons le disque d’un quartet s’intéressant au jazz des années 20. Allez quoi… Si l’on excepte le pianiste qui arrive à peine au quart de siècle, ses collègues ont déjà quelques décennies dans les pattes et une histoire du jazz dans la poche. Mais cela fonctionne très bien, l’amour du jazz faisant naturellement le lien entre les générations. Fort heureusement, il n’y a rien de passéiste dans leur démarche et la récréation avec les codes d’un autre siècle, le nôtre, de ces immortels standards est un régal à bien des égards. L’écoute entre eux est prégnante et ils jouent sans véritable leader. Mais comme ce sont tous des leaders potentiels, ils évoluent à un niveau de jeu impressionnant. Pas une note qui ne soit pas à sa place, le discours est empreint d’une fluidité de tous les instants et l’auditeur peut très rapidement se foutre de savoir d’où vient cette musique car elle sonne comme si elle était d’ici et d’aujourd’hui. C’est donc une performance épatante et plus encore une leçon de musicalité première qui n’existerait pas sans imagination créative.
https://www.geraldinelaurent.com/
https://www.moutin.com/
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